La phobie

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Elle se mit à hurler. Personne ne semblait l’entendre. Elle se débattait, mais il n’y avait rien à faire. Même son fiancé ne paraissait pas se soucier d’elle. La jeune femme se mit à battre des mains. Malgré tout, elle continuait de s’engouffrer dans les ténèbres de la mer froide. Ses bras devenaient de plus en plus lourds. L’eau entrait par sa bouche, emplissant ses poumons. Elle ne pouvait plus rien faire pour empêcher son corps de couler…

* * * * *

- Annie ! Réveille-toi !

Elle sentit que quelqu’un la secouait violemment. Elle ouvrit les yeux. Thomas la regardait, les sourcils froncés. Elle lui sourit, murmurant que ce n’était qu’un rêve. Elle essuya ses joues humides de larmes alors que son fiancé lui demandait les détails de son rêve. Elle secoua la tête.

- Non, je veux dormir. Tu travailles demain et je dois me lever tôt.

- Tu es sûre ?

- Ne t’en fais pas pour moi. Bonne nuit.

Il se retourna, continuant à la regarder du coin de l’œil. Elle lui fit un petit sourire avant de se retourner elle aussi. Elle remonta les couvertures, geste très futile puisqu’elle désirait seulement camoufler ses propres tremblements. Elle adorait son fiancé, mais la situation devenait un peu plus compliquée. Depuis que Thomas avait planifié leur lune de miel – une croisière de luxe – elle avait des cauchemars pratiquement toutes les nuits. Elle rêvait de sa propre mort. Elle ne voulait pas le décevoir. L’eau la terrorisait depuis sa tendre enfance. Alors elle refusait d’y aller. Des larmes silencieuses coulaient sur ses joues, se souvenant parfaitement de son rêve. Après s’être assuré que Thomas s’était de nouveau endormi, elle repoussa les couvertures et se leva. Prenant son peignoir au passage, elle marcha jusqu’au salon. Regardant la ville encore endormie par l’immense baie vitrée, elle se doutait que son insomnie n’allait pas facilement disparaître. Elle s’installa sur la table de la cuisine pour s’avancer dans son travail.

* * * * *

- As-tu déjà songé à consulter un psychologue ? lui demanda Marie en prenant une longue gorgée de café.

- Ce n’est pas la peine.

- Tes rêves ne sont pas normaux ! Est-ce que tu le savais, ça ?

Annie poussa un profond soupir avant de poser sa tasse sur la table. Elle en était consciente. Lorsqu’elle était plus jeune, son oncle avait tenté de lui montrer à nager en la jetant par-dessus bord. Un fort courant l’avait entrainée sous l’eau et projetée beaucoup plus loin. Elle était cliniquement morte durant cinq minutes alors que les secours tentaient de la réanimer. Depuis, elle avait gardé une bonne distance entre elle et tout ce qui se rapprochait de l’eau. Marie connaissait son histoire. Et ce n’était pas la première fois qu’elle tentait de convaincre son amie de suivre une thérapie.

- Pourquoi est-ce que tu ne lui en parles pas ?

- Je ne veux pas le décevoir.

- Il comprendra, voyons ! Tu as peur de l’eau et il le sait : il t’a quand même sauvée de la noyade !

Annie sourit faiblement, se sentant un peu ridicule. Elle avait rencontré Thomas quatre années plus tôt sur une plage lors de ses vacances à Cuba. Elle avait bu un peu trop de Margarita et son esprit embrouillé avait décidé d’aller nager un peu. Un courant semblable à celui de son enfance l’entraîna plus loin et les vagues ne firent rien pour l’aider. Etant saoule et incapable de nager, elle s’était rapidement retrouvée sous l’eau. Thomas rentrait au port après avoir navigué tout l’après-midi. Il s’était jeté à l’eau pour la sauver.

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