Quiproquo

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Elle jeta un rapide coup d’œil sur sa montre. Pourquoi était-elle surprise qu’il soit à nouveau en retard ? Elle passait vraiment sa vie à l’attendre ! Et elle commençait à en avoir marre. Plus elle y songeait, plus elle le méprisait. Il ne faisait plus attention à elle. Que lui était-il arrivé ? Qu’était devenues leurs heureuses années de mariage ? Elle avait oublié.

Croisant furieusement les bras sur la poitrine, elle s’éloigna de la baie vitrée en soupirant. Il se faisait tard. Ce n’était pas dans ses habitudes. Normalement, il aurait déjà dû être à la maison. Qu’est-ce qui pouvait le retarder à ce point ? Son imagination fonctionnait à cent à l’heure. Où est-il ? Elle en avait vraiment assez d’attendre. Elle méritait beaucoup mieux qu’un époux sans aucune considération pour elle. Elle avait besoin d’être aimée. Pas ignorée comme il le faisait. Elle avait besoin d’un homme, un vrai. Son regard se posa sur tous les objets de luxe qu’ils pouvaient posséder dans cette pièce. Elle eut un petit rire. Il ose appeler toutes ses choses des souvenirs. Je n’ai pas besoin de tout ça pour me souvenir. Parfois, elle avait une envie de tout détruire ce qui se trouvait autour d’elle. De réduire en morceaux tous ses précieux souvenirs pour le faire réagir un peu.

Il y avait beaucoup trop longtemps qu’ils n’avaient pas passé de temps ensemble, sans ordinateur ni cellulaire. Ils n’étaient plus un couple. Tous les séparaient. Encore heureux que nous n’ayons pas eu d’enfant ! Sauf que ça aurait peut-être pu sauver notre pénible mariage. Elle se raidit subitement. Avait-il rendez-vous avec son avocat ? C’était tout à fait possible. Les affaires passaient toujours avant tout pour lui. Même sa tendre épouse. Elle poussa un profond soupir. Bon, peut-être pas aussi tendre que je le pense. Elle en avait assez. Leur vie commune était maintenant pénible à supporter. Mais que pouvait-elle y faire ? Ils n’étaient même plus un vrai couple. Pas qu’ils faisaient chambre à part. Ils dormaient très rarement ensemble. Il quittait souvent la ville pour affaire ou passait la nuit à un endroit qu’elle ignorait.

Elle entendit la porte d’entrée principale s’ouvrir. Comment devait-elle l’accueillir ? En lui déclarant ouvertement la guerre ? Allait-il réagir ? Elle en doutait fortement. Jamais son époux ne réagissait aux situations dans lesquelles il se trouvait, bonnes ou mauvaises. Elle se dirigea vers le bar pour se servir. Elle remplit son verre de vodka après y avoir mis des glaçons. Elle entendait ses pas dans le hall d’entrée. Elle reconnaissait sa démarche : il était énervé ou préoccupé. Il vint la rejoindre dans le boudoir.

- Tu es toujours debout ? lui lança-t-il en déposant sa mallette sur le sofa.

Il desserra sa cravate en s’approchant de son épouse. Elle but une gorgée avant de s’éloigner de lui.

- Je n’ai pas sommeil, répondit-elle en s’installant dans le fauteuil. Tu rentres très tard. Où étais-tu ? Au bureau ?

- Des réunions de dernière minute avec des clients.

- Tout s’est bien passé ?

Il hocha la tête en se servant un verre de whisky. Il fit volte-face pour la regarder, enfouissant une main dans une des poches de son pantalon. Il but une longue gorgée, laissant un lourd silence les envelopper. Elle le toisa du regard sans rien dire, scrutant longuement son visage. Elle y cherchait une quelconque réaction trahissant son état d’esprit. Sa démarche était la seule chose qui démontrait une certaine animosité. Elle désirait savoir pourquoi. Que me caches-tu ? Il soutint son regard sans broncher. Est-ce qu’il me provoque ? Elle termina son verre, gardant son calme autant qu’elle le pouvait.

- Nous avons signé un très gros contrat.

- Félicitations. Et ça va rapporter combien ?

Il haussa les épaules en soupirant.

Recueil de nouvellesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant