Mauvaises raisons

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Il attendit patiemment que les sanglots diminuent avant de retourner dans son bureau. Mais bien sûr, ce n'était pas terminé. Loin de l'être, en fait. Il connaissait la routine. Alors qu'il approchait de la porte, la femme se remit à pleurer en gémissant. Elle reniflait bruyamment. Il était dégoûté alors il décida de ne pas enter tout de suite. Il préférait attendre à nouveau que la femme se calme. Il devait quand même feindre la compassion. Beaucoup plus difficile s'il avait envie de vomir. Au début de sa carrière, ça s'était déjà produit. Quelle humiliation ! Il s'était juré que jamais ça se reproduirait. S'il attendait encore un peu, il pourrait bientôt en finir avec cette rencontre et retourner au calme et à la quiétude de son établissement. Il n'aimait pas la présence des vivants. Plutôt normal pour un croque-mort.

- Oh... je suis vraiment désolée... gémit la femme en reniflant.

C'était le signe qu'il attendait pour poursuivre. Il entra dans la pièce et posa doucement une main sur l'épaule frêle de la femme. Puis, il fit le tour et retourna s'asseoir derrière son bureau, affichant un sourire triste et compatissant.

- C'est tout à fait normal, répondit-il en rapprochant la boîte de mouchoirs. Vu les circonstances, je peux comprendre que ce n'est pas facile.

Il regretta aussitôt ses mots. Il était possible qu'ils déclenchent une nouvelle série de larmes. Mais la femme se contenta d'hocher la tête en essuyant ses joues. Il poussa un léger soupir de soulagement, heureux qu'aucune conséquence ne découle de son erreur. Il pouvait donc poursuivre les arrangements que la veuve désirait, se promettant de redoubler de vigilance dans ses paroles. Malgré tout, la veuve semblait pouvoir se contrôler à un certain niveau. Une bonne chose pour la suite des événements. L'organisation des funérailles ne serait pas de tout repos. Y avait-il un testament ? Des dernières volontés ? Ça changeait beaucoup le déroulement de la rencontre. La plupart des gens désirait respecter les dernières volontés du défunt, mais en de rares occasions, un léger contournement se faisait. Il adorait lorsque ça se produisait. Les endeuillés dépensaient pratiquement sans compter. Et ça lui donnait une idée de ce qu'il pourrait trouver avant la mise en terre...

 - Pourtant, commença la femme, ça ne devrait pas être aussi difficile... ! Il était malade depuis des mois, souffrant sans que rien ne puisse l'aider. Je... Pourquoi est-ce que je ne le ressens pas comme un libération... ? Il... il ne souffre plus...

Il put voir ses yeux à nouveau inonder de larmes. Il comprenait qu'elle cherchait à garder le contrôle devant un étranger. Il en était reconnaissant. Saurait-elle y parvenir ? Elle ferma les yeux et prit plusieurs profondes inspirations avant d'hocher la tête.

- Il... il désirait être incinéré.

Il hocha la tête en guise de réponse. Il n'avait pas besoin d'en entendre davantage. Il n'y aurait donc aucune préparation pour l'embaumement. Tout devrait donc se dérouler très vite. Il baissa rapidement le regard sur le dossier ouvert sur son bureau. Chaque défunt possédait son propre dossier - identification, âge, date du décès, cause - et il complétait le tout avec la famille comme il le faisait actuellement. Sauf qu'il y avait quelque chose d'étrange chez cette femme. Il observa un court instant la main qui tenait le mouchoir. Selon son dossier, le défunt était âgé d'environ quatre-vingt-dix ans. Mais la veuve, sous le voile de dentelle noire qu'elle portait en signe de deuil, ne semblait pas avoir plus de trente ans. Il avait des doutes sur ce qui s'était passé lors du décès de son "client", mais est-ce qu'une autre personne doutait également ? Le diamant à son doigt lui en disait également beaucoup sur la situation financière du couple. Et peut-être sur la cause du décès de son mari... Cette partie ne le concernait pas. Il croisa les doigts sur son bureau.

- Le fardeau des arrangements peut parfois donner cette impression, répondit-il calmement. Je peux vous aider à faire certains choix. Alors... votre budget...

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