Chapitre 4

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Lonepsi – Je ne sais pas danser

Quand Gaëlle sort enfin de l'hôtel de police, elle fait partie des derniers officiers sur place. Il n'y a plus que quelques veilleurs de nuit qui patrouillent dans les couloirs et elle ne demande pas son reste avant de filer sur le parking et monter dans sa voiture. Il est rare qu'elle reste aussi tard au travail, en général elle préfère sortir tôt pour avoir le temps de trouver un joli spot pour la nuit ou simplement aller traîner au bar.

Mais comme d'habitude, Etcheverry ruine ses plans. Elle commence à se demander si lui hurler dessus n'est pas l'une de ses grandes passions. Il ne se passe pas une semaine sans qu'il ne lui tombe dessus.

Démarrant, elle prend la route en vitesse et dépasse les limitations sans trop de craintes. Il est tard, il n'y a pas grand monde qui circule et elle sait que ses collègues ne diront rien si ils la croisent.

En plus, elle est fatiguée et souhaite simplement rentrer chez elle. Aurélien lui a faussé compagnie cet après-midi, la laissant finir ses rapports avec Montgomery. Etonnement, elle ne l'avait pas trouvé aussi agaçante que d'habitude, et elles avaient même fini par rire. Gaëlle se dit que ce genre de chose n'arriverait qu'une ou deux fois par an dans le futur.

Sand n'avait pas vraiment le caractère pour entrer dans sa liste très sélective d'amis. Et Gaëlle était bien assez occupée avec Thaïs en ce moment. Tout le temps, en fait.

Elle prends la direction du port après avoir passé les virages en lacets, se demandant vaguement si cet andouille de Mac Jharen finirait un jour sa vie derrière les barreaux. Ce n'était pas la première fois qu'il avait des ennuis, et d'une manière incompréhensible il s'en sortait toujours sans trop de problèmes.

Et puis, quoi qu'en dise Etcheverry, la notoriété de l'homme n'était pas forcément ce qui le sauvait à chaque enquête. Gaëlle savait que c'était avant tout une histoire d'argent. Mac Jharen était le plus gros commercial de l'île, sans lui un bon nombre de petites boutiques mettraient la clé sous la porte, et il était le gérant d'une partie importante de l'économie sur ce territoire.

Que pourrait bien faire la petite et ridicule Gaëlle Crivelli pour empêcher un riche comme lui de prononcer les mots qu'il veut concernant qui il veut ? Absolument rien. Surtout après avoir essuyé une mise aux arrêts il y a quelque années.

Des points éblouissants apparaissent dans son rétroviseur intérieur et Gaëlle plisse les yeux en maudissant celui qui conduit en pleins phares. Les deux orbes se rapprochent à une vitesse hallucinante, doublant la Jeep sans même mettre le clignotant. Le conducteur doit sans nul doute être sous l'emprise de l'alcool mais Gaëlle ne cherche pas à l'arrêter. Elle est en civil, souhaite juste rentrer chez elle, et le petit point rouge clignotant devant elle sur la route l'interpelle. C'est un deux-roues, et donc sans doute celui qui a quitté le même parking qu'elle il y a peu.

La voiture folle se rabat presque en queue de poisson, éclairant le vélo qui avance lentement devant eux avec une puissance de feu qui ne devrait même pas être autorisée. Sauf qu'elle se rend compte trop tard que la voiture ne l'a absolument pas vu.

L'aile du véhicule frôle le vélo de Montgomery, il fait une embardée spectaculaire en se retrouvant de l'autre côté de la voie tandis que Gaëlle claxonne comme une dingue. La capitaine est jetée dans le talus, par chance assez doucement et la voiture reprend sa course sans s'arrêter.

Gaëlle pile sur le bas-côté, se mettant en feu de détresse alors qu'elle continue d'insulter le chauffard. Sortant de la voiture, elle se dirige sans attendre vers l'endroit où sa nouvelle collègue a disparu.

Sand est déjà en train de remonter sur la route, traînant son vélo sur son épaule, indemne. Quand elle remarque la femme occupée à descendre sans trop de prudence le long de la route, elle fronce les sourcils.

-Gaëlle ? demande-t-elle, étonnée de la retrouver là.

-Putain ça va ? jure la concernée sans prendre garde à sa question. Ce type est complètement taré !

Saisissant finalement la main qui lui est tendue pour l'aider à regagner le bitume, Sand se fait tirer à côté de la Jeep encore ouverte, hébétée. Les feux de détresse clignotant éclairent leur visages par intermittence alors qu'elle laisse tomber le vélo par terre.

-Je vais bien, je vais bien, répète-t-elle devant l'air inquiet de Gaëlle devant elle.

La concernée se détend un peu en ne voyant pas de blessure ou de sang sur le corps de Sand et hoche la tête, reculant d'un pas pour lui laisser un peu d'espace.

-Il est parti ? interroge Sand en nettoyant son jean couvert d'herbe.

-Ouais, il s'est même pas arrêté, confirme la capitaine en observant la route plongée dans le noir. Si ce type ne se tue pas avant de rentrer chez lui, je suis la reine d'Angleterre.

Sand sourit faiblement, jetant un œil à son vélo toujours couché sur le bord de la route. L'arrière est en bon état. Ce qui n'est pas le cas de la roue avant, totalement explosée sur elle-même, le pneu crevé et déformé par les rayons tordus.

-Il est bon pour la casse, remarque-t-elle.

Alors qu'elle se demande pitoyablement comment elle va faire avec une roue en si mauvais état, encore légèrement sous le choc de ce qu'il s'est passé, Sand observe Gaëlle soulever le vélo sur ses épaules et le jeter sans ménagement dans la caisse arrière de sa voiture.

-Qu'est-ce que tu fiche ? demande-t-elle en sortant de ses pensées sous le son de tôle froissée.

Comme si elle ne comprenait pas ce qu'il y avait de si grave, la concernée se tourne vers Sand en l'interrogeant du regard. Sa peau est encore pâle, et la capitaine se demande si Gaëlle n'a pas eu plus peur qu'elle.

-Quoi ? proteste-t-elle. Je te ramène, tu crois vraiment que je vais te laisser rentrer avec un tas de ferraille pareil ? Sérieux ? Je suis pas aussi horrible.

N'ayant pas d'autre solution, Sand monte a la place passager en haussant les épaules. Une fois que la voiture est repartie a une vitesse bien inférieure aux limitations, elle pose sa tête contre le siège en soupirant.

-Je n'ai jamais dit que tu l'étais, avoue-t-elle.

Gaëlle tourne sa tête dans sa direction quelques secondes, reportant finalement son attention sur la route avec un rictus.

-Tu l'as pensé bien assez fort, réplique-t-elle, amusée.

Sand ne répond pas. Non pas parce qu'elle sait que Gaëlle dit vrai, mais simplement parce qu'elle ne sait pas quoi dire. Oui, au début, elle a prit cette femme pour une sauvage sans cœur qui s'amusait à persécuter chaque personne sur son passage. En réalité, c'est largement exagéré.

Sand a juste la fâcheuse tendance de se retrouver au mauvais moment au mauvais endroit, comme la voiture l'a encore prouvé ce soir. Et alors que la Jeep roule en silence, Gaëlle conduisant avec les lèvres pincées, Sand se demande si il n'est pas possible de créer une case spéciale, sur mesure pour y ranger la personne qui est assise à côté d'elle.

Parce que tout-à-coup, Gaëlle ne semble plus aussi horrible.

Peut-être même qu'elles pourraient être amies un jour, après tout, bien qu'a petite dose.

Qui sait ?


Et si c'était elle ?  -    [Romance Lesbienne]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant