Chapitre XXII : Regrets

1.3K 31 7
                                    

"Remords. C'est une blessure qui ne guérit pas, un châtiment qui n'en finit jamais."

Madeleine Ferron

KYLE

La dernière fois que j'ai regardé ce plafond, il était encore blanc. En à peine quelques jours, une tâche informe marron est apparue. Je n'ai rien vu venir. Un moment, il était propre, l'instant d'après, il se fait souiller par la fuite d'eau de l'étage du dessus.

Les merdes, ça vous arrive sans prévenir.

Allongé sur mon lit depuis des heures, les mains croisées sur mon ventre, je ne peux détourner les yeux de cette tâche, pâle reflet de ma situation actuelle.

Comment en suis-je arrivé là ?

Les quelques cachets que j'ai pris pour calmer l'angoisse qui me bouffait une fois partit du QG m'ont un peu trop calmé l'esprit. Je recommence à peine à avoir des pensées cohérentes et pourtant ... Je n'arrive toujours pas à détourner les yeux de cette tâche.

Je n'ai pas pour habitude de m'évader de cette manière. J'en ai même horreur. Perdre le contrôle de mes pensées, de mes mouvements de façon non naturelle m'angoisse. C'est pour ça qu'en général, je ne touche à rien qui pourrait me faire perdre pied et me rendre addict au passage. Alcool, médoc, drogue ... ça me rend fou rien que de penser que l'une de ces merdes pourrait me faire devenir comme ma mère.

Cependant, j'avais besoin d'inhiber toutes ces sensations, ses ... regrets. Après ce que j'ai fait durant la semaine, je ne me sentais plus assez fort pour regarder en face l'homme que je suis devenu. Alors j'ai préféré oublier.

Sauf que la remontée à la réalité est bien pire que je ne l'aurais pensé. Un poids appui sur ma poitrine en permanence, si bien que j'ai du mal à respirer. Des flashs de mes actes me reviennent en tête, me donnant des sueurs froides. Mes doigts tremblent de plus belle quand je repense à ses yeux tristes quand elle pensait que je venais pour l'aider, à sa rage explosive lorsqu'elle a compris que je n'étais pas la personne qu'elle connaissait.

- Mec ! T'es toujours là ? Je suis parti il y a quatre heures, tu étais exactement dans la même position.

La voix de mon meilleur ami me permet d'enfin détourner mes yeux de cette tâche.

- Tu devrais aller voir le voisin du dessus, sa fuite d'eau a niqué le plafond.

Il ne répond pas, se contentant de m'observer depuis l'encadrement de la porte. Ses yeux rieurs ont laissé place à des rides d'inquiétude. Je peux lire en lui comme il lit en moi. Parfois, je regrette cette capacité à nous jauger d'un seul regard. Comme en ce moment même. Il sait que quelque chose ne va pas.

- Evie n'est toujours pas rentrée ? il me demande l'air penaud.

- Non.

Ma réponse ressemble davantage à un grognement, mais peu importe. Caleb pense que je suis dans cet état, car Evie est malade et qu'elle ne peut donc pas rentrer à Minneapolis. Trop fragile pour sortir de l'hôpital en France et même pour donner nouvelles. Voilà la version officielle : un foutu virus qui l'empêche de s'alimenter correctement et qui l'affaiblit énormément.

- Tu as des nouvelles ?

Beaucoup trop. Et pas assez en même temps.

J'enchaine les mensonges depuis que j'étais censé allé la chercher il y a maintenant une semaine, prétextant avoir des contacts avec sa mère alors qu'elle-même doit être morte de peur.

A STEP LATEROù les histoires vivent. Découvrez maintenant