Chapitre 28

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Nuit Incolore - Crush

Gaëlle marche tranquillement dans le couloir, une bouteille d'eau se balançant dans sa main droite alors qu'elle se dirige vers son bureau. Sand est en enquête avec Aurélien ce matin, mais elle lui a raconté ses explications avec sa petite sœur. La capitaine a également eu droit à la version bien plus détaillée de Mallory, et bien qu'elle ne l'avouerait pas à haute voix, leur réconciliation lui fait plaisir.

L'enquête de ce matin veut aussi dire qu'elle a le bureau pour elle toute seule, et la nouvelle la met dans une humeur optimiste. Depuis l'arrivée de Sand, elle n'avait plus eut l'occasion de travailler avec la musique à fond. Ce jour est enfin de retour.

En fredonnant, elle franchi la porte, s'amusant à lancer la bouteille d'eau à demi vide et à la rattraper d'une seule main. Il ne fait pas trop chaud aujourd'hui, et les fenêtres ouvertes laissent entrer un courant d'air tiède dans la pièce.

Courant d'air lui-même qui fait bruisser les feuilles et les documents laissés en plan sur son bureau la veille. Bien sûr, celui d'Aurélien est impeccable comme toujours, et Gaëlle lève les yeux au ciel, espérant presque qu'il sente sa moquerie malgré leur distance.

Et puis, des bruits de pas la forcent à se retourner, jetant un coup d'œil par-dessus son épaule. Le geste la déconcentre et la bouteille d'eau rebondit sur le sol.

-Vous avez l'air de bonne humeur aujourd'hui, Crivelli, commente la commandante. C'est étonnant.

Ses sourcils se haussent dans un automatisme qu'elle avait cru avoir perdu depuis le temps qu'elle côtoie Sand. Mais il faut croire que les dialogues avec Melissa Sainte-Rose sont destinés à être toujours les mêmes.

La concerné semble le remarquer, et un sourire en coin nait sur ses lèvres.

-Je sais pas comment je suis sensée le prendre, commente Gaëlle.

-Comme vous voulez, répond la plus grande femme. J'étais venue constater que notre dernière rencontre n'avait pas été une hallucination de ma part, mais je n'en suis plus aussi certaine.

Le rictus de Gaëlle disparaît. Evidemment. La commandante n'allait pas laisser passer une autre occasion de parler de cet événement. Elle qui pensait que l'affaire Montgomery était close, elle s'est visiblement trompée.

-Moi aussi figurez-vous, soupire Gaëlle.

Elle ne ment pas. Elle n'a absolument aucune idée du comment sa haine dévorante pour Sand s'est transformée en... ça, peu importe ce qu'est même ce ça. Cette sympathie ? Cette manière écœurante de se soucier d'elle à chaque événement ?

Une sensation qui grandi doucement en elle, comme un besoin de la voir quand elle pourrait l'éviter ?

-Vous m'expliquez ? demande la commandante d'un ton incertain.

Ce n'est pas vraiment un ordre, plutôt le questionnement curieux de savoir s'il y a quelque chose a expliquer. En fait, Gaëlle sait que oui, il y en a même des tas. Mais elle ne sait pas comment est-elle sensée le faire.

-Heu... expliquer quoi ? répond-t-elle pour gagner du temps. C'était juste... un câlin ?

Au lieu de lever les yeux au ciel, Sainte-Rose se retient visiblement de rire. Gaëlle est perplexe un instant, observant sa supérieur ôter son sac à main et le déposer sur la chaise de Sand avant d'appuyer une cuisse contre la table en bois qui sert de bureau à sa collègue.

-Crivelli, reprend-t-elle sans masquer son soupir, vous n'êtes pas très douée en mensonge, vous savez ? il y a moins de trois mois, vous aviez l'air de vouloir la tuer du regard à chaque fois qu'elle ouvrait la bouche. Et puis, je vous retrouve enlacées dans les toilettes des femmes. C'est pas un peu étrange comme revirement de situation ? Comprenez-moi, mais d'un point de vue extérieur j'ai le droit de me poser des questions.

Il y a un silence, le temps que les mots de Mélissa fassent leur chemin jusqu'à son interlocutrice, puis le temps que cette dernière sache quoi lui répondre. En réalité, elle ne sait pas plus qu'avant, mais elle doit bien trouver de quoi se justifier.

Sinon, ce sera forcément pire. Qu'en penserait la commandante ? Que ses deux officiers se retiennent de se sauter dessus comme deux sauvages, sans savoir quoi choisir entre s'entre-tuer ou se montrer une attirance sauvage ?

Peut-être même qu'en réalité Sainte-Rose n'en sait rien. Gaëlle est consciente que l'homosexualité n'est pas la première chose qui viendrait à l'esprit de la femme ébène, mais la sexualité n'est pas un sujet très tabou concernant Gaëlle, bien que ce soit avec des hommes. Peut-être qu'elle sait, finalement.

-Sand a eu une période difficile, rétorque la plus petite. Je lui ai donné des conseils, figurez-vous. Et la situation était en train de s'arranger, on a cherché un endroit plus tranquille pour en parler, elle m'a remercié. C'est tout. Simplement.

De nouveau, Sainte-Rose lève les yeux aux ciel, dans un mouvement si fluide qu'elle l'a sans doute copié sur Gaëlle. Elle secoue la tête avec une telle résignation que l'estomac de Crivelli se pince d'appréhension.

-Je vous connaît assez pour savoir que rien n'est jamais aussi simple avec vous, répond la commandante. Je suis contente que la situation se soit arrangée entre vous deux mais je dois vous avouer que j'ai un peu de mal à comprendre.

-Roooh mais arrêtez de toujours vouloir chercher des explications à tout, désespère Gaëlle. C'est rien de plus qu'une relation professionnelle, je vais pas essayer de la tuer tous les jours si elle compte travailler dans le même bureau que moi pendant un moment. D'accord, vous êtes flic, mais arrêtez d'extrapoler dans votre vie privée, vraiment.

Sainte-Rose soupire mais ôte sa cuisse de la table en bois pour mieux s'y appuyer, les deux bras croisés contre sa poitrine prouvant qu'elle ne lâchera pas l'affaire aussi rapidement, au grand agacement de la plus petite.

-Phil est venu me parler à ce sujet, dit-elle calmement.

Sa phrase s'arrête là, elle reste à chercher la moindre réaction chez son interlocutrice mais Gaëlle ne comprend absolument pas ce que le scientifique vient faire dans cette conversation.

-Très bien, et ? renchéri-t-elle en attente d'explications.

-Rien, coupe Mélissa. Lui aussi se pose des question, c'est tout.

Gaëlle se retient de s'arracher les yeux de désespoir.

-Mais dites moi quand Phil ne se pose pas de questions, s'il vous plaît ? Ne me dîtes pas que vous croyez à tout ce qu'il raconte ?

-En général non, répond la commandante. Mais cette fois-ci, je crois qu'il a peut-être raison.

Cette conversation de sourd est en train d'agacer Gaëlle petit à petit. Elle ne comprends pas les sous-entendus cachés de Sainte-Rose, aimerait juste lui faire cracher le morceau tout en sachant qu'elle n'aura pas le fin mot de l'histoire aujourd'hui.

-Mais de quoi vous parlez ? demande-t-elle en se passant une main sur le visage.

Sa bouteille d'eau est toujours par terre, elle a hâte de mettre fin à la conversation pour la récupérer et se mettre au travail. Déjà qu'elle est en retard dans ses rapports, mais en plus de ça Etchevery va l'achever s'il apprend qu'elle discute à la place de le rattraper.

-Je crois que je commence à comprendre, suggère la commandante à la place de lui répondre. J'imagine que ça ne vous dérangera pas de conseiller Montgomery sur un partenaire, donc ? Chloé lui en a parlé et a estimé que vous seriez la mieux placée pour la conseiller sur ce sujet. Je dirai à Montgomery que ça vous ferait plaisir de l'aider à lui trouver quelqu'un.

Les poings de Gaëlle se serrent à cette idée, et son visage doit se crisper car un rictus éclaire les yeux de la commandante. La capitaine fronce les sourcils sans comprendre pourquoi ce serait à elle de s'en occuper. Une pointe de colère fait surface dans sa poitrine.

-Quoi ? s'insurge-t-elle malgré son cerveau plus rationnel qui lui souffle de se taire.

Gaëlle ne comprend pas pourquoi sa réponse semble amuser encore plus sa collègue.

Satisfaite de sa réaction, Sainte-Rose à l'air d'avoir décroché le gros lot à la tombola. Un sourire gagnant remplace le rictus alors qu'elle hausse les bras, prenant la direction du couloir.

-C'est bien ce que je pensais, lâche-t-elle par-dessus son épaule.

Et si c'était elle ?  -    [Romance Lesbienne]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant