Journée de merde

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L'année 1921 s’annonçait passablement merdique. La journée avait très mal commencé et à mesure que le temps passait, ça n’allait pas en s’améliorant. La pluie avait tombé pratiquement toute la matinée et l’air était chargé d’humidité. Il était presque dix-neuf heures lorsque Stanton, mon partenaire, me téléphona pour m’annoncer la mort d’un pauvre type. Il me donna l’adresse et je pris la route pour m’y rendre. Lorsque je dis pauvre, je suis loin de parler sur le plan monétaire. L’appartement dans lequel le corps fut retrouvé était immense et richement meublé. D’un pas lent, j’allais rejoindre Stanton.

- Quoi de neuf ? lui demandais-je en allumant une cigarette.

- Un vrai géni… Le meurtrier est un vrai géni ! Le type s’installe confortablement dans son fauteuil et sa cage thoracique explose lorsqu’il désire allonger le fauteuil. Incroyablement brillant !

- Des témoins ?

- La voisine a vu une femme sortir de l’immeuble quelques minutes avant le coup de feu.

- Un nom ?

- Clarice Jackson, la petite amie de la victime.

- Victime ?

- Oscar Fuller, un type sans histoire qui aidait sa voisine à descendre ses poubelles toutes les semaines.

- Charmant. Autre chose ?

- La petite amie travaille dans un club très chic au centre-ville : le Last Dance. C’est un cabaret tout à fait en règle.

- Elle y sera ce soir ?

- Oui.

- Allons-y.

J’ai donné des instructions aux autres policiers qui se trouvaient encore dans l’appartement de la victime avant de quitter la scène du crime avec Stanton. Nous nous sommes rendus directement dans ce fameux club. J’en avais déjà entendu parler auparavant, sans jamais y mettre les pieds. Uniquement d’excellents commentaires. Les filles qui y travaillaient étaient de véritables beautés dotées d’une voix de sirène. Tant mieux. Ça allait me changer des cadavres et des homicides. Lorsque nous sommes descendus de voiture, la musique nous parvenait jusque sur le trottoir, avec une douce voix qui l’accompagnait. Je devais absolument savoir à qui elle appartenait. Nous sommes entrés par la porte principale avant d’aller directement vers le barman. Je lui ai fait signe d’approcher et je lui ai demandé si Clarice Jackson se trouvait dans l’arrière-scène. Il fronça les sourcils en me dévisageant.

- Qui la demande ?

Ses gros bras velus semblaient prêts à faire signe à deux types de venir nous cueillir très gentiment. Je lui ai mis ma plaque sous le nez pour le calmer un peu. Il a eu un mouvement de recul. Je rangeais ma plaque quand il nous a demandé pourquoi nous voulions lui parler. Il était très méfiant.

- Juste quelques questions à lui poser, coupa Stanton.

- Sur quoi ?

- Occupe-toi seulement de nous répondre, lui dis-je.

J’en avais marre. Pour qui se prenait-il ? Son père ? Il finit par nous faire un petit signe vers la scène. Tournant la tête, elle se trouvait bien là, devant nos yeux depuis notre arrivée. Elle ressemblait à une véritable déesse dotée d’une voix d’or. Ses longues jambes fuselées étaient à peine cachées par une robe de satin noir très moulante et presque transparente. De longs cheveux bouclés blond foncé retombaient sur de gracieuses épaules. Un rouge à lèvre écarlate rendait sa bouche encore plus pulpeuse. Cette femme était magnifique… Une véritable déesse… Elle semblait sur le point de terminer sa prestation. Elle retourna à sa loge sous les applaudissements des gens dans la salle. J’ai pris mon courage à deux mains – je suis une pauvre nouille quand il est question des femmes – et Stanton et moi sommes allés la rejoindre afin d’avoir une petite conversation avec elle. En nous apercevant, elle semblait très surprise. Son porte-cigarette à la main, elle tira une longue bouffée avant de nous dire : 

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