Chapitre 16 - Partie 2

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Salvatore Adamo - Tombe la neige

Le dîner est excellent. Sainte-Rose devait être une cuisinière dans une autre vie, mais l'entrée et le plat défilent sous les rires et les discussions. Sand ne voit pas l'heure passer.

Chloé est une jeune fille solaire et trouve toujours un sujet de discussion quand la conversation commence à s'éteindre. De son côté, Sainte-Rose jette parfois de petit regards gênés comme pour excuser l'énergie débordante de sa fille, mais Sand la rassure avec des sourires. Elle apprécie leur compagnie.

Quand la commandante apporte finalement le dessert -un gâteau accompagné d'une crème anglaise encore tiède- Sand a complètement oublié la mauvaise humeur qui avait été répandue par la journée de travail.

Comme si elle lisait dans ses pensées, c'est le moment que choisi Chloé pour poser des questions plus intrusives, tandis que Mélissa se pince l'arrête du nez, visiblement dépitée par sa propre fille.

-Alors, t'es célibataire ? se renseigne Chloé avec malice. Toujours pas trouvé de beau gosse Martiniquais depuis ton arrivée ?

Elle fait mine de réfléchir un instant avant de prendre une grande inspiration, comme si l'idée la traversait juste à ce moment-là (Sand se doute qu'elle y pense depuis un moment déjà).

-Ooh, je sais ! s'exclame Chloé avec un nouveau sourire. Tu travailles avec la commandante, on est d'accord ? Donc, ça veut dire que t'es collègue avec Aurélien.

La blonde sent la question venir mais ne peut rien faire pour empêcher la jeune fille de la poser avec une curiosité sans faille.

-Tu le trouves comment ?

Peut-être est-ce juste dans sa tête, mais Sand a soudain l'impression que l'air s'est réchauffé de plusieurs degrés. Elle sent le bout de ses oreilles devenir rouge, et cherche le regard de la commandante, mais Mélissa semble très occupée par sa tranche de gâteau.

-Heu... commence-t-elle. Pas mon style du tout.

Chloé éclate de rire, la poussant du coude avec taquinerie.

-Nan, avoue il est pas mal ! pouffe-t-elle. J'ai essayé de le caser avec ma mère mais elle est trop difficile en matière de mec. Pourquoi pas toi ? Sérieux ? Il est super gentil et il mérite quelqu'un, franchement. Je suis sûre que toi aussi.

Sand sent le rouge monter petit a petit le long de sa mâchoire, et bois une gorgée d'eau pour se donner contenance. Aurélien ? Vraiment pas.

-Je suis désolée Chloé, répond-t-elle d'un ton qu'elle espère sincère, mais Aurélien est mon collègue, et avant tout mon ami. Je ne l'envisage pas du tout comme ça.

L'air déçu, la jeune fille se perd dans ses pensées un instant, mais reste concentrée sur son sujet de discussion, au grand dam des deux femmes.

-Peut-être que tu pourrais l'emmener sortir un peu, maman, propose-t-elle. Voir du monde, faire une tournée des bars...

Sainte-Rose a l'air presque horrifiée de la proposition.

-Non Chloé, rétorque-t-elle immédiatement. C'est plutôt à Crivelli de s'occuper de ce genre de trucs, pas à moi.

Piquée au vif, Chloé se retourne vers Sand avec une expression plus qu'amusée sur le visage, les sourcils à moitié haussés de surprise.

-Attend, s'exclame-t-elle. Toi aussi tu bosses avec « la dingue » ?

Sand ne devrait pas être très étonnée que les enfants de Sainte-Rose surnomment Gaëlle ainsi. Ils n'ont même pas totalement tort. Mais Mélissa elle-même se redresse sur sa chaise et pose le verre qu'elle tient dans sa main avec un peu trop de force.

-Arrête, proteste-t-elle. C'est pas correct de l'appeler comme ça.

Chloé lève les yeux au ciel.

-Maman, c'est pas comme si elle le savait pas, même Lucas l'a appelé comme ça devant elle. Et tu te rappelles de la seule chose qu'elle a répondu quand tu t'es excusée ?

Sainte-Rose se prend le visage entre les mains.

-Chloé ! grogne-t-elle.

-« Venant de vous, je m'attendais à pire » cite cette dernière sans relever le désespoir de sa mère. Alors ça fait rien si je continue.

Mélissa relève la tête de ses paumes et fixe sa fille d'un regard presque meurtrier.

-Tu sais très bien que ma relation avec Crivelli est bien meilleure qu'à mon arrivée, et je l'apprécie malgré sa folie, proteste-t-elle. Alors s'il te plaît, arrête.

Cédant, Chloé hausse les épaules et termine son assiette. Mais une fois que sa petite cuillère à fini de teinter contre le rebord, elle se tourne à nouveau vers Sand, bien qu'elle ne semble plus aussi curieuse.

-Alors ça se passe bien avec ? demande-t-elle, dubitative.

-Oui, répond Sand à la grande surprise de la commandante. Très bien même. Je suis contente d'avoir une collègue comme Gaëlle.

Elle ne sait pas ce qu'il lui prend. Ce n'est même pas la vérité. D'accord, leur cohabitation se passe mieux que ce qu'elle pensait à leur première rencontre, mais de la à dire qu'elle est contente de partager son bureau, c'est beaucoup trop exagéré.

Pourtant, ce besoin de défendre la réputation de sa collègue a prit le dessus, et Sand décide que ce n'est pas si terrible de travailler avec une femme comme elle.

Comme pour la remercier de son geste, elle voit Sainte-Rose lui adresser un sourire soulagé depuis l'autre bout de la table. Chloé, elle, a gardé le silence un moment.

-Il faudrait que tu lui demande alors, reprend-t-elle. A Crivelli. Comme ça, peut-être qu'elle pourrait t'aider à rencontrer un mec. Après tout, c'est son domaine.

Qu'entend-elle par-là ?

Faisant abstraction de la fin de la phrase, Sand y réfléchi sérieusement. S'imaginant assise a un bar avec Gaëlle la conseillant sur chaque homme qui passe comme s'ils étaient des morceaux de viande, elle ne peut s'empêcher de rire.

Elle n'a pas besoin de ça.

Lisant dans ses pensées, elle voit Mélissa rire en silence sans quitter Chloé des yeux.

Eh bien, il faut croire que sa rencontre avec la fille de la commandante s'est avérée plus intéressante que prévu.

Et si c'était elle ?  -    [Romance Lesbienne]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant