J'observe Niall alors qu'il s'escrime à percer le mur pour y poser une étagère. J'aurais pu lui dire que ça m'aurait pris deux minutes, mais j'aime bien me rincer l'œil sur ce bricoleur du dimanche, aussi doué avec une perceuse qu'avec une clé à molette.
Ma canine mordille ma lèvre tandis que je scanne Niall de bas en haut : son corps est juste recouvert d'un bermuda baggy marron qui lui moule les fesses à la perfection. Son dos luit à cause de la sueur. Je me revois la nuit dernière fêter notre première journée chez nous, lorsque mes doigts glissaient entre ses omoplates dans une veine tentative de me maintenir contre son torse. Nous n'avions pas atteint la chambre où repose pour le moment un unique matelas gonflable, vestige de notre road trip de cet été en Écosse.
La chaleur de ce mois de septembre est accablante, la moindre activité un tant soit peu physique nous fait perdre des litres d'eau. Et ce n'est pas notre malheureux ventilateur de supermarché qui nous permet de moins cuire.
Quand, enfin, il pose la planche sur les équerres, je m'approche de lui, tout en attrapant au passage la serviette éponge délaissée sur un carton.
— Ah, ah ! J't'ai eu ! s'exclame-t-il avec joie en pointant l'étagère du doigt.
Il recule de quelques pas pour observer son chef-d'œuvre et me percute. Son visage se tourne vers le mien tandis qu'un de mes bras enserre sa taille et que mon autre main lui essuie le dos.
— Bravo, mon ours, t'es trop fort, lui susurré-je contre la bouche.
Nos lèvres se rencontrent. Il pivote pour m'enlacer. Ses paumes brûlantes, posées de part et d'autre de mes hanches, ne font rien pour m'aider à me rafraîchir. Je me consume à l'extérieur comme à l'intérieur. Notre baiser est tendre et je savoure le sentiment de bien-être qui m'envahit.
— T'es bouillant et tout collant, murmuré-je.
— Une petite douche froide, ça te tente ?
Un grand sourire illumine son visage et ses yeux pétillent. Je mordille sa lèvre sans le lâcher du regard et agrippe sa ceinture pour l'entraîner avec moi vers la salle de bains.
Au passage, je lorgne la photo encadrée sur le mur du salon. C'est la première chose que nous avons installée après avoir passé le seuil de notre chez-nous. J'avais dû insister pour que Niall prête son appareil à une touriste, afin que nous puissions être tous les deux sur le cliché au bord de l'eau. Au début, il ne pouvait pas s'empêcher de donner des directives à la photographe de fortune, alors je lui ai saisi le visage pour qu'il me regarde. Parmi toutes les photos qui ont été prises, c'est celle-ci que nous avons choisie. Nous sourions tous les deux et l'intensité dans notre échange visuel reflète celle de notre amour passionné.
Ces trois derniers mois ont été mouvementés. Aïdan s'est repenti après sa confrontation avec Niall. Je ne sais pas par quel miracle ces deux-là ont fini par s'entendre, mais tout a fini par rentrer dans l'ordre. Mon frère est également venu me présenter ses excuses. Depuis, il n'a jamais été aussi prévenant avec moi. Le mariage entre Skye et lui a bien eu lieu et les jeunes mariés semblent très heureux. Avec Niall, nous avons enfin pu nous montrer officiellement ensemble. Notre voyage de quinze jours sur les routes d'Écosse nous a beaucoup rapprochés, c'est à peine si nous arrivions à nous décoller l'un de l'autre. Quand je lui ai proposé d'emménager avec moi, alors que nous pique-niquions au bord d'un loch, cette fois, il n'a pas hésité. Terminés les « je t'aime je te fuis ». Aujourd'hui, nous commençons notre colocation amoureuse, et mon cœur n'en finit plus de battre frénétiquement à chaque fois que mes yeux se posent sur lui.
Une heure plus tard, c'est l'effervescence dans l'appartement. Skye, Aïdan, Melvin et Julian, son nouveau mec, arrivent pour nous aider à décharger les derniers cartons de Niall, restés dans le camion de location, et faire quelques allers-retours dans mon ancien logement pour que je récupère mes affaires.
— Alors, les amoureux, vous avez déjà essayé toutes les pièces ? rigole Melvin.
Mes yeux s'ouvrent grands et lui lancent des éclairs. Son visage prend un air contrit. Je porte mon attention sur mon frère, grand sourire aux lèvres.
— C'est pas rien, un emménagement, faut fêter ça ! entonne-t-il avec un clin d'œil.
Niall passe à côté de lui et lui donne une tape amicale. À quel moment je me réveille pour me rendre compte que tout ça n'a rien de réel ? Je m'éclipse avec Melvin et son copain, pendant que mon colocataire reste chez nous avec les jeunes mariés pour monter quelques meubles et amorcer le rangement.
Dans le break de Julian, mon ami, à l'avant, regarde amoureusement son homme. Qui aurait cru qu'il trouverait un partenaire durant le mariage de mon frère ? Julian s'avère être le traiteur que Skye a engagé. Il était donc présent lors du repas et c'est en se rendant en cuisine pour piquer du rab que Melvin et lui se sont rencontrés. Ou plutôt, percutés, quand Mel a franchi la porte au moment où Julian sortait avec un plateau. Il est revenu dans la salle, rouge comme une pivoine, pour me raconter, et je n'ai pas pu m'empêcher d'éclater de rire. « Je te dis que j'ai croisé les plus beaux yeux de la terre en me foutant la honte, et toi, tu te marres ? » Depuis, ils ne se quittent plus.
— Alors, ça fait quoi de prendre un appart avec le beau gosse ?
Je vois dans le rétroviseur intérieur le coup d'œil noir que lance Julian à son petit ami. Melvin réplique à l'œillade assassine.
— Va pas me dire que tu ne lui trouves pas de charme ?
— Pas vraiment. J'ai plutôt un faible pour les métis bien rasés.
Le teint du passager prend de jolies couleurs et il a bien du mal à contenir le sourire qui menace de faire éclater ses joues. Je décide de lui venir en aide en répondant à sa première question.
— Eh ben, ça me fait même pas bizarre. J'ai tellement envie de me réveiller chaque matin en pouvant observer ses traits d'ours mal léché !
— Vivement que le lit soit monté, alors ! s'esclaffe Melvin.
Nous rions de bon cœur. Une fois chez moi, enfin, dans mon ancien chez-moi, pas une once de tristesse ne me saisit. Peut-être une pointe de nostalgie en repensant à cette fameuse soirée où Niall s'est vraiment lâché. Mais nous allons créer tellement de nouveaux souvenirs ensemble que je balaie cette pensée fugace.
Lorsque nous retournons à l'appartement, il règne une bonne ambiance. J'aperçois Skye, calée dans l'embrasure de la porte de ce qui sera la chambre noire de Niall, en train de se marrer.
— Qu'est-ce qui se passe ? lui demandé-je en m'approchant.
— Ils se prennent gentiment la tête pour l'installation, c'est drôle à voir. Niall a bien proposé à Aïdan d'aller monter le lit plutôt que de l'aider, parce que tu sais, le matos de Niall, c'est pas n'importe qui qui peut le toucher, mais mon cher mari n'avait pas l'air chaud à cette idée, va savoir pourquoi, rigole-t-elle en me faisant un clin d'œil.
Vraiment, moi non plus, je ne sais pas pourquoi. Qui dit à Aïdan que nous ne ferons rien sur le plan de travail où Niall développera ses photos ? Il est pourtant bien occupé à l'aider dans le montage, sans imaginer ce que nous pourrions bien faire d'autre dans cette sombre pièce que ce qu'implique sa fonction première.
Après un apéritif improvisé pour fêter la fin du déménagement, on s'embrasse en se promettant d'organiser la crémaillère très vite et chacun rentre chez soi. Quand la porte se referme, Niall se jette sur mes lèvres.
— Cette journée était très sympa, mais je suis bien heureux qu'on soit enfin seuls, affirme-t-il après un long baiser.
— Dans un appart avec des meubles, renchéris-je.
Je glisse mes doigts dans les poches arrière de son bermuda pour l'attirer encore plus contre moi. La tête baissée vers mon visage, ses iris azur s'ancrent dans les miens. Une vague de chaleur se déverse sous ma peau et une myriade de papillons batifole dans mon ventre.
Après une rencontre improbable sur cette route paumée des Highlands, nous venons enfin de trouver le chemin du bonheur, ensemble.
FIN
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ღ ℬ𝓸𝓷𝓷𝓲𝒆 ℋ𝓲𝓰𝓱𝓵𝓪𝓷𝓭𝓼 ღ
Любовные романыPositionnez la mécanicienne pétillante près du photographe tourmenté. Déconnectez leur part d'ombre, puis pansez toutes leurs blessures. Réparez leur cœur avec un florilège d'émotions et beaucoup de tendresse. Attisez les braises, jouez sur la frust...