La vie change

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Le soleil baissait lentement à l’horizon. La jeune femme le regardait se coucher, nostalgique. Son père dormait paisiblement à ses côtés. Elle entendit un gémissement qui la fit sortir de sa rêverie.

- Ma chérie, lui dit son père en lui souriant faiblement.

- Est-ce que tu te sens bien ?

- Je désirais te parler, Isabelle.

- À quel sujet ?

- Ton avenir m’inquiète beaucoup. C’est pourquoi j’ai pris certaines décisions et dispositions pour toi.

Elle fronça les sourcils en lui demandant de lui dire directement ce qu’il avait en tête. Il fut pris d’une quinte de toux qui lui fit cracher beaucoup de sang. Isabelle s’empressa de lui essuyer les lèvres. Lorsqu’il put enfin reprendre son souffle, il lui dit d’une voix rauque : 

- Tu vas te marier.

Elle se mit à rire.

- Arrête de blaguer !

- Je suis pourtant très sérieux. Je veux que tu sois heureuse.

- Mais papa…

Isabelle venait à peine de fêter son vingt-deuxième anniversaire. Elle était célibataire, mais rien ne pressait. Elle ne comptait pas se marier et elle ne voulait pas recevoir d’aide pour interférer dans sa vie sentimentale. Elle ferma les yeux et prit une profonde inspiration. Son père lui prit la main et la pressa contre son cœur.

- Je veux que tu sois heureuse avec cet homme.

- Papa, je ne vais pas épouser un inconnu.

- Il est parfait pour toi, ma chérie. Il prendra en charge la compagnie que je vais te léguer à ma mort et tu pourras retourner à l’université pour poursuivre tes études d’arts.

- Tu te mêles de ma vie !

- Tout est arrangé, ma chérie. Ne t’inquiète pas.

Isabelle retira vivement sa main et se dirigea vers la fenêtre, folle de rage. Son père prenait vraiment des décisions importantes pour elle ! C’était sa vie à elle !

* * * * *

Ses bagages étaient enfin prêts. Il ne manquait plus que l’arrivée du chauffeur pour la ramener à Montréal. Son mari, Théodore Blackburn troisième du nom, lui avait fait parvenir un message lui demandant de rentrer le plus rapidement possible. Il y avait visiblement une urgence. La jeune femme regardait par la fenêtre, attendant le chauffeur. Elle espérait secrètement qu’un ennui ne survienne et qu’elle ne puisse pas partir. Malheureusement pour elle, son désir ne fut pas exaucé puisque le chauffeur arriva devant l’immeuble où elle habitait. Résignée, elle sortit dehors, sa valise à la main. Elle tendit son sac au chauffeur sans lui faire le moindre sourire. Il soupira.

- Comment s’est passé votre semaine ? lui demanda-t-il sur un ton aimable.

Elle haussa les épaules.

- Bien. Merci, Charles.

- Votre mère vous attend avec impatience. Il y a longtemps que vous n’êtes pas revenue dans le domaine.

- Je sais, mais je suis très occupée depuis le début des cours.

Il hocha pensivement la tête. Il comprenait parfaitement ce qu’elle voulait dire. La jeune fille n’avait tout simplement pas envie de rentrer à la maison et d’y voir Théodore. Le chemin se fit en silence. La jeune femme était plongée dans ses pensées. Les bras croisés sur la poitrine, elle se demandait pourquoi Théodore lui avait demandé de revenir au domaine le plus vite possible. Elle se questionnait au sujet de son retour. Elle fronça les sourcils, ne comprenant pas ce qu’il voulait. Est-il arrivé quelque chose à ma mère ? Ou alors grand-mère est malade ? Elle secoua la tête en soupirant. Son cœur bondit dans sa poitrine lorsqu’elle aperçut le domaine familial. Le jardinier taillait les branches des arbres devant la demeure. La voiture remonta l’allée faite avec des dalles finement taillées et arrêta devant la porte principale. Charles sortit pour lui ouvrir la porte. La jeune femme sourit en le voyant faire. Elle n’avait que vingt-deux ans et les gens de son entourage la traitaient toujours comme une princesse !

Recueil de nouvellesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant