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Pdv Bakugo
Izuku revient quelques minutes plus tard, deux cocktails entre les doigts. Il dépose les verres devant nous. Kirishima le remercie. Moi non.

- Vous désirez autre chose ?

Kirishima s'occupe de lui faire la conversation. Je me contente de fixer le serveur jusqu'à ce qu'il comprenne que je ne veux pas de lui. Je vois à son attitude qu'il a compris. Il est agaçant, mais pas bête, ce qui le rend encore plus pénible. Kirishima conclue en lui disant qu'on commandera dans un moment, mais que nous voudrions quand même voir le menu, qu'il, je présume, connait déjà par cœur. Il le remercie et se reconcentre enfin sur moi.

- Tu ne l'aimes pas ?
- Qui ?

Il hausse un sourcil en souriant de moitié, l'air de me dire que je sais très bien de qui il parle. Je soupire avec une grimace exagérée.

- Nan. Il me soûle.
- Pourquoi ?
- C'est un interrogatoire ?
- Seulement si tu le prends comme tel. Du coup ?
- Bah, il a l'air gentil.
- Et ?
- Bah c'est tout. C'est chiant, il est là, tout sourire, on dirait un gosse, j'ai l'impression qu'il va se casser la gueule en nous servant et se mettre à appeler sa mère. Il est tout fébrile, sérieux, regarde le.

Nos yeux le suivent quelques secondes. Il hausse les épaules, désinvolte.

- C'est vrai que ce serait difficile de te contredire sur ce point, quoiqu'il peut se montrer assez énergétique quand quelque chose l'intéresse.
- Ah ouais ? Et qu'est-ce qui l'intéresse ?
- Les gens, de manière générale. Il aime bien tenir des notes sur les comportements, et les aptitudes spéciales. C'est de là qu'il te connaît, de ses recherches dans l'arène.
- Faut dire que c'est un sacré ramassis de personnalités, là bas. S'il cherche de la diversité, c'est sûrement un des meilleurs endroits.

Il ramène deux cartes. Kirishima hoche la tête en guise de remerciement. J'ouvre la brochure.

- P'tain, ça coûte une blinde !

Le sourcil de Kirishima se lève une fraction de seconde.

- Quoi ?
- Ça me surprend que t'aies la valeur de l'argent, avec tout le temps que t'as passé enfermé.
- Ah, oui, logique.

Son regard et son silence m'encouragent à détailler.

- Régulièrement, on venait nous annoncer combien on valait sur le marché, pour nous inciter à faire plus d'effort pour pas crever trop vite. A force de comparer mon prix à celui des autres, j'ai compris grossomodo le rapport entre la qualité et le prix.
- Oh. Je v-

Pdv Kirishima
Sa main, presque indépendamment du reste de son corps, se jette sur le couteau. Il ne bouge pas plus. Ses phalanges tremblent tellement elles se resserrent autour du couvert devenu arme entre ses doigts.

- Bakugo ?

Il me regarde, presque surpris par sa propre réaction. Il tente un sourire et lâche l'objet.

- Vieille habitude, cherche pas.

Le fossé entre nous m'apparaît et me frappe en pleine face. Il a beau avoir mon âge, pouvoir discuter et partager ma table, il a tout de même vécu des événements que je ne peux même pas imaginer. Nous ne venons pas du même monde, et je ne peux pas effacer nos différences.

- Je suis désolé.
- Hein ? Pourquoi tu t'excuses ?

J'hausse les épaules. Son pied touche le miens sous la table. Son ton s'adoucit légèrement.

- T'as rien fait de mal, t'as pas à t'excuser.

Je n'ose plus le regarder dans les yeux. Je me sens tellement stupide d'avoir cru pouvoir lui ressembler. Je n'ai même pas connu un centième de la douleur de sa vie.
Je cligne des yeux, et un écho de douleur résonne à l'arrière de mon crâne. Ce sentiment de décalage me dit quelque chose, et mon corps s'en est rendu compte avant moi. Mes paupières se ferment à nouveau, et cette fois une image m'apparaît brièvement, et à nouveau ce pic de douleur dans la tête. Et une main qui se tend, et le sol qui se rapproche, et Bakugo qui me réveille, et une sois-disant blessure anodine. Une fraction de seconde, j'entrevois Bakugo, le corps en sang.
Puis je suis de retour au restaurant, et comme ce que j'ai vu n'appartient qu'à mes yeux, ça ne peut être qu'un rêve.
J'imagine.
Ou pas ?

- Bakugo ?

Pdv Bakugo
Le ton dans sa voix m'interloque. Il y a quelque chose, une pointe de mystère qui attise ma curiosité autant que mon inquiétude.

- Oui ?
- Qu'est-ce qu'il s'est passé, déjà ?
- Quand ?
- Quand je me suis fait mal.
- Je te l'ai déjà dit, tu...

L'expression dans ses yeux m'empêche de continuer.

- Ouais, bon, j'ai peut-être omis quelques détails.
- Hmm hmm, je crois bien, oui.
- Emmène moi là où tu m'as retrouvé.

Je ne réponds pas.

- Bakugo.
- Non.
- Pourquoi ?
- Parce que je l'ai décidé. C'est non.

Il prends une grande inspiration et adopte une posture différente, plus autoritaire.

- Bakugo, je veux y aller.
- Et ? C'est ton problème.
- En es-tu sûr ?

La pointe de provocation qui transperce sa voix me surprend. C'est clairement une menace.
« Obéis ou retourne d'où tu viens. »
Un faux rire m'échappe.

- Vraiment, tu veux y aller ?

Je ne lui laisse pas le temps de s'exprimer. J'attrape son poignet et le tire hors du restaurant.

- Bakugo, on n'a pas payé-
- Putain, faut chosir ! Tu peux payer plus tard pour te faire pardonner, non ?! Qu'est-ce que tu choisis ?!

Son hésitation laisse vite place à une froide certitude.

- Allons-y.

J'hoche la tête, convaincu à mon tour, et son poignet glisse jusqu'à ce que sa main soit dans la mienne. Pour quelques secondes seulement, évidemment. Je passe devant. Ses pas résonnent derrière les miens, presque en rythme parfait. Je ralentis. Il se rapproche jusqu'à être à côté de moi. Au vu de ce qu'il s'est passé la dernière fois, je préfère le voir. Les beaux bâtiments se rarifient, remplacés par des murs plus bas, plus fins, plus abîmés.

- Ça me dit quelque chose.
- Normal. C'est par là que t'as dû passer.
- '' Dû ''? Tu ne m'as pas trouvé ici ?
- Ah, non. Mais si ça te suffit, on peut s'arrêter l-
- Non ! Montre moi.

Je ne veux pas y retourner.

- D'accord.

Fire On Fire [Kiribaku] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant