Pourquoi vieillir

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D’un geste lent de la main, elle essuya la buée sur le miroir de la salle de bain. Elle poussa un profond soupir en y apercevant son reflet. Un très joyeux anniversaire, ma vielle. Elle soupira à nouveau en touchant les cernes sous ses yeux. Elle avait eu envie de pleurer durant toute la journée. Elle devait maintenant se rendre à l’évidence : elle paraissait vraiment avoir son âge. Ses cinquante ans se voyaient maintenant sur tout son corps. Sa fille se mit à frapper frénétiquement à la porte, lui prétextant que c’était beaucoup trop long.

- Juste une petite minute !

- Bobby doit passer me prendre bientôt et je ne suis pas encore prête !

Soupirant à nouveau, elle enfila son peignoir de bain et sortit de la pièce. Sa fille s’engouffra rapidement dans la salle de bain avant qu’une autre personne ne prenne sa place. Son beau-père lui demanda de se dépêcher afin de ne pas être en retard à l’école avant de tourner les yeux vers sa conjointe.

- Quelque chose ne va pas ?

Elle leva un regard fatigué vers lui.

- Je… je n’arrive pas à croire que c’est aujourd’hui, soupira-t-elle.

- Voyons ! Ce n’est quand même pas la fin du monde. Tu n’es pas la première à atteindre la cinquantaine.

- Ne me fais pas la morale, s’il te plaît.

- J’essaie seulement de te faire comprendre que la vie continue. C’est ton anniversaire. Je te trouve ravissante et tu me rends heureux. Toi ?

Sans lui répondre, elle s’habilla lentement avant de s’installer devant son miroir pour se coiffer et se maquiller. Sa fille courait un peu partout dans la maison pour terminer de se préparer avant d’aller à l’école. Un rapide coup de klaxon lui annonça que Bobby venait d’arriver. Elle dévala l’escalier sans dire la moindre chose à sa mère. Même pas un joyeux anniversaire, chère maman. Ce fut ensuite à son tour de quitter pour le travail. Elle monta dans la voiture alors que Marc s’installait derrière le volant.

- Ne pense plus à ça, lui dit-il en lui tapotant le genou.

- C’est très facile à dire pour un gars qui a fêté ses trente-six ans il y a quelques semaines. Je suis vieille, moi !

- Mais non, voyons ! Tu es superbe ! J’ai une idée : nous irons déjeuner dans ton restaurant préféré et nous prendre un peu plus de temps que d’habitude. Qu’en dis-tu ? Mes patrons peuvent se passer de moi durant quelques minutes. C’est une journée spéciale. Tu n’as qu’à descendre me rejoindre à mon bureau ce midi. D’accord ?

Elle lui sourit en hochant la tête. Il est tellement gentil… Elle était tellement loin de regretter son ex-mari. Elle monta rapidement à son bureau où une pile urgente de dossiers l’attendait. Elle se laissa tomber sur son fauteuil et commença fouiller dans les différents dossiers alors que son ordinateur s’ouvrait. Sa secrétaire lui apporta un café et elle se mit au travail. Concentrée à cent pourcent sur ses dossiers, elle leva à peine les yeux de son écran lorsque son téléphone sonna. Je croyais lui avoir dit aucun appel. Pourquoi me transférer une ligne ? Se massant la nuque, elle s’éclaircit la voix.

- Hélène Simon, que puis-je faire pour vous ?

- Bonjour Mme Simon. Je suis Betty Carpentier, la directrice de l’école de votre fille Mélissa.

- Ah… Bonjour… Comment puis-je vous être utile, Mme Carpentier ?

- Est-ce que Mélissa est souffrante ?

- Non. Pourquoi cette question ?

- Elle ne s’est toujours pas présentée en classe aujourd’hui et comme ce n’est pas la première fois cette semaine, je dois prendre de nouvelles mesures avec elle.

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