☽ 𝑴𝑶𝑶𝑵 𝑮𝑰𝑹𝑳 ☾

𝐏𝐫𝐨𝐥𝐨𝐠𝐮𝐞

- Madame Agnes, c'est l'heure de notre histoire!!

Le stylo plume de la vieille dame lui échappa des mains et vint maculer la page immaculée de petites taches d'encre. Le regard fatigué de la vieille se détacha de son recueil pour se poser sur le petit bonhomme de six ans qui venait de faire irruption dans sa maison, sans même prendre la peine de toquer à la porte. Une lueur d'excitation brillait déjà dans ses yeux étonnamment bleus et la vieille dame sourit doucement en voyant avec quelle hate il attendait son histoire. Cela faisait des années maintenant qu'Agnes chaque mois organisait une veillée sur la place du village pour raconter les légendes qui se transmettent de bouche à oreille depuis des générations, pour que la flamme du souvenir brille toujours dans les yeux de tous ces petits enfants de bourgogne. 

Elle se redressa sur son vieux fauteuil et considéra les lignes qu'elle venait de tracer sur son vieux recueil d'histoire, tout en cachant le tremblement de ses mains fripées sous son châle. Elle était fatiguée, elle sentait bien que son corps l'abandonnait un peu plus chaque jour. 

Oui. Il était peut être temps de raconter cette histoire la. 

Elle fit signe au petit garçon qui attendait toujours sur le pas de sa porte en se balançant d'un pied sur l'autre, de la rejoindre. Alors elle se pencha vers lui et saisit ses petites mains qui avaient encore la douceur des mains d'enfants, dans les siennes que le passage des années avaient rendues aussi fragile que du papier de soie. Et le regardant dans le fond des yeux elle murmura: 

- Timothée, l'histoire que je vais vous raconter ce soir il ne faudra pas l'oublier. D'accord? Jamais. C'est très important. 

- Promis promis! T'inquiète pas, comme tu nous as dit le feu de la mémoire il s'éteindra jamais avec nous parce qu'on est trop fort! 

- C'est très bien. Je compte sur toi, tu comprendras un jour à quelle point cette légende compte.

- D'accord. Tu viens maintenant? Les copains attendent! 

- Oui oui. Mais essaye de me vouvoyer jeune homme, si non ta maman va encore te rouspeter! 

Et la petite main toujours serrée dans la sienne, elle leva son vieux corps et, guidée par ce jeune homme à venir qui ne comprenait pas encore à quel point il était spécial, elle sortie à la lumière du dehors. Les oiseaux chantaient encore, et le vent ramenait de la forêt des odeurs de sèves et de feuilles mouillées.