Chapitre 19

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I'm nothing without you - Mónika Christodoúlou


Il se peut que Mallory ait reculé sous la force de l'appel, mais la voix fulminante de Gaëlle à l'autre bout du téléphone est une raison suffisante d'avoir peur. Sand en est tout aussi consciente, bien qu'elle sache un peu mieux que ce n'est pas de la capitaine brune dont il faut se méfier, mais des conneries irréfléchies qu'elle pourrait commettre sous le coup de l'impulsion.

-Que... de quoi tu parles ? demande Sand.

-On peut dire absolument ce qu'on veut, on peut parler de traitements égaux et gnagnagna, mais le fric restera toujours le fric ! poursuit Gaëlle. Pas de preuves, pas de preuves, mon cul ! Dites plutôt que Monsieur-je pète-plus-haut-que-l'Himalaya a déboursé un petit pourcentage de sa fortune !

Sand se prend l'arrête du nez entre le pouce et l'index, retenant un soupir désespéré au fond de sa gorge. Depuis le canapé, Mallory tient encore un morceau de pancake et l'observe sans comprendre.

-Gaëlle, je peux savoir de quoi tu parles ? demande à nouveau la jeune femme.

-Aurélien me dit que c'est absolument normal ! s'égosille la concernée. Genre, il y a quoi de normal la dedans ? Sérieux ? Détournement de fond, abus de pouvoir, et j'en passe ! Et avec tout ça, c'est possible de s'en tirer avec rien du tout ?

Sand fronce les sourcils, détaillant sa porte-fenêtre du regard, les nuages masquant le soleil de la matinée. Si elle comptait passer un week-end reposant avec Mallo, il faut croire qu'elle se plantait.

-Attend, demande-t-elle. Tu parles de Mac Jharen ?

Un silence lui répond, le premier depuis qu'elle a décroché et s'est battue pour pouvoir placer un mot dans le monologue effréné de Gaëlle. Comme si elle se rendait compte que son interlocutrice n'a aucune idée du sujet de discussion, la concernée laisse égrainer une seconde sans rien ajouter.

-Évidemment que je parle de cet enfoiré ! explose soudainement Gaëlle. Il vient d'être relaxé de ses chefs d'accusation ! Ne me dit pas que tu trouve ça aussi normal qu'Aurélien ? Je vais lui faire comprendre moi que sa fortune ne fait pas de lui un putain d'intouchable ! Il a beau avoir un porte-monnaie aussi lourd que son bilan carbone, ça ne rendra certainement pas sa peau plus résistante, je te le dit moi ! Et quand je pense qu'il y a des gens qui galèrent a finir leur fins de mois sur cette île, que même toi tu peux pas te permettre de payer les propres soins médicaux de ta sœur, et qu'il s'en tire sans aucune peine alors que cet imbécile se plaint de la température de son jacuzzi !

-GAËLLE ! coupe Sand en faisant sursauter Mallory depuis le canapé. Calme toi ! T'es où ?

Sa montée de ton semble faire effet pour la première fois depuis le début de l'appel. La voix de Gaëlle s'éteint, remplacée par une respiration légèrement essoufflée, et le bruit de fond précipité se tait.

-Heu... Je viens d'arriver à la Jeep ? répond-t-elle, incertaine.

Cette fois, Sand ne retient même pas son soupir, rejoignant la table basse pour y récupérer ses affaires. Mallory baisse la tête, un rideau de cheveux blonds venant masquer son visage, mais la capitaine sait très bien quel type de tristesse elle pourrait y lire si elle s'attardait.

Ses chaussures sont au même endroit que la veille où elle les a laissées, et elle enfile rapidement une casquette, embrassant la joue de Mallo avec un air désolé.

-Bouge pas, grogne-t-elle à sa collègue dans le combiné. Je te rejoins.

L'ascenseur à l'air de mettre trois décennies a arriver, alors elle descend rapidement les escaliers. Si Gaëlle décide de ne pas l'écouter et d'aller cogner Mac Jharen, Sand sait très bien qu'elle finira derrière les barreaux.

Et si c'était elle ?  -    [Romance Lesbienne]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant