Le bienfondé d'une session

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Cela faisait environ cinq minutes qu'elle pleurnichait sans être capable de parler. Il la laissait faire, gribouillant sur son cahier de notes. Normalement, ça l'occupait le temps de la crise. Mais présentement, il se sentait assez agacé. S'apitoyer sur son triste sort n'arrangerait en rien les choses. Elle cohabitait avec un manipulateur se prenant pour un dieu. Elle était trop bien pour lui alors il la rabaissait à chaque occasion pour l'empêcher de le quitter. Astucieux mais quand même assez pathétique. Elle devait quand même s'en rendre compte ! Et pourquoi restait-elle avec lui ?

- Parce que je l'aime... ! réussit-elle à dire. Pourquoi est-il comme ça... ?

Et elle se remit à pleurer. Il prit la boîte de mouchoirs près de lui et la lui tendit. Elle en prit un en reniflant.

- Je ne comprends pas pourquoi il est comme ça avec moi...

- Vous parlez constamment de ce qu'il fait ou ne fait pas. Et vous ? Dans une relation, il y a toujours deux personnes. Vous avez sans doute une bonne part de responsabilité dans vos problèmes de couple. Y avez-vous songé ?

Elle leva les yeux vers lui. Sa lèvre inférieure tremblait, mais il pouvait lire de la colère dans son regard. Elle ne sanglotait plus.

- Et qu'est-ce que j'aurais bien pu faire pour qu'il m'insulte devant ses amis le jour de mon anniversaire ? Vous pouvez me le dire ?

Il haussa les épaules.

- Le provoquer.

- Je venais à peine d'arriver du travail ! Il refuse de travailler alors il faut bien qu'un de nous deux payent les factures. Ses amis sont toujours chez moi !

- Alors de quoi vous plaignez-vous ?

- J'en ai assez.

Elle se leva en prenant son sac.

- Vous êtes comme lui, dit-elle en se dirigeant vers la porte. Je vous ai déjà raconté qu'il m'a trompé ? Et il a même réussi à me faire sentir coupable de l'avoir surpris ! Vous êtes tout simplement comme lui. Aucun autre rendez-vous. Bonne journée.

Elle sortit en claquant la porte. Il n'avait pas bougé de son fauteuil. Il attendit un instant pour s'assurer qu'elle ne reviendrait pas. Il ne regrettait pas la façon qu'il venait de lui parler. Cette femme était agaçante, toujours s'apitoyer sur son sort au lieu d'agir. Son petit ami était peut-être un manipulateur de première, mais elle adorait être la victime. C'était évident ! Alors pourquoi ne pas le lui dire ? Il sauverait ainsi beaucoup de temps. Il s'agissait de leur troisième rencontre et il avait rapidement su qu'il ne pourrait rien faire avec elle. Cette situation lui convenait parfaitement. Elle comprenait ce qu'elle devait faire sans vouloir le faire. Elle s'attendait à ce qu'il la prenne en pitié. Elle n'aimait pas entendre la vérité. Il baissa les yeux sur son carnet de notes. Mis à part ses gribouillis, il n'avait pris aucune note. Il n'aimait pas perdre son temps et c'était exactement ce qu'elle représentait : une perte de temps, une distraction inutile. Il se leva de son fauteuil et se rendit à son bureau. Il prit le dossier se trouvant sur son bureau pour y inscrire "DOSSIER FERMÉ" en grosses lettres. Puis, il le rangea avec les autres dossiers de ses patients. Il soupira. Il recherchait toujours le patient parfait... Il pouvait le trouver. Il le savait, mais ça pouvait prendre un certain temps. Mais il savait qu'il pourrait y arriver. Il avait juste besoin d'un peu de temps.

Il s'installa devant son ordinateur pour consulter la base de données contenant tous les noms de ses patients. Il avait confectionné une liste de noms. Il désirait la mettre à jour. Il fouilla dans chacun des dossiers afin de repérer le candidat parfait. Il en trouva quelques-uns et prit plusieurs notes qu'il ajouta dans les dossiers. Juste des patients "potentiels". Rien de concret. N'ayant aucun autre patient le reste de l'après-midi, il pouvait faire toutes les recherches qu'il désirait. Il était très tard lorsqu'il arrêta enfin. Il n'avait pas faim. Ne pas avoir trouvé le "patient parfait" qu'il recherchait le troublait beaucoup, lui coupant l'appétit. Il se rendit dans un petit pub non loin de son bureau pour y prendre un verre. Un bourbon réussirait peut-être à le calmer. Il s'installa au bar, observant un moment le fond du verre en réfléchissant. Une femme élégamment vêtue vint s'asseoir près de lui. Il huma son parfum avant de boire une petite gorgée.

Recueil de nouvellesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant