15. Souffrir en silence.

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MORGANE,
Paris.

Enfin terminé : douze lettres réparties sur deux mots représentaient ce que je pensais en ce moment même. J'adorais l'infographie, et le planning de cette année s'annonçait vraiment chouette...sur ça, rien à redire. Non, ce qui avait été fatiguant pour moi, c'était de repenser à ma crise de ce matin quand notre pause-midi était arrivée. Je me voyais mal ne pas manger devant mes deux nouveaux amis. Bien qu'Elliot et Lina paraissaient être des personnes de confiance, je ne pouvais pas m'empêcher de me méfier.

Alors, j'avais fait semblant. J'avais mangé normalement, un faux sourire scotché aux lèvres. Une fois encore, j'avais pris la décision de souffrir en silence.
Maintenant, je me sentais coupable.

Prélassée dans mon canapé, je checkai les réseaux sociaux, y compris les stories du compte Instagram de mon club fétiche. Seulement un mois que le format éphémère était apparu sur l'application, un mois que le Community Manager s'y était mis, un mois que j'adorais les regarder.

Toujours en traînant sur mon portable, je secouai inconsciemment ma jambe rapidement contre mon tapis. Pour une fois, je n'étais stressée, ou du moins, pas plus qu'en continu ; cette fois-ci, je me hâtais juste qu'il soit dans les environs de dix-sept heures. Pour l'appeler.

Le temps passait lentement, trop lentement pour solitude toxique. Je me mis à repenser à ce matin, au fait que j'étais aujourd'hui sobre d'automutilation depuis déjà trois mois, à mon père, ma mère, Alex...et...ce que j'allais manger ce soir. Pour une personne dite normale, cette dernière question était — bien que chiante — l'une des plus classiques et simples. En revanche, de mon côté, c'était tout l'inverse : je mangeais léger au dîner pour éviter de trop grossir mais je me devais de me nourrir décemment pour éviter les carences. Et éviter de crever dans mon lit pendant la nuit, aussi.

" Appel FaceTime entrant : Anto "

Enfin...

— Hola mi amiga, entendis-je quand j'eus appuyé sur le bouton vert sur mon écran.

— Salut toi, rétorquai-je en remarquant dans le retour mon sourire dans le retour, et parle pas espagnol p'tit con...c'est la France ici !

Antoine rit doucement en se levant de son fauteuil dans son salon pour aller dans sa cuisine — décidément il adorait cette pièce — et de poser son ordinateur sur un de ses plans de travail.

Mes joues prirent une teinte rosée quand je le vis s'approcher sur l'écran pour me fixer quelques secondes.

— Joli maillot, tu le sais ?

La gorgée d'eau que je venais d'avaler rencontra ma trachée en entendant ces quelques mots. Putain...

— Le meilleur me l'a donné, avouai-je en allant à mon tour dans ma cuisine. A ce qu'on dit sur les réseaux, c'est le GOAT.

— Ah ouais, s'intéressa-t-il. Bah putain, ils en ont de la chance ses proches.

— Fumier.

— Eh ! s'exclama Antoine en plaçant sa main droite sur sa poitrine, au niveau de son coeur, pour faire comme s'il était vexé.

Un instant plus tard, je vis le brun ouvrir son frigo.

— T'as pas mangé ?

— Non, confirma le numéro sept, Simeone nous a gardés plus longtemps que prévu. J'ai à peine eu le temps de rentrer et de prendre ma douche.

Hotline BlingOù les histoires vivent. Découvrez maintenant