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Lonepsi - Aveugle
D'accord, la commandante avait raison. Gaëlle a une réelle mauvaise influence sur Sand, et pourtant cette dernière ne peut pas mentir en disant qu'elle n'aime pas ça. C'est le milieu de l'après-midi seulement, et elles quittent toutes les deux le bar de la plage avec une bouteille à la main, en gloussant comme des adolescentes.
Oui, Sand a trop bu. Depuis très longtemps, elle n'avait pas passé un si bon moment a rire sans se prendre la tête. Ou à se prendre la tête pour rire, ce qui revient au même en compagnie de Crivelli.
Cette dernière est dans un état similaire au sien, trébuchant sur ses pieds alors qu'elles descendent le sentier de graviers et de sable qui mène au littoral en contrebas. Idée de Sand, de partir visiter un peu la plage, tentée à force d'entendre les vagues depuis la terrasse.
Le seul palmier qui bruisse dans le vent est un vieil arbre, il semble presque les juger de sa hauteur alors qu'elles se rapprochent petit à petit de son pied, comme s'il savait lui-même ce qu'il allait se passer.
Sand lui demanderait bien des explications pour en savoir un peu plus, mais elle imagine que parler à un arbre effacera toute sa crédibilité face à Gaëlle (si jamais il lui en reste à ce stade). Alors elle se contente d'interroger le tronc maculé des traces du temps du regard.
Gaëlle trébuche à nouveau sur un obstacle invisible, sans doute composé essentiellement de vide, et se raccroche au bras de Sand en riant toute seule. Son élan entraine presque la blonde dans sa chute, mais par chance elles s'en sortent dans finir avec du sable dans la bouche.
Après une progression lente et pénible, elles arrivent enfin sur la plage et en vue des vagues brillantes dans le soleil. Il fait chaud, Sand a du sable dans ses baskets et une capitaine ivre agrippée à son bras, mais elle ne peut pas arrêter de sourire.
Rapidement, elles sont en train de courir pieds nus en direction de l'eau, une bouteille d'alcool dans une main et une paire de chaussures dans l'autre. Par chance, la plage est pratiquement vide et seuls quelque retraités les observent étrangement depuis leurs serviettes, un livre entre-ouvert sur les genoux.
-C'est la police ! leur crie Gaëlle à tue-tête avant que sa collègue ne puisse la faire taire.
Et l'explication loufoque semble leur convenir car ils reprennent leur lecture comme si de rien était, gardant tout de même un œil méfiant sur le duo de capitaines.
-C'est la police et la commandante va me tuer, reprend la brune en continuant de hurler dans le vent. Mais j'en ai rien à foutre !
-Ta gueule, coupe Sand en la poussant avec son coude.
La pression est suffisante pour que Gaëlle tombe dans le sable mouillé en riant, laissant échapper sa bouteille (heureusement fermée) et ses chaussures à ses côtés. Les yeux au ciel, la blonde se penche pour la relever, juste pour être tirée par terre avec un gloussement à peine masqué.
Elle se retrouve à moitié couchée sur sa collègue alors qu'elle sent sa poitrine se secouer quand Gaëlle rit aux éclats. Un instant, une explosion de chaleur se répand le long de ses reins et Sand échappe un soupir, avant que la moitié encore consciente de son cerveau ne lui crie de se pousser. La réalité de sa position la frappe de plein fouet et elle roule sur le côté, gênée comme elle ne l'a jamais été.
Sa collègue ne semble même pas avoir réalisé, occupée à se relever sur ses pieds instables dès que le poids qui la clouait au sol lui avait été retiré.
Avec un soupir exaspéré, Sand l'imite et s'arrête un instant quand le monde autour d'elle se met à tourner un peu trop vite. Une fois certaine que tout s'est stabilisé, elle tire Gaëlle vers le haut et la remet sur ses jambes. Avant qu'elle n'ait pu l'arrêter, la brune est déjà les pieds dans l'eau en fredonnant avec une voix forte.
-T'sais quoi ? La mer c'est la mer parce que c'est mouillé !
Elle se penche dans la prochaine vague en agitant les bras alors que Sand patauge à sa suite avec maladresse, l'eau salé lui mouille les chevilles et son jean colle à sa peau. Le remous un peu plus puissant que les autres prend de la hauteur en s'approchant d'elles, et une vague frappe Gaëlle de pleine face.
Quand elle comprend que la brune est carrément tombée dans l'eau, la partie rationnelle de Sand lui dit qu'elle doit aller la chercher. La vague arrive à sa hauteur et l'englouti jusqu'à la taille, mouillant même ses sous vêtement d'eau froide.
Mais Gaëlle s'est relevé, par une miraculeuse bonne étoile, et revient en trébuchant vers elle, un large sourire imprimé sur son visage trempé.
Elle à les vêtements mouillés de ses pieds à la racine des cheveux, son tee-shirt à moitié transparent dessinant le contour trop explicite de sa poitrine. Sand n'arrive pas à ne pas regarder.
-La mer c'est la mer parce que c'est mouillé, répète Gaëlle en arrivant vers elle. Et moi je suis mouillée, donc je suis la mer.
Okay, Sand n'est définitivement pas aussi bourrée qu'elle parce que la remarque ne la fait pas rire assez. En fait, son attention est bien trop concentrée sur autre chose : les vêtements de Gaëlle qui lui collent à la peau et laissent peu de place à l'imagination.
-T'aimes bien la mer ? glousse Gaëlle en retrouvant pied sur le sable, se retournant vers la blonde comme une enfant euphorique.
Sand secoue ses pensées et la rejoint sur la plage, les jambes maintenant détrempées et désagréablement collantes à son jean. Elle est assez sobre pour comprendre qu'elle doit appeler quelqu'un avant que les choses ne dérapent.
-S'il te plaît Gaëlle, supplie Sand. Tais-toi.
Les joues rougies par la boisson, la concernée attrape le bras de Sand et se rapproche un peu trop. La blonde remarque que le sourire ivre de sa collègue se transforme lentement en son rictus habituel. Son souffle caresse son visage, ne laissant d'autre choix à Sand que de chercher ses affaires du regard pour essayer de repérer son téléphone.
-Charge-toi-en, la défie la capitaine avec un défi évident.
Avec le peu de raison qu'il lui reste Sand lui attrape la hanche pour se pencher et saisir son portable. Elle appelle le premier nom qui lui vient à l'esprit. Parce que si elle ne le fait pas, elle ne pourra pas se retenir encore longtemps. Et pas qu'elle ne le veuille pas, au contraire elle en meure d'envie.
Mais elles ne sont pas sobres, ni l'une ni l'autre, sur la voie publique. Et comme l'a dit Gaëlle un peu auparavant, elles sont la police.
Autant faire les choses comme telles. Avant qu'elle ne regrette plus tard. Ou qu'elle se retrouve en cellule de dégrisement à l'hôtel de police, pour bien donner raison à la commandante sur l'influence de Crivelli.
Et pourtant...
Pourtant, sa hanche sous ses doigts, si proche. Si chaude à travers la froideur du tissu mouillé. Elle sait qu'elle ne peuvent plus être amies à partir de ce moment-là. Elles sont définitivement autre chose, elle ne sait pas quoi, mais pas juste amies.
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Et si c'était elle ? - [Romance Lesbienne]
RomansaMutée loin de chez elle sur un nouveau lieu de travail, la capitaine de police Sand Montgomery s'attend désormais à tout : des enquêtes, de nouveaux criminels, la possibilité d'un patron cruel... Elle sait très bien qu'elle aura de nouveaux collègue...