Chapitre 7

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Somewhere Only We Know - Kean

Cette fois il n'est même pas 16h30 quand Gaëlle ferme sa session et range ses affaires étalées sur le bureau. La pièce est vide, Aurélien n'est pas là, occupé avec Phil dans le bureau de l'étage. Gaëlle s'en moque.

Avec son dernier retard qui est mal passé, elle essaie de faire en sorte que ça ne se reproduise pas. Alors qu'elle n'y prenait pas garde avant, le fait de montrer ce côté en ce moment ne lui plaît pas trop. Peut-être que c'est à cause d'Etcheverry. Peut-être que c'est à cause de Sand.

En réalité, ça ne change pas grand-chose. C'est en tout cas ce qu'elle essaie de se persuader.

Sans vouloir monter voir Phil et Aurélien, et ayant une flemme totale de faire un détour par le bureau de Mélissa, Gaëlle ferme la porte de la pièce en ayant récupéré les clefs de sa jeep. Elle les verra demain.

Ce soir, elle a prévu de voir Thaïs, il y a une fête foraine sur la place de Fort-de-France, et l'adolescente a insisté pour y aller avec elle. Bien sûr, la capitaine a fini par céder.

Sauf que pour faire en sorte d'arriver à l'heure demain, sachant qu'elle a une enquête avec des membres de la gendarmerie, et que le commissaire ne sera pas là pour la couvrir avec eux, cela signifie qu'elle doit partir plus tôt aujourd'hui.

Gaëlle se demande si il y aura des conquêtes intéressantes là-bas. Il y a une éternité qu'elle n'a pas ramené un homme pour la nuit, et le voilier est étrangement vide depuis que Thaïs est partie trouver son indépendance.

Toujours, c'était des hommes, même si elle ne s'était jamais vraiment posé la question. Si ça avait été des femmes, eh bien, c'était pareil. Mais à vrai dire, bien que certaines d'entre elles avaient l'air de bonnes distractions, Gaëlle n'avait jamais eu l'envie de découvrir plus.

Et puis, si un jour cette envie venait, cette idée ne la chamboulerait pas du tout. Au contraire de la commandante, sans doute.

Gaëlle est plus ouverte d'esprit que Sainte-Rose. Parfois trop, elle en est consciente. Avec un sourire, la concernée descend les marches de la cour pour rejoindre la voiture garée sur la place de parking habituelle, cuisant en plein soleil.

Elle ne sait même pas depuis combien de temps elle a cette jeep. Phil ne l'aime pas, et ça depuis les débuts. Il n'a jamais été à l'aise avec les véhicules, et elle se doute que ce serait la même histoire dans la voiture bleue de la commandante, même si il ne lui avouerait jamais. Les enquêtes les plus éloignées et situées après quelque heures de trajet mouvementé lui avaient fait ruiner une bonne quantité de chemises fleuries. Chemises qu'il avait en adoration.

Son trousseau de clés se balançant dans sa main, Gaëlle marche tranquillement vers la voiture. Elle remarque du coin de l'œil que le vélo de Sand n'est toujours pas attaché contre les barres, mais que cette dernière est en réalité assise dos au lampadaire le plus proche, les genoux repliés contre son corps.

Elle ne semble pas l'avoir remarquée, occupée à fixer devant elle d'un regard dur. Après réflexion, Gaëlle se rend compte qu'elle n'a pas recroisé Sand depuis que le commissaire l'a relaxé tout à l'heure, et qu'un officier est venu prévenir sa collègue qu'il souhaitait également la voir.

En l'observant quand elle passe à côté d'elle, Crivelli remarque le regard vide et fixe de la blonde, qui garde un visage tendu même sans le savoir. Elle a l'air de bouder, presque comme l'aurait fait Thaïs si Gaëlle avait refusé de venir à la fête ce soir.

Ce qui pousse la capitaine a froncer les sourcils alors qu'elle poursuit sa route vers la voiture et déverrouille les portières sans réfléchir. Le métal sous ses doigts est brûlant.

Le commissaire lui a-t-il passé un de ses savons habituel ? Gaëlle ne comprend pas pour quelles raisons Etcheverry aurait-il pu l'engueuler. Elle-même, d'accord. Elle est et serait toujours son souffre-douleur préféré, mais Sand ? La nouvelle n'avait jamais rien fait de travers depuis son arrivée à l'hôtel de police.

Quelqu'un comme Aurélien ou Sainte-Rose serait allé la voir sans hésiter pour lui demander ce qu'il se passait. Mais elle n'est pas comme les membres de son équipe. Alors qu'elle laisse tomber son trousseau sur le siège avant avec un son métallique, Gaëlle reste plongée dans ses réflexions.

Son coffre, bien que toujours ouvert puisque c'est ainsi que la jeep est faite, est recouvert de vêtements et de tubes de crème solaire vides. Sans se soucier des regards des autres policiers (qui sont habitués), elle fouille dans l'amoncellement de tee-shirt et en sort un haut vert et rose. Le roulant en boule et plongeant son nez à l'intérieur pour estimer son niveau de propreté, elle finit pas considérer qu'il est correct est fait passer celui qu'elle porte par-dessus sa tête. Il va rejoindre les autres et elle fait le tour de la voiture en soutien-gorge, enfilant celui qu'elle vient de retirer du coffre.

Au début, Sainte-Rose était excédée par ce genre de comportement. Maintenant, Gaëlle sait que la commandante en rit.

Une fois changée, Gaëlle hésite. Il lui suffit de remonter sur le siège, boucler sa ceinture de sécurité et s'éloigner tranquillement avec la musique à fond, comme elle le fait en général.

Mais en général, il n'y a pas de femme en train de bouder derrière elle, sans vélo et sous un soleil encore cuisant. Et même si cette dernière est la reine des enquiquineuses, Gaëlle se demande si elle peut faire quelque chose.

Alors elle enlève son téléphone de sa poche arrière et le fait rejoindre les clés sur le siège sans trop de douceur, s'ébouriffe les cheveux d'un geste machinal, ce qui n'a pour effet que de les rendre un peu plus en bataille, et soupire.

S'appuyant contre la carrosserie, Gaëlle relève ses lunettes de soleil en observant Sand à quelque mètres seulement.

Celle-ci lève enfin les yeux en se rendant seulement compte de sa présence, et deux orbes bleus viennent l'interroger du regard. Machinalement, Gaëlle colle son rictus préféré sur les lèvres, celui qu'elle sert habituellement à la commandante.

-Tu viens amener ton petit cul dans la voiture ou tu comptes me faire attendre ici toute la nuit ? se moque-t-elle.

Et si c'était elle ?  -    [Romance Lesbienne]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant