Chapitre 6

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the cranberries - zombie

Quand Sand reçoit la convocation au bureau du commissaire, Gaëlle s'est déjà pris une flopée de réflexions concernant son retard, à chaque fois qu'elle le croisait au détour d'un couloir. Pourtant, le message est passé à Sand par l'intermédiaire d'un agent de police qu'elle n'a pas le souvenir d'avoir déjà croisé.

Vu l'humeur massacrante dans laquelle Gaëlle a mis Etcheverry, Sand n'est pas tranquille quand elle se dirige vers les escaliers. Il y a un peu plus d'une semaine, elle ne connaissait rien de cet endroit, et la voilà montant les même escaliers, son téléphone vibrant dans sa poche arrière suite à un SMS de la part d'Aurélien. Malgré le mystère entourant ce rendez-vous imprévu, elle ne peut s'empêcher de sourire avec légèreté. Finalement, les choses ne se déroulent pas si mal.

Cette fois-ci, pas de café renversé sur son tee-shirt ni de rencontre chaotique. Tout se passe bien et Sand débarque sur le palier en un seul morceau. Il faut croire que Gaëlle est la seule sur laquelle toujours garder un œil. C'est vrai, les seuls malheurs qui lui sont arrivés sont venus quand Sand était en sa compagnie.

La porte du bureau d'Etcheverry est ouverte, et Sand avance jusqu'à elle pas à pas. Il se dégage de la petite pièce une odeur forte de café, mélangée à celle des vieilles coupures de journaux. Les doigts de la capitaine produisent un drôle de son résonnant en frappant sur le cadre de la porte, et le commissaire lui demande d'entrer de sa voix grincheuse.

Il est assis derrière son bureau peu lumineux, un contraste saisissant avec le bureau qu'elle partage depuis peu. Les stores presque fermés ne laissent qu'une pénombre étrange, coupée par la lumière vive entrant par la porte ouverte. Sand avance sans un mot, s'arrêtant à quelque mètres du bureau en bois.

Contrairement à celui de Gaëlle, ce dernier est propre et organisé, bien qu'il soit jonché de piles de rapports et de déroulés d'enquêtes. Quelques intercalaires cornées dépassent des plis des feuilles, portant des annotations quasiment illisibles.

-Vous vouliez me voir ? demande Sand avec nervosité.

Il relève la tête en entendant sa voix et un sourire peu habituel vient habiller son visage fatigué. D'un geste de la main, il l'invite à s'approcher.

-Oui, oui, marmonne-t-il. Asseyez-vous, Montgomery.

Sand s'exécute de mauvaise grâce, tirant la chaise en bois face à lui. Elle en profite pour promener son regard autour d'elle, détaillant la pièce tandis qu'il termine ce qu'il est en train de faire. Il n'y a pas grand-chose, une simple armoire en bois consignant les dossiers derrière le commissaire, et une grosse horloge poussiéreuse qui répand son tic-tac agaçant comme une rengaine.

-Bien, reprend Etcheverry en repoussant les feuilles devant ses mains. Comment ça se passe ?

Sand reporte son attention sur lui alors qu'il range soigneusement son stylo plume dans un pot, celui-ci contenant déjà une bonne quantité de crayons de diverses couleurs.

-Tout va bien, affirme Sand avec un sourire qu'elle veut rassurant. Je commence à connaître mon environnement et d'ici quelque semaines il n'y aura plus aucun problème.

Il hoche la tête en se grattant le coin du menton, songeur. L'horloge continue sa ronde bruyante depuis le mur, presque comme si elle décomptait chaque seconde restante du rendez-vous. Le commissaire n'est pas si terrible, même si sa mauvaise humeur constante peut vite devenir agaçante. Sand se demande vaguement combien de fois Gaëlle est restée assise ici a subir des remontrances, écoutant elle aussi le bruit régulier des aiguilles.

Visiblement satisfait, Etcheverry repose ses mains contre le bois foncé du bureau, avant de jeter un coup d'œil à la porte ouverte. Puis, retrouvant le fil de ses pensées, il poursuit son questionnement.

-Je sais que partager une pièce à trois quand il n'y a que deux ordinateurs ne doit pas être évident, mais c'est une situation provisoire. L'hôtel de police n'a pas encore débloqué les fonds nécessaires à l'achat d'ordinateurs neufs, mais j'imagine que faire vos rapports à la main ne vous arrange pas trop.

Elle hausse les épaules. Pour être honnête, cela ne l'avait pas spécialement dérangé pour l'instant de devoir attendre qu'un des deux bureaux se libère. Aurélien était rarement présent à l'ordinateur, et elle se doutait qu'il devait aller emprunter celui de la commandante de temps en temps pour lui laisser le sien.

-Ce n'est pas vraiment un problème, l'informa-t-elle. Mon ancien lieu de travail ne permettait pas de pouvoir remplir des rapports régulièrement tant l'organisation de nos supérieurs était à revoir. Alors même sans ordinateur à ma disposition en permanence, ça ne m'ennuie pas trop de devoir attendre un peu. Au moins, j'ai de meilleures conditions de travail.

Etcheverry parait étonné de sa réponse. Ses sourcils se lèvent légèrement, mais il finit par hausser les épaules en signe de reddition.

-Ah, et d'ailleurs, reprend-t-il. N'hésitez pas à passer me voir si certains officiers vous causent des ennuis. Crivelli ne vous créé pas trop de problèmes ?

Sand a envie de lui répondre que si. Cette femme fout le bordel dans son quotidien bien rangé et elle ne sait pas comment gérer la fougue et le caractère de la capitaine. Pourtant, d'un côté il y a quelque chose qui préfère partager une pièce avec elle qu'avec un homme comme Mac Jharen.

Et elle sait que Gaëlle s'attire déjà beaucoup d'ennuis a elle toute seule. Sand ne veut pas la faire convoquer une nouvelle fois, alors qu'elle sait que la capitaine fait des efforts pour ne pas être trop désagréable en ce moment.

Alors, au lieu de lui répondre la vérité, Sand se mordille la lèvre d'un geste inconscient.

-Non aucun, lâche-t-elle à la place.

Et si Etcheverry ne la croit pas, il ne lui fait aucune réflexion. Il se contente de plisser les yeux, dubitatif. Quoi qu'il en dise, malgré le chaos que lui apporte Crivelli, il l'aime bien. Et il sait aussi que cette dernière en est consciente, bien qu'elle préfère largement la répondante.

-Bien, conclu Etcheverry. Et concernant les ordinateurs, si vous pouviez emmener votre portable ce serait plus évident pour travailler. Je connais pas mal d'agents qui font comme ça, et ça évite quelque problèmes d'organisation.

-Je n'en ai pas, lui répond Sand avec trop de rapidité.

Elle voit bien que comme tout à l'heure, il peine à la croire.

-Si vous avez l'occasion de vous en procurer un, commence-t-il.

-Je n'en ai pas les moyens, rétorque à nouveau Sand, sentant que la conversation glisse sur un terrain qu'elle n'aime pas.

Etcheverry la regarde un instant comme si elle se moquait de lui, avant de secouer la tête avec fatigue.

-Je connais le montant de votre salaire, Montgomery, soupire-t-il. D'ici à la fin du mois vous en serez largement capable, ce n'est pas une paie de millionnaire mais elle est suffisante.

Sand se lève de la chaise en bois sans qu'il ne lui ait demandé. Comme il ne dit rien, elle court le risque de finir à un autre poste demain même. Cette discussion devient trop personnelle et la façon dont elle utilise son argent ne le regarde pas.

-Eh bien non, tranche-t-elle. Merci pour votre temps, mais je n'ai pas les mêmes priorités que vous.

Furieuse, elle sort de la pièce sans demander son reste, descendant les escaliers avec la même énergie qu'avait Gaëlle le jour où elle l'a percutée. Comme elle venait elle aussi du bureau du commissaire ce jour-là, Sand la comprend un peu mieux.

Tout ce qu'elle veut, c'est qu'on lui fiche clairement la paix. Elle a besoin de se calmer avant d'envoyer paître la première personne qui lui adressera la parole.

Et si c'était elle ?  -    [Romance Lesbienne]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant