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Pdv Kirishima
Pas un mot sur le chemin du retour, ni une fois rentrés. A peine dans ma chambre, il attrape un livre et se rapatrie sous la couverture de son lit.
Il a beau s'isoler, j'ai le pressentiment qu'il n'a pas envie d'être seul. Ou, du moins, qu'il a besoin de compagnie. Je m'assois au bord de son matelas et pose hasardemment ma main sur l'amat difforme que forme la couette.
Sa tête apparaît, perplexe.

- Tu fais quoi ?
- Heu... Bonne question. J'essaie de te réconforter, je crois. J'ai pas trop réfléchi.

Une lueur d'amusement traverse ses iris.

- Ah ouais ? Me réconforter de quoi, même ? J'ai l'air d'avoir besoin de...
- Oui.
- ...
- ...
- Ah.
- Comme tu dis.

Il retourne sous son couvre-lit. J'attends. L'ombre du soleil couchant progresse sur le sol. Lorsqu'elle atteint ma jambe, la couverture se soulève légèrement.

- Si t'as envie de pioncer, dis le, mais reste pas planté là comme ça, ça fait bizarre.
- J'ai pas envie de dor-

Il se pousse pour me laisser de la place à côté de lui.

- J'ai juste froid. Je peux ?
- Fais comme tu veux, je m'en fous.

Il se tourne dos à moi, et je m'installe sur le matelas, si près que son corps me réchauffe plus que la couverture elle-même.
J'avoue chercher ses doigts du bout des miens. Je frissonne en les touchant, comme si ce n'était pas ce que je voulais. Dans un soupir, il se tourne pour faire face au plafond. Ses lèvres sont à peine ouvertes. Ses yeux se ferment lentement, et je peux constater de la longueur de ses cils, dont la couleur alterne entre le blond et le brun.

- Attention, Bakugo.
- Mh ?
- T'es beau.

Cette fois, je vois clairement le rouge teinter ses joues.

- Tu m'avais dit de te prévenir, la dernière fois. Ça allait, comme ça ?
- Je suppose, mais dors.
- Pourquoi t'évites la discussion ?
- Parce que y a rien à dire.
- T'es sûr ?

Cette fois, il se tourne entièrement vers moi.

- Oui.

Mon auriculaire attrape lentement le sien. Ses yeux s'égarent une seconde, peut-être même deux.
Je m'appuie sur un coude et dépose un bisou sur sa joue. Il ne bouge tellement pas que c'en est comique. Je me rallonge.

- Tu la connaissais, cette femme ?
- ...En quelque sorte, oui.

Il ne m'empêche pas de faire passer le reste de mes doigts entre les siens.

- Tu veux en parler ?
- Je sais pas.

Il n'y a pas de larmes, pas une seule contraction sur sa peau, et pourtant je jurerais qu'il pleure. Quelque chose dans son regard, peut-être. Ou dans sa voix. Ou dans la façon qu'il a de resserrer sa poigne autour de la mienne.

- C'était une femme de mon village. Une sorte de prêtresse, tu vois.
- Je croyais que le village avait été détruit ?

Pdv Bakugo
Il a l'amabilité de ne pas préciser par qui.

- Ouais, la plus grosse partie. Mais elle, elle était vraiment importante, tu vois. Tout le monde la respectait, et c'était impensable de la perdre.
- C'était quoi, son nom ?
- On l'appelait Memo, mais personne ne connaît son vrai nom. Peut-être qu'elle n'en avait pas.
- Oh, d'accord.

Quelque chose s'active dans ma poitrine, et je dois me retenir pour ne pas m'approcher d'avantage. Une atmosphère douce mais tendue s'installe entre nous, juste entre nous. Ses doigts remontent le long de mon poignet, et ne tardent pas à atteindre mon avant-bras avant de se déplacer vers ma taille. Sa peau est douce. Son toucher l'est encore plus.

- Je peux ?

Silencieusement, je fais  « oui » de la tête. Son odeur s'accentue à mesure que la distance s'amoindrit. Une odeur sombre et sucrée, qui vient m'envelopper et se poser comme une fleur sur mes lèvres, à nouveau. C'est la deuxième fois, et pourtant la sensation est très différente. Plus qu'une seconde fois, c'est une seconde première fois. Celui-ci est plus long et autrement plus tendre. Je ressens tout au centuple. Je prends conscience de tout mon corps, de tous mes gestes, et soudainement j'ai honte, j'ai peur de ne pas faire les choses comme elles devraient être faites, et je m'éloigne. Je me cache sous la couverture.

- Elle s'appelait Memo comme  «Mémoire». On disait qu'elle détenait les souvenirs de toutes les générations avant elles.

Il me laisse parler. Peut-être qu'il dort, je ne sais pas.

Pdv Kirishima
Je l'écoute, attentif.

- On avait interdiction de lui parler, et elle vivait au milieu de la forêt, c'était trop bizarre. Je savais qu'elle avait mon âge, parce qu'elle faisait une apparition en public pendant les fêtes, juste pour montrer qu'elle était bien en vie et pour maintenir un peu le culte, je pense.

Ses mains viennent chercher les miennes. Il joue nerveusement avec le bout de mes doigts.

- A ce moment là, dans mon village, on considérait les capacités spéciales comme des dons, parce qu'on n'avait pas de moyen de communication avec les autres pays. On pensait que ceux qui en avaient étaient différents, tu vois.

Ses gestes se font moins timides, ils remontent jusqu'à la base de mon poignet.

- Enfin bref, le miens était pratique pour les explorations, du coup je faisais partie des ouvriers, j'avais un pouvoir moins noble, donc je pouvais rester avec ma famille. Mais pour elle, je ne sais pas vraiment comment ça s'est passé. Personne ne connaît sa famille, parce qu'ils sont gardés "ailleurs" au cas où certains membres auraient le gène du pouvoir et pourraient le transmettre.
- Et c'était le cas ? Il y a déjà eu plusieurs détenteur de ce pouvoir en même temps ?
- Jamais. Une fois par génération, jamais plus, jamais moins. Et toujours une femme. De mère en fille.
- Mais, si la mère l'avait, alors-
- Elle mourrait en donnant naissance à la suivante, ouais. C'est peut-être pour ça qu'elle avaient l'air si triste. Peut-être qu'elle pensait déjà être enceinte et qu'elle allait mourir. Même si biologiquement parlant, je ne suis pas sûr que ce soit possible, à même pas dix ans.
- Je suis pas sûr de vouloir le savoir.
- Enfin, si elle était en vie jusqu'à maintenant, c'est que ça s'est relativement bien passé. Au moins, elle a survécu au carnage.

Il me serre avec plus d'insistance avant de me lâcher. Je patiente, assimilant toutes ces nouvelles informations.
Je le rejoins sous la couverture. L'obscurité m'empêche de le voir complètement, je discerne à peine ses contours.
Je cherche son visage. Il a un léger mouvement de recule mais me laisse le toucher. Je trouve ses joues, puis, du pouce, effleure ses lèvres. Il referme son poing autour de mon poignet. Pas pour m'éloigner, et j'en suis surpris; pour m'inciter à rester, peut-être même à approcher ; ce que je fais, un peu craintif.
Sa seconde main se pose maladroitement sur le creux de ma taille.

Fire On Fire [Kiribaku] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant