Chapitre 26

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Save your tears – Ariana Grande & the Weeckend

Bien sûr, c'est dans cette position compromettante qu'elles se font surprendre moins de trente secondes plus tard. Sand est toujours en train de serrer sa collègue dans ses bras tandis que Gaëlle ne sais pas quoi faire de ses bras, une main dans le dos de la blonde.

La porte des toilettes s'ouvre, sans trop de force, et donc pas assez fortement pour qu'elles aient le temps de réagir assez vite. Un grincement résonne dans la petite pièce, Sand tourne la tête dans sa direction, juste pour voir la commandante les regarder.

Plantée dans le cadre de la porte, la main toujours posée sur la poignée, elle semble à court de mots. Et avant que la première pensée de la blonde soit de se reculer, Gaëlle fuit l'étreinte comme une fugitive, se réfugiant quelque mètres plus loin de Sand.

La commandante ne dit rien, elle les regarde un instant comme si elle rêvait, avant de passer entres elles pour aller dans une cabine de toilette. Dès que le verrou se tire, Gaëlle regarde Sand comme si elle était devenu folle, lève les yeux au ciel et s'enfuit.

Et Sand reste au milieu, debout à côté des lavabos, retenant une envie de rire.

Pourtant, tout l'humour de la situation précédente a disparu quand elle franchit la porte stérile de la chambre médicale, deux heures seulement après sa conversation avec Gaëlle. Elle retrouve l'odeur piquante des médicaments et du désinfectant, tandis que l'infirmier qui se tenait dans la pièce, son corps fin perdu au milieu du tissu lourd de la blouse bleu clair, lui adresse un signe de tête avant de prendre congé.

Mallory est déjà assise au bord du lit, dans un jean et un débardeur, occupée a lasser ses chaussures. Un sac en bandoulière posé à ses pieds, Sand retrouve la petite fille solaire qu'elle a toujours connu, comme si l'enfant malade qui refait surface de temps à autres n'était que fictive.

Elle termine le petit nœud de sa basket blanche et relève les yeux, regardant Sand directement. Et la plus âgée a presque l'impression qu'il ne s'est rien passé quand un faible sourire illumine les traits fatigués de Mallo. Mais il y a une hésitation avant qu'elle ne se lève, qui suffit à lui prouver le contraire. Et le cœur de Sand se serre.

-Salut, lâche sa sœur en attrapant le sac et en le jetant sur son épaule. Le docteur Roy m'a dit que tu devait juste signer deux trois papiers et on peut y aller.

Sand ne sait pas quoi dire l'espace d'un instant. Sa bouche s'assèche, et les pensées se précipitent dans son cerveau comme une course pour déterminer laquelle d'entre elles aura le droit d'être exprimée à haute voix.

Je suis désolée. Tu es d'accord qu'il faut faire quelque chose ? On ne peut pas te laisser comme ça. Pour être tout à fait honnête, j'ai peur. Il faudrait peut-être que j'en parle à la commandante, non ? Je ne pensais pas ce que j'ai dit.

Elle ne sait pas laquelle d'entre elles mérite d'être exprimée, ni comment. En fait, elle ne sait tout simplement pas quoi dire.

Alors elle ne dit rien.

-D'accord. Allons-y.

Mallory s'engage à sa suite, marchant hors de la chambre d'un pas joyeux qui fait danser ses cheveux dans sa queue de cheval. Et pour la centième fois, la capitaine ne comprend pas d'où peut sortir cette bonne humeur.

Elles longent le couloir qui lui parait interminable, croisant une personne âgée qui leur souhaite une bonne journée depuis son siège proche d'une des salles d'attentes.

Sand n'a pas besoin d'attendre très longtemps. Une fois au comptoir d'accueil de l'aile concernée, la secrétaire la reconnait assez vite et se dépêche d'aller lui chercher le dossier de santé de Mallory, ainsi que des papiers d'assurance et quelque documents administratifs à régler pour l'hôpital.

Moins d'un quart d'heure plus tard, elles sont dehors. Comme la capitaine a pris son après-midi, elle estime que sa discussion peut attendre le temps qu'elles rentrent à l'appartement. Après tout, discuter de la situation -de toutes les situations actuelles- n'est pas quelque chose à faire sur un trottoir, devant un CHU en attendant l'arrivée du taxi.

Ou peut-être que c'est ce qu'elle essaie de se convaincre pour surmonter sa difficulté à amener le sujet. Les mots sortaient si facilement la dernière fois, tellement facilement qu'elle était incapable de les retenir, comme si Mallory s'était glissée à l'intérieur de son corps pour ouvrir la fermeture éclair de ses sentiments et les laisser se répandre. Aujourd'hui, cette même fermeture est bloquée, verrouillée par les regrets et la culpabilité, et cette fois, c'est comme si elle était incapable de les laisser sortir une nouvelle fois.

Ou qu'elle ne sait plus comment faire.

Mallory semble le comprendre pourtant. Elle garde le silence, tranquillement assise sur le bord du trottoir, fredonnant un tube qui passe souvent à la radio en jouant avec les graviers du bout de sa chaussure. Habituellement, sa grande sœur lui aurait dit d'arrêter d'abîmer ses affaires, mais cette fois elle s'en contente, cherchant des moyens de retarder la manière d'amener les choses.

Bien sûr que Mallory comprend. Après tout, elles vivent ensembles depuis tellement d'années maintenant qu'elle la connaît presque par cœur. Sa sœur sera sans doute celle qui débutera la conversation en attente, pour éviter de garder cette ambiance étrange en suspens.

Le taxi apparait un peu plus loin, petit point noir se détachant sur le gris terne de l'asphalte, et la plus jeune se lève tranquillement du trottoir, époussetant son pantalon.

La pointe de ses chaussures a dessiné des formes dans les graviers, et Sand aperçoit des petites fleurs et des triangles avant qu'elle ne détourne la tête pour faire signe au taxi.

Les derniers moments qu'elle a passé avec Mallory lui semblent à des années lumières, presque comme si leur déjeuner pancakes interrompu par Gaëlle s'était déroulé il y a trois mois.

Après réflexion, Sand se rend compte que la place que prend Gaëlle dans sa vie est assez conséquente. Et créatrice de chaos en permanence. La concernée elle-même ne doit même pas s'en rendre compte.

Et pourtant, ce n'est pas un constat aussi désagréable que prévu. D'une certaine manière, sa haine agacée envers la brune a finit par s'apaiser. Elle prend conscience qu'en fait, plus que ça, les remarques et le sarcasme qui entre elles était réellement dédaigneux au début est resté mais s'est transformé en humour au fil du temps. En fait, elles ont tout bonnement cessé du croire au sens véritable de leurs mots.

Et quand elle se rappelle de l'expression inscrite sur le visage de Mélissa Sainte-Rose dans les toilettes, elle se doute qu'elles sont les seules a l'avoir remarqué de leur point de vue. Extérieurement, peut-être que le monde croit encore qu'elles se détestent.

Sand n'est plus très crédule à ce propos.

Le taxi s'arrête à leur niveau et Mallory s'installe sur la banquette arrière. Toujours perdue dans ses pensées, la capitaine la suit en silence et s'assied tranquillement avant de refermer la portière derrière elle. La voiture redémarre et elle se renfonce dans son siège, observant l'hôpital s'éloigner jusqu'à disparaitre à travers la fenêtre.

Son téléphone vibre à la réception d'un message, et elle ne peut pas s'empêcher de sourire quand elle voit le sms de Gaëlle sur son écran.

Au moins, elle n'est pas fâché depuis la dernière fois, songe Sand avec amusement.

G : « Bon alors ? J'ai toujours pas eu de compte rendu de la part de Mallory. Tu attends la semaine prochaine ou quoi ? »


Et si c'était elle ?  -    [Romance Lesbienne]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant