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Pdv Kirishima
Je ne sais pas qui est cette jeune femme, mais Bakugo boit ses paroles, littéralement. Ses yeux sont absorbés par son visage, à tel point que ses épaules sont penchées en sa direction.
Je passe ma main dans la sienne. Il ne me regarde même pas.
C'est vrai qu'elle est belle.

- Comment ça, un souvenir ? Donc j'avais raison, ils ont vraiment existé ??
- Tu devais t'en douter. Il t'a fait lire un livre qui recensait les familles..

Je n'écoute pas la fin de la phrase. Ses doigts se resserrent sur les miens.
Lorsque je me reconcentre, le silence est pesant.

- Mais alors, on est morts ? Vraiment ? Dans cette "autre vie"?

Lentement, elle hoche la tête.

- Raconte moi.

Elle effleure son cou. Une marque rouge le décore.

- Tu étais de la noblesse. Lui, c'était ton esclave. Au début.
- " Au début "?
- Il est devenu ton amant.
- ...
- Tu as d'autres questions, pas vrai?
- Comment j'étais ?
- Cruel. Kirishima aurait dû mourir bien plus tôt, même si l'issue est restée la même, puisque c'est toi qui l'as exécuté.
- Dis m'en plus.
- Impossible. Vos âmes sont bien trop liées. Tu te perdrais à vouloir retrouver ton "autre toi". Accepte l'ignorance.

Il tente de retirer sa main, mais je la tiens fermement. Il baisse la tête et me regarde discrètement sur le côté. Je lui souris. Ce n'était pas vraiment nous.

- Et comment c'est arrivé ?
- Quoi donc ?
- Nous avant, nous maintenant. Comment on a pu être aussi similaires ? J'ai croisé ceux des "souvenirs", et ils nous ressemblaient tellement que c'en était troublant.
- C'est parce que ce ne sont pas seulement des souvenirs. Ce sont aussi vous, au sens propre.
- Comment ?
- ... Lors de la mort de Kirishima, vous avez lié vos destins en promettant de vous revoir dans un autre monde. Katsuki, tu as dit penser finir en Enfer, et Kirishima, tu as rétorqué que l'Enfer, c'était ici. Alors vous voici, à nouveau en Enfer, ensemble.
- Pourquoi ils ont voulu nous tuer, s'ils sont ''nous''?
- Ils veulent vous emmener avec eux.
- Où ça ? Au Paradis?
- A ce qu'il y a après la mort. Je n'en sais pas plus. Je suis, comme eux, bloquée dans l'entre-monde. La seule différence, c'est qu'eux sont déjà passés de l'autre côté avant qu'une partie de leur âme ne se réincarne en vous.

Bakugo s'apprête à parler, mais je le coupe.

- Et toi, alors ? Qu'est-ce que tu es?

Elle sourit doucement.

- L'incarnation des souvenirs de Katsuki. Je suis le lien entre l'ancien et le nouveau lui, entre vous, entre votre amour et la malédiction que vous vous êtes vous-même infligés.
- ...Mais tu t'es suicidée, non?

Les coins de ses lèvres se mettent à trembler. Je ne sais pas si ce sont des larmes de tristesse, de rancœur ou de colère qui glissent sur ses joues.

- Je ne pouvais plus supporter de voir ces morts en boucle. Chaque nuit, des victimes dont je n'étais pas responsable et pour lesquelles je me sentais coupable ; chaque nuit, de nouveaux corps, et toujours, toujours plus de sang... C'était insoutenable. Mais je réalise maintenant que...
- Que tu es devenue un souvenir.
- ...Et les souvenirs sont associés à un lieu. Et comme je suis morte ici, je ne peux pas en sortir.
- Même si Bakugo se rappelle de toi dans son ancien village?
- Il ne se rappelle pas de moi à proprement parler. Plutôt de ce que je représentais. Mon statut, je l'ai abandonné il y a bien longtemps.

Elle ne peut plus échapper ni à ses visions, ni à nous sans corps physique.
Bakugo se prosterne contre le sol.

- Je te demande pardon, Mémo.

Elle renifle.

- Ça ne fait rien. Je ne tarderai pas à disparaître, de toute façon. Les souvenirs finissent toujours par se per...
- Mémo?

Elle secoue la tête.

- Je ne peux pas disparaître tant que vos âmes n'ont pas rejoint leur moitié. Je vais attendre avec eux que vous...
- Que nous mourrions.
- ... C'est ça, oui.

Bakugo se met debout.

- Prends soin de l'autre Kirishima pour moi. Je n'ai pas pu le faire de ma première existence.

Il me tend la main. Je la prends et me relève à mon tour. Je tapote  l'épaule de Memo.

- Veille sur l'autre Bakugo aussi, s'il te plaît.

Elle esquisse un sourire à la fois doux et amusé.

- Bien. C'est promis. Ne vous pressez pas pour nous rejoindre, surtout. Ça viendra bien assez tôt.

Bakugo hoche la tête en reconnaissance. Nous nous apprêtons à franchir la porte.

- Ah, Katsuki!

Il se retourne.

- Oui?
- Ne revenez pas ici. Le passé vous rattraperait.
- ... Ce sont des adieux, alors ?
- Dans ce monde là seulement. Va. Toute une vie t'attend.

Un rictus sur son visage m'intrigue. Ses yeux sont bien trop fixes pour ne dire que la vérité. Mais cette d'espoir dans les yeux de Bakugo, je ne veux pas la voir s'éteindre. Pas maintenant. Peut-être qu'il vaut mieux mentir, après tout.
Le regard de Mémo s'égare dans le mien une demi seconde, et je sais alors qu'elle sait quelque chose que je ne sais pas. Et elle sait que j'en suis conscient.
Elle secoue la main.

- À bientôt !

La porte claque.

Pdv Bakugo
Les rues défilent et les gens se retournent sur notre passage. C'est vrai qu'on ne doit pas passer inaperçus, couverts de poussière et de sang.
Nous arrivons chez Kirishima. Nous empruntons les mêmes couloirs, les mêmes portes que d'habitude, et pourtant tout est différent. Ma perception de l'espace et du temps est complètement bouleversée.
Nous ne croisons personne.
Un petit mot sur la table de la cuisine nous apprend que, apparemment, il y a une animation en ville, alors les parents de Kirishima sont de sortie, et le personnel se permet de prendre un peu de repos en conséquent.
Dans sa chambre, rien n'a bougé. Ce figement du temps a quelque chose de rassurant, et une partie de moi se sent en sécurité.
La porte claque en se fermant derrière nous. Kirishima soupire, visiblement apaisé à son tour.

- Je crois qu'on a bien mérité une douche.

Nous nous considérons de haut en bas, habillés plus de haillons que de véritables vêtements, les cheveux emmêlés et collés par le sang, la peau abîmée.

- Ouais. Je crois bien aussi.

Nous entrons dans la salle de bain et nous déshabillons sans plus de cérémonie. Il fait couler l'eau.
Il s'arrête, la main encore sur le robinet d'eau chaude.

- Quoi?
- Tu veux peut-être pas qu'on partage la baignoire ?? Ça te gêne ??
- Bah non, abruti. Je m'en fous, c'est qu'un corps.

Et puis je le regarde et peut-être que, tout compte fait, son corps n'est pas qu'un corps.
Quelques minutes plus tard, sommes sous l'eau, frottant pour faire partir la crasse. Une fois propres, nous passons à la détente et nous installons dans le bain. La baignoire est spacieuse et confortable.
Nos regards se croisent.

Fire On Fire [Kiribaku] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant