Richesse des autres

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Le soleil brillait en cette belle matinée de juin 1693. Le cocher arrêta le carrosse devant le pont menant à la cour de l’impressionnant domaine. Il en descendit et alla ouvrir la petite porte. Il tendit la main pour aider la jeune femme à descendre de la petite voiture. Elle jeta un coup d’œil avant de se tourner vers le cocher, les sourcils froncés.

- Où sont les esclaves ?

Il haussa les épaules. Un homme de grande taille s’approcha de la jeune femme et s’inclina devant elle.

- Bonjour, charmante demoiselle, dit-il en se redressant.

Elle lui tendit la main et il y déposa un chaste baiser.

- Bonjour à vous aussi. Pouvez-vous répondre à mes questions ?

- Je vais tenter de le faire.

- Où sont les esclaves qui sont à vendre aujourd’hui ?

Il lui sourit.

- Laissez-moi vous conduire jusqu’à eux. Je m’y rendais à l’instant.

Il lui offrit son bras. Elle le prit en le remerciant. Ils marchèrent lentement, se rendant à l’arrière du domaine. Là, des hommes tiraient de lourds chariots contenant la marchandise du jour. Il décida d’engager la conversation.

- Vous savez, je connais tous les courtisans de la cour, mais c’est la première fois que je vous vois.

Elle hocha la tête.

- Je viens d’arriver à Paris, monseigneur.

- Et vous aimez Paris ?

Elle se mit à rire.

- Je n’ai pas encore eu le temps de la visiter.

- Puis-je connaître votre nom ?

- Rolande de Magnès. Et vous ?

- Gérard de Chantilly.

- Et êtes-vous marié, monsieur de Chantilly ?

Il lui sourit avant de lui répondre que non, il ne partageait pas sa vie avec une femme. Il lui posa la même question. Il fut surpris par le ton froid qu’elle employa. Elle lui dit qu’elle avait été promise à un homme qui était décédé lors de la cérémonie. Il s’était écroulé au pied de l’hôtel, dans la cathédrale. Il fronça les sourcils, lui répliquant que c’était impossible puisqu’elle venait à peine d’arriver. Elle secoua la tête.

- Il ne venait pas d’ici.

- Qu’allez-vous faire maintenant que votre fiancé n’est plus de ce monde ?

- Je compte rester à Paris.

- Mais vos parents…

Elle se remit à rire en secouant la tête.

- Ils n’ont plus aucun droit puisqu’ils me croient mariée. Grâce à la mort de mon fiancé, je suis désormais une femme libre.

Il lui sourit. Ils arrivèrent devant une foule de courtisans attroupés devant un gros chariot dotés de barreaux de métal. Des hommes et des femmes, sales de la tête aux pieds, observaient les curieux d’un œil craintif. Un homme monta sur un podium et déroula un parchemin avant de s’éclaircir la gorge.

- Voici les esclaves disponibles !

Un garde en fit sortir un, chaînes autour des chevilles. Il le poussa un peu en avant, près du messager qui se mit à en faire la description : son état de santé, ses antécédents d’emplois. Ces anciens propriétaires avaient dû le vendre pour rembourser des dettes contractées sur leur ferme. Il avait une excellente condition physique. Une femme cria qu’elle le prenait pour trois pièces d’or. Rolande regarda autour d’elle, le sourire aux lèvres. Un homme surenchérit à quatre pièces d’or et gagna. L’esclave suivant s’approcha du messager. Il s’agissait d’une femme qui avait fait des travaux ménagers pour une famille très riche. Elle était restée à Paris lorsque la famille avait quitté la ville. Roland leva la tête pour regarder l’esclave. Un homme lança son offre de départ à deux pièces d’or.

Recueil de nouvellesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant