Piper était dos à la baie vitrée, ses mains crispées sur son visage, comme si elles cherchaient à retenir l'explosion de ses émotions. S'était-elle rendue compte de ma présence ? Un instant, je songeai à la laisser dans sa solitude et à quitter la pièce, me réfugier dans un coin tranquille. Après tout, elle était plus grande, plus forte ; elle avait probablement ce qu'il fallait pour gérer. D'autant que cette fille était une peste. Mais mon humanité prit le dessus, et avant même de m'en rendre compte, j'étais installée à coté de la blonde.
- Dégage, cracha-t-elle d'une voix froide, alors que je m'appuyais contre la baie vitrée et me laissais glisser au sol.
Si tu insistes, pensai-je. Je ne souhaitais pas plus qu'elle être là. Cependant, je fis un effort surhumain pour ne pas rétorquer, et me contentai de m'assoir à ses côtés. Je mériterais un prix Nobel pour ça.
- Putain, faut te le dire en quelle langue, casse-toi ! hurla-t-elle à nouveau, en m'accordant cette fois un regard.
Quelque chose en moi se brisa en croisant son regard abattu. Les yeux rougis par les larmes et cernés par le mascara qui coulaient abondamment, Piper semblait décontenancée, vide. Voyant que je ne bougeais pas, elle grogna de plus belle, et se contenta de ré insérer sa tête entre ses genoux.
- T'aurais pas du voir ça Piper, soufflai-je en osant la toucher.
Je me préparais à un geste de rejet, à une explosion de colère, mais rien de tout cela n'arriva. Elle resta là, les bras croisés, comme si elle avait renoncé à me repousser. Elle devait être sacrément brisée pour me laisser la toucher, pensai-je. Nous restâmes un long moment ainsi dans le silence. Au bout d'un certain temps, elle s'autorisa à sangloter en ma présence, ses pleurs se mêlant à mon mutisme.
Je ne dis rien, pendant ce qui me parut être des heures, ou peut-être cinq minutes. Je ne dis rien. Je me tus, écoutant ses pleurs s'amenuiser , jusqu'à cesser. Mais je ne dis rien. Je ne dis rien, car dans ce genre de situation, je savais qu'il n'y avait rien à dire. Quand on vivait cela, on ne voulait pas de consolation. On voulait juste que ça cesse. Alors jusqu'au bout, je ne dis rien.
Finalement, elle redressa la tête lentement, les yeux toujours noyés de larmes, et se laissa adosser à la baie vitrée, comme si elle essayait de se donner de la distance, mais sans pouvoir vraiment le faire.
Je retirai doucement ma main de son dos, m'installai à côté d'elle et m'allongeai contre la vitre, les yeux fixés au plafond. Je repensai alors à Maude et moi, espionnant la conversation d'Eleanor et du père de Piper quelques heures plus tôt.
- J'vous ai vus tout à l'heure, dit-elle d'une voix tremblante, les yeux toujours rivés sur le plafond. J'vous ai vus vous cacher, espionner la conversation de mon père.
Un long frisson parcouru ma colonne vertébrale. J'avalai difficilement ma salive, cherchant le mensonge le plus sensé à lui déballer.
- J'étais prête à ouvrir la porte, débarquer de nulle part, vous dénoncer, vous humilier... ajouta-t-elle dans un souffle, sa voix devenant plus acide. Dire à mon père que des fouineuses se cachaient dans son plafond.
Mon estomac se serra, mais je me contentai de la regarder sans broncher. Décidemment cette fille était une garce. Soudain, un rire sans joie s'échappa de ses lèvres, mais il mourut aussi vite qu'il était venu, remplacé par ce silence lourd, où chaque mot semblait trop fragile pour être prononcé.
- Et tu sais c'est quoi la chute de l'histoire, Watson ? me lança-t-elle, ses yeux enfin tournés vers moi.
Je ratai un battement en apercevant la détresse dans son regard. Face à mon air abattu, qu'elle a -je le crains- dû interpréter comme de la pitié, elle se remit à fixer le plafond.
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le Magisteril et les anneaux de feu
FantasiaEden Watson est une adolescente de 16 ans, rongée par la soif de venger la mort de l'être qui lui était le plus cher, décédé il y a tout juste 2 ans. Après des rencontres inattendues, sa vie va être bouleversée. Coup de chance, coup de put*, coup d...