Vive la beauté

85 1 0
                                    

Elle serra ses livres contre sa maigre poitrine, la tête baissée. D’un pas lent, elle se dirigea vers sa salle de classe. Les étudiants la contournaient en riant dans son dos. La jeune fille ne pouvait pas voir leurs visages à cause de sa chevelure qui lui retombait devant les yeux. Elle se collait contre le mur pour les laisser passer. Elle savait que les autres étudiants se moquaient d’elle-même après son passage. Elle entra dans la pièce et se dirigea vers le bureau à l’avant, près du mur où elle tenta de disparaître. Elle aurait adoré se fondre en lui.

- Bonjour tout le monde, leur dit sœur Helena en entrant dans la salle. C’est aujourd’hui que nous allons commencer les exposés.

Son annonce fut accueillie par des soupirs d’exaspération. La religieuse sortit une liste contenant les noms et prénoms de tous les étudiants présents dans la classe. Elle observa la liste un court instant avant de poser les yeux sur la jeune fille assise à l’avant de la classe.

- Poliquin, Annie, pouvez-vous venir faire votre exposé ?

La jeune fille leva les yeux vers sœur Helena, la suppliant du regard. Elle ne voulait pas passer la première. Mais la religieuse se contenta d’hausser les épaules en lui faisant signe d’avancer à l’avant de la classe pour son exposé. Les autres étudiants se mirent à rire. Annie ferma les yeux en prenant une grande inspiration pour retenir ses larmes afin de ne pas pleurer devant tout le monde. Elle était déjà assez humiliée comme ça. Elle fit son exposé même si personne ne l’écoutait. Elle s’empressa de retourner s’asseoir à sa place lorsqu’elle eut terminée.

De nouveaux éclats de rire accueillir la fin de son exposé. Le cours se poursuivit comme si tout allait bien. Annie n’écoutait plus. Comme d’habitude, elle désirait se faire oublier. Son prochain cours n’était guère inspirant : c’était la gymnastique. Elle cherchait un moyen de se défiler. Elle pouvait prétendre qu’elle ne se sentait pas bien, qu’elle était malade. Peut-être que l’infirmière de l’école pouvait l’aider.

Elle fut déçue lorsqu’elle se rendit au bureau de l’infirmière. Il y avait déjà quelqu’un avec elle. Elle dut se rendre au gymnase pour son cours. Elle se changea très lentement, espérant que tout serait annulé parce que l’enseignant ne s’était pas présenté. Encore une fois, son vœu ne fut pas exaucé. Elle réussit tout de même à survivre malgré tout. Personne ne lui fit attention, allant même jusqu’à l’ignorer. Ça la rendait très heureuse. Elle fut encore laissée de côté durant toute la période, mais elle s’en moquait. Elle regardait à peine les autres faire une partie de basketball. Elle n’aimait pas le sport. Les sports d’équipe la rendaient mal à l’aise parce qu’il fallait jouer avec les autres et que personne ne voulait jouer avec elle.

Les étudiantes regagnèrent le vestiaire. Elle enfila rapidement sa veste de laine sur son uniforme réglementaire avant de refermer son casier. Caroline s’approcha d’elle, l’air furieuse.

- Est-ce que tu as fini de me regarder ?

Annie fronça les sourcils en secouant la tête.

- Je ne te regardais pas…

- Menteuse ! Tu me regardais pendant que je m’habillais.

- Non…

- Annie est lesbienne ! cria Julie sur un ton moqueur. Elle aime les filles !

Caroline se tourna vers son amie avant d’éclater de rire elle aussi. Les mains sur les hanches, elle avança vers Annie en mettant bien sa poitrine en évidence. Elle n’était vêtue que de son soutien-gorge et de sa jupe.

- Je sais que je suis jolie à regarder.

Les autres filles se mirent à ricaner alors que Caroline en rajouta un peu. Julie se plaça derrière Annie la poussa violemment contre la rangée de casiers en lui criant par la tête que les lesbiennes ne devraient pas avoir le droit de suivre des cours de gym avec les filles normales. Éliane, une amie de Caroline fit un pas en avant en saisissant la jeune fille par les épaules.

Recueil de nouvellesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant