Le contrat

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Elle ne faisait que pleurer, le visage caché dans ses mains. Elle était incapable de faire autre chose. Ses sanglots étaient hystériques par moment, mais ils lui perçaient le cœur. Il n'y avait rien qu'il puisse faire pour la consoler. Elle s'était recroquevillée sur elle-même pour pleurer.

Il n'osait pas la toucher, la serrer dans ses bras. Il se tourna vers la fenêtre, s'empêchant de se couvrir les oreilles. Il ne voulait plus l'entendre sangloter. Il ne ressentait pas la même chose qu'elle. Le drame ne l'affectait pas comme elle. Il était triste, mais pas au même niveau qu'elle pouvait l'être. En fait, il était plutôt soulagé que triste. Il était incapable de le lui dire. Ce n'était pas le bon moment. Mais plus elle pleurait, plus ça l'agaçait. Comment pouvait-il la faire taire ? Il eut une idée. Le médecin se trouvait toujours dans la chambre, attendant de pouvoir dire ou suggérer quelque chose. Lorsqu'il le regarda, il remarqua qu'il s'était déplacé vers la porte. Il devait agir vite. Il s'empressa d'aller le rejoindre et demanda à voix basse s'il y avait quelque chose qu'il pouvait faire pour l'aider. Le médecin fronça les sourcils, ne comprenant pas où il voulait en venir.

– Vous savez qu'elle ne souffre pas, n'est-ce pas ?

– Pour la calmer, vous comprenez ? répondit-il. Elle souffre, mais peut-être pas physiquement. Elle a de la difficulté à encaisser le coup alors si vous lui donnez un truc pour l'aider ou la calmer... Ça ne peut pas nuire, non ?

Le médecin hocha la tête. Bien sûr qu'il comprenait ce qu'il voulait dire. Ce n'était pas la première fois qu'un époux lui demandait de « soulager » son épouse après ce qu'elle venait de vivre. La jeune femme venait de perdre son bébé, âgé d'environ vingt-huit semaines. Sur le sol de sa cuisine. Assez traumatisant. D'un regard compatissant, il mit une main sur l'épaule de l'homme et sortit de la chambre. Peu de temps après, une infirmière entra dans la chambre avec une aiguille qu'elle utilisa sur la jeune femme en murmurant des mots réconfortants. Ensuite, elle fit un petit signe de tête à l'homme et sortit. Les sanglots diminuèrent lentement pour ne devenir qu'un petit gémissement. Puis, plus rien. Son épouse était étendue sur le lit, le visage humide de larmes. L'homme poussa un long soupir de soulagement.

Il aurait bien aimé que le médecin lui injecte ce calmant avant. Son mal de tête n'aurait pas été aussi terrible si sa femme avait été silencieuse. Était-ce possible de pleurer en silence ? Il aurait tant voulu qu'elle le fasse... Puisqu'elle semblait dormir, il n'avait plus à cacher sa joie. Il retourna près de la fenêtre, un immense sousure sur les lèvres. Il n'avait plus à s'inquitéter pour ce bébé qu'il n'avait jamais voulu. Il avait été incapable de le dire à son épouse. Qui voulait d'une famille ? Le coût de la vie était beaucoup trop élevé ! Il adorait vivre confortablement, avoir de l'argent et voyager quand il le désirait. Qui voulait s'encombrer d'enfants ? Mais il aimait son épouse. La grossesse était un accident et la fausse-couche en était une aussi. Quelle ironie. Un accident se terminant par un autre accident. Pas question qu'il lui dise ça ! Le ferait-il un jour ? Peut-êtr epas. Il regarda par la fenêtre avant de se tourner vers sa femme étendue dans le lit. Il grimaça, constatant qu'une bulle dans une de ses narines se gonflait avec sa respiration. Pour l'instant, il ne croyait pas qu'elle était sexy. Ce n'était pas la jeune femme qu'il avait épousée un an plus tôt. Il était déjà impatient de la revoir. Dans combien de temps allait-il la revoir ? Il se demandait encore combien de temps il allait devoir étirer sa patience. Il en avait de moins en moins.

Il jeta un dernier coup d'œil sur sa femme avant de sortir de la chambre. Il prit son téléphone pour chercher sur le sujet. Il fut découragé d'apprendre que certaines femmes ne s'en remettaient jamais. Il risquait donc de ne jamais retrouver la femme sexy d'autrefois. Il adorait se balader dans les événements mondains avec elle accrochée à son bras. Elle était son accessoire de sortie préféré. Plus maintenant. Il ignorait qu'elle désirait des enfants lorsqu'i l'avait épousée. Il jugeait que c'était un détail important qu'elle aurait pu lui dire. Puisque le problème était réflé, quand allaient-ils pouvoir reprendre une vie normale ? Elle passerait sûrement quelques jours à l'hôpital pour se reposer un peu avant de rentrer. Préparer la maison serait facile. Oh... La cuisine... Il revoyait tout le sang sur le carrelage blanc. Leurs domestiques n'étaient pas équipés pour nettoyer ça. Il devrait trouver une autre alternative. Et pas question que je remette les pieds là-bas tant que ce n'est pas fait ! Il en avait des frissons d'horreur. Il longea le couloir jusqu'à l'escalier. Il descendit au rez-de-chaussée et sortit de la bâtisse pour prendre l'air. Il en avait assez d'être coincé dans cet endroit et il était trop tôt pour rentrer. Il prit son téléphone pour rechercher une entreprise de nettoyage lorsque l'appareil se mit à vibrer dans sa main. C'était la sœur cadette de sa femme. Elle lui disait avoir tout juste entendu la nouvelle et qu'elle était très désolée de ce tragique événement. Il la remercia. Prétendre via téléphone était beaucoup plus facile qu'en personne. Il n'avait pas à cacher son sourire, songeant qu'une partie de son problème était réglé. Ni sa grimace de dégoût en pensant à l'horreur toujours sur le plancher de la cuisine. Il n'eut pas à feindre la surprise lorsqu'elle lui annonça qu'une entreprise de nettoyage s'occuperait de tout. Connaissant les parents de son épouse, cette compagnie n'était sûrement pas dans les moins chères. Il en était vraiment reconnaissant.

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