Et si c'était elle ? - [Romance Lesbienne]

Chapitre 16 - Partie 1

As It Was -Harry Styles

Sand réfléchit à la dernière fois qu'elle a mis une robe au moment où le taxi la dépose devant la maison au bord d'un village. Les palmiers hauts se balancent dans un bruissement de feuilles épaisses et la lumière de la villa lui parvient depuis le trottoir. Sans mesurer sa force, Sand repousse sa portière et elle claque dans le silence de la soirée.

Le chauffeur observe son rétroviseur avant de repartir dans un crissement de pneus, disparaissant au coin de la rue. Nerveuse, Sand se mordille la lèvre. Elle n'a jamais mis un pied chez Sainte-Rose depuis son arrivée en Martinique.

Sa robe longue lui serrant les jambes, elle se dirige tranquillement vers le porche, regardant une dernière fois son téléphone portable dans l'espoir d'avoir eu une réponse.

Il n'y en a pas, l'écran ne lui affiche aucune notifications. Bien sûr, quelle idée lui a traversé l'esprit en pensant demander ce service à Gaëlle après une telle journée ? Lui proposer de venir garder Mallory en sachant très bien dans quelle humeur agressive était la capitaine aujourd'hui était une initiative stupide.

Elle frappe à la porte, et une voix bien différente de celle de Mélissa lui répond depuis l'extérieur.

-Vous pouvez faire le tour ! crie la propriétaire de la voix. On est sur la terrasse !

Avec une pointe d'amusement, Sand s'exécute et contourne le porche sans prendre la peine de répondre, traversant la petite terrasse en lattes de bois jusqu'à apercevoir une jeune fille assise au bord de la piscine.

Elle se retourne en entendant ses pas et se lève vivement, un sourire chaleureux plaqué sur les lèvres.

-Vous devez être Montgomery, salue-t-elle en venant lui faire la bise comme si de rien était. Je suis Chloé, maman est dedans elle ne devrait pas tarder à arriver.

Donc, sa fille. Les cheveux crépu nattés d'un côté, l'autre laissant une touffe de mèches rousses et frisées déborder sur le côté de son visage comme une rock-star. Et des yeux bruns pétillants, de ce même brun chaud que ceux de la commandante.

-Eh bien, tu peux m'appeler Sand, assure la blonde avec un petit rictus.

Expression faciale qu'elle a volé à Gaëlle, bien sûr, mais qu'elle n'avouera jamais.

-Okay, Sand, confirme Chloé. On peut aller s'asseoir si ça te va.

Elle la suit jusqu'à la table, observant l'adolescente prendre une chaise sans même prendre la peine de se changer, restant dans son maillot de bain humide.

Elle est âgée, plus que Mallory, et sûrement dans la fin de son lycée ou ses début d'études supérieures. Comme pour le confirmer, Chloé se sert dans le mojito avant de siroter tranquillement son verre.

-Alors comme ça, tu es ici depuis peu de temps ? demande-t-elle en l'observant par-dessus sa boisson.

-Oui, quelque mois tout au plus, confirme Sand. Je suis de métropole à la base.

Chloé réfléchit, une main mouillée montant pour se gratter le cou.

-Métropole genre grande ville à une heure de la plage, ou métropole genre trou perdu au milieu des vaches ? demande-t-elle finalement.

Contre toute sa volonté, Sand pouffe de rire face à la remarque à peine déguisée.

-Plutôt la deuxième option, répond-t-elle. Forcément, ça change pas mal ici.

Chloé repose son verre avec un sourire, faisant tournoyer le fond de son mojito lentement dans le récipient.

-Ouais, j'imagine. Je vais monter en métropole pour mes études l'année prochaine. Mon grand frère, Lucas, est installé chez sa copine pour le moment, mais ils veulent revenir vers Port de France. Peut être que tu pourras les voir.

Sand hausse les épaules. Elle n'était même pas au courant que la commandante avait des enfants, bien que ce n'est pas si surprenant maintenant qu'elle le sait. C'est drôle de se dire que chacun des membres de son équipe à une situation familiale particulière.

Phil est marié, à une femme qui pourrait être une Miss France (selon les dires de Gaëlle), Sainte-Rose a deux enfants, et Aurélien a une vie de famille bien remplie même s'il est encore célibataire.

Gaëlle, Sand n'en sait rien. Après réflexion, la capitaine n'a jamais abordé une seule fois sa vie personnelle avec elle, excepté ce qu'elle aime faire et ses spots préférés en voilier.

Elle habite sur un voilier. Après tout, c'est déjà peu commun.

-Oui, j'imagine que ce serait sympa de pouvoir rencontrer ton frère, sourit finalement Sand. Mais tu sais, je suis une simple collègue de ta mère, c'est peut-être un peu trop de m'inviter à rencontrer votre famille comme ça.

Chloé rigole en finissant complètement son verre, le repoussant contre le set de table du bout des doigts.

-Tu sais, ici ça fonctionne comme ça, explique-t-elle avec un sourire. Les familles sur l'île sont immenses, ils font des fêtes incroyables et tu ne sais jamais si la personne a laquelle tu parles est un cousin ou un arrière grand oncle éloigné de je-ne-sais-pas-quoi. Alors voir mon frère, ce n'est pas grand-chose. Je me suis habituée à ce mode de vie, mais quand je suis arrivée, moi aussi je ne comprenais pas tout. Je crois que pour maman, c'était encore pire que pour moi.

Sand sourit, écoutant Chloé lui raconter quelque anecdotes en la matière. En moins de cinq minutes, le soleil décline encore d'un cran, et elles ne sont finalement éclairées que par les néons de la piscine et les petits lampions suspendus au-dessus de la terrasse.

A la fin de la troisième anecdote, la porte vitrée coulisse depuis la maison et la commandante apparaît dans un petit chemisier jaune. Quand elle les aperçoit, ses yeux s'ouvrent en grands et volent vers sa montre.

-Oh mince, balbutie-t-elle, je suis en retard. Montgomery, je suis vraiment désolée, je pensais avoir plus de temps et...

-C'est pas grave, coupe Sand en souriant. Pour une fois que ce n'est pas moi, vous avez de la marge. En plus, Chloé m'a tenu compagnie.

Le regard de Mélissa se posent sur sa fille, toujours assise les jambes croisés sur la chaise, et elle lève les yeux au ciel.

-J'imagine que je ne serai plus jamais crédible.

Sand éclate de rire. Chloé doit avoir la mauvaise habitude d'avoir l'anecdote facile.

-C'est plutôt moi qui le redevient un peu, plaisante-t-elle.