Le vieil homme

6 1 0
                                    

D'énormes nuages gris voilaient le ciel, rendant l'atmosphère menaçant. Le tonnerre grondait au loin. Il ne pleuvait toujours pas, mais ce n'était qu'une question de temps. Le vent s'était levé. Les arbres se balançaient énormément. Aucun éclair dans le ciel, mais ce n'était qu'une question de temps avant que l'orage n'éclate. Le vieil homme poussa un profond soupir en déposant la tasse de porcelaine sur la soucoupe. Le thé était encore très chaud. Il était incapable de le boire sans se brûler. Il songea un court instant à y ajouter un peu de lait pour le refroidir, mais repoussa cette idée. Le lait lui donnait des brûlements d'estomac. Il allait devoir attendre un peu.

Il posa ses mains tremblantes sur le pommeau de sa canne. Il s'adossa plus confortablement pour regarder le spectacle par la baie vitrée. Il adorait regarder l'orage par l'immense baie vitrée de la cafétéria de la résidence. Même s'il détestait cet endroit depuis son arrivée, il adorait ce court moment. Il pouvait en profiter plus que lorsque ça se produisait durant la nuit. Il ne dormait jamais très bien. Il soupçonnait que sa conscience n'était peut-être pas aussi tranquille qu'il voulait le croire. Il haussa lentement les épaules. Ça lui importait peu maintenant. Il se souvenait de tout ce qu'il avait fait et il ne regrettait rien. Il avait eu une vie bien rempli. Son seul regret était de ne plus pouvoir faire ce qu'il aimait le plus faire : de la photo. Pour le reste, ce n'était qu'un bonus. Il était incapable de ravoir sa jeunesse. Il ne lui restait que ses nombreux souvenirs.

Le tonnerre grondait plus fort maintenant. Ça lui rappelait la première querelle qu'il avait eu avec sa défunte épouse. La scène qu'elle lui avait faite ! Il lui avait fait regretter amèrement cet « écart de conduite ». Il l'avait agrippé par les épaules et secoué violemment pour lui faire entendre raison. Elle s'était finalement tue lorsqu'il s'était mis à la menacer de la frapper. Il aurait préféré ne pas à avoir à le faire. Mais elle devait comprendre. Il était incapable de tolérer ce genre de comportement de sa part. C'était la seule fois où il avait dû lui apprendre les bonnes manières. Il se souvenait de ce jour. Il ne la détestait pas. Mais il ne pouvait pas supporter qu'elle agisse de cette façon. Il désirait faire ce qu'il voulait lorsqu'il le voulait. Et c'était exactement ce qu'il avait fait durant toutes ses années. Son épouse ne lui avait plus jamais tenu tête au cours des années qui suivirent. Il avait refusé d'avoir des enfants. Ça ne l'intéressait pas. Par contre, il lui avait permis d'avoir un chien. Si ça pouvait l'occuper... et ça compensait pour les nombreuses soirées passées seule.

Toutes les femmes avec qui il avait pu coucher... ! Il y en avait beaucoup trop pour pouvoir les compter !

Perdu dans ses nombreux souvenirs, il entendit à peine les pas trainants se diriger vers la baie vitrée. Il aperçut du coin de l'œil un vieil homme s'approcher de la vitre. Il marchait très lentement, ce qui expliquait la canne avec laquelle il se déplaçait. Il avait un faible sourire sur les lèvres. Dehors, il ne pleuvait toujours pas. Le vieil homme porta à nouveau la tasse à ses lèvres. Le liquide était encore chaud, mais il souffla doucement dessus.

- Une très belle vue, dit le nouvel arrivant. Très beau spectacle...

Le vieil homme garda le silence. Il était loin d'être sociable. Il ne parlait à personne depuis son arrivée dans la résidence. Il avait eu son lot d'événements mondains et de discussions n'allant nulle part. Maintenant, il appréciait le silence. Il n'était pas ici pour se faire de nouveaux amis. Il poussa un profond soupir en tentant une nouvelle gorgée. Il espérait que ce type comprenne le message très vite et qu'il disparaisse. Malheureusement pour lui, ce ne fut pas le cas. L'homme désirait engager la conversation. Probablement parce qu'il désirait avoir accès à la table de choix pour le spectacle. Il n'était pas le premier à le faire.

- Vous avez trouvé la table parfaite.

Et hors de question que vous restiez avec moi. Il n'allait pas l'inviter à se joindre à lui. Il souffla à nouveau sur le thé.

Recueil de nouvellesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant