A STEP LATER

Chapitre XII : Foutu coloc

Je n'ai encore jamais eu l'occasion d'aller chez Caleb et Kyle depuis que j'ai emménagé dans ma nouvelle chambre. Quoi de mieux qu'une après-midi révision pour y remédier ? Je n'ai pas été étonné quand Caleb m'a proposé de le rejoindre chez lui pour réviser les partiels ensemble. Il me paraît plutôt investi, il est plus assidu en cours qu'au début de l'année et il n'arrive presque plus en retard.

Presque. Faut pas rêver.

Alors me voilà collé à une barre pour me tenir debout dans un bus bondé en direction de leur appartement. Mon casque sur les oreilles, j'écoute du Nirvana à fond pour essayer de me vider l'esprit et je fixe le sol pour éviter de croiser les regards inquisiteurs.

Et malgré ça, j'ai l'impression de toujours sentir son regard sur moi.

Je ne sais pas pourquoi, mais depuis que je suis rentrée de soirée, mes angoisses sont revenues puissance mille.

Comme les premiers mois après mon viol.

J'avais l'impression qu'il me suivait tout le temps.

Gabriel.

Même si je savais que ce n'était pas le cas, que mes parents me protégeaient, que j'étais en sécurité, mon esprit déraillait complètement, jusqu'à me faire entendre le son de sa voix partout où j'allais.

Petit à petit, à force de rendez-vous chez ma psy, mes angoisses se sont dissipées et je ne le retrouvais plus que dans mes rêves. Même si j'ai des médicaments pour m'aider à dormir correctement, j'ai horreur de les prendre, car j'ai l'impression de complètement laisser aller mon corps. Certes, mes nuits sont complètes et je ne fais pas de cauchemars, mais je n'ai plus le contrôle de mon esprit quand je les prends. J'ai besoin d'être éveillé à tout instant pour me sentir en sécurité, quitte à être fatiguée tout le temps.

Aujourd'hui, j'ai l'impression d'être revenu au point de départ. Je ne vais nulle part sans cette impression d'être suivie et constamment observée et je n'arrive pas à fermer les yeux de la nuit. Hors, les partiels commencent dans deux jours et je ne pouvais pas me permettre de manquer de sommeil. Alors, cette semaine, j'ai avalé mon médicament tous les soirs et je suis directement rentrée après les cours. Pas de bibliothèque, ni d'escalade. De toute façon, je n'en avais pas la force. Avec Nathan nous avons échangé quelques messages et il avait moins l'air tendu qu'en début de semaine. Il m'a même promis d'aller boire un verre ensemble après les partiels pour repartir sur de bonnes bases. Et c'est tant mieux, car j'ai autre chose à penser que de me prendre la tête pour un mec.

Alors que je lève la tête pour savoir quand est-ce que je descends du bus, mon regard vient croiser des yeux noirs et durs que je ne connais que trop bien.

Jessie.

À chacune de ses mains, Charlie et Olivia se disputent comme à leur habitude, jusqu'à ce qu'ils m'aperçoivent et foncent vers moi, non sans bousculer tout le monde au passage.

- EVIE !! crie Olivia alors qu'elle m'enserre la taille de ses tout petit bras. Tu m'as manqué !

- Tu m'as encore plus manqué, annonce Charlie en poussant sa sœur pour me faire un câlin à son tour.

Je ne peux pas détacher ma deuxième main de la barre, car le bus est si instable que je tomberai, mais je leur rends leur étreinte du mieux que je peux.

C'est vrai que ces gamins m'ont un peu manqué.

Mais pas celle qui se dirige vers nous en m'assassinant de son regard.

- Bonjour Jessie, dis-je le plus calmement possible pour ne pas donner le contrôle au tremblement de ma voix.

Elle ne me rend même pas mon bonjour. Ça commence bien...