Après cela, Piper ne m'adressa plus la parole. Elle ne partit pas pour autant. Elle se contenta de fixer le plafond, tourmentée par mes propos. Moi aussi, j'étais tendue, tiraillée par mon propre mal-être. Mais après un véritable combat avec moi-même, je finis par ouvrir la bouche, une seconde fois, à mes risques et périls.
- J'crois qu'on a à peine deux ans d'écart, mais... est-ce que j'peux quand même utiliser le terme « quand j'étais plus jeune » ?
La blonde se redressa, perplexe. Puis, après une hésitation, elle acquiesça timidement.
Un sourire béant étira mes lèvres. J'avais toujours rêvé de pouvoir prononcer ces mots dans ma vie.
- Vite avant que je ne change d'avis, trancha-t-elle d'une voix sèche, encore tremblante des pleurs.
- Okay okay, m'empressai-je. Quand j'étais plus jeune, j'étais comme toi. La peste de service.
Le mécontentement se lu rapidement sur son visage, elle se leva, prête à partir. Je la retins par le poignet, ce qui me rappela Ben.
- Okay pardon, j'aurais du commencer mon discours autrement. Mais fuis pas. T'es mon seul public, plaisantai-je, tentant de détendre l'atmosphère.
Elle souffla du nez, et malgré tout, elle s'assit de nouveau.
- En fait, j'essaie de te dire que je me suis trompée tout à l'heure. J'ai dis que tu ne ressemblais en rien à tes frères et sœurs.
Son visage se crispa à mes mots, confirmant que mes paroles l'avaient atteinte plus tôt.
- En réalité, si. Vous jouez tout les trois ce même rôle du connard de service. Et le pire ? C'est que j'y ai cru au début, à votre numéro. Alors je vous ai détestés. Puis après je me suis revue, quelques années plus tôt, « quand j'étais plus jeune » : j'me suis revue à jouer, moi aussi, la connasse de service, car je trouvais ça plus simple de déverser ma haine sur les autres, de les intimider, plutôt que d'avouer mes faiblesses. Encore aujourd'hui, parfois, ça m'arrive. Ça m'arrive de blesser les autres pour éviter d'avoir à me montrer vulnérable.
Nous tournâmes nos visages au même moment et nos regards se croisèrent. Elle m'afficha son même air perdue que tout à l'heure. Cependant, plutôt de lui renvoyer un regard peiné, je lui souris de manière compatissante. Je ne voulais pas qu'elle se sente jugée alors qu'elle commençait inconsciemment à s'ouvrir à moi, se montrant vulnérable.
- Je sais ce que ça fait que d'avoir l'impression que plus personne ne te comprend, que tu es seule. Et que tu attends en silence que quelqu'un comprennes que tu vas mal, te tiennes la main, écoute tes confidences, et te laisse pleurer sur son épaule. On n'a pas tous la chance d'avoir un quelqu'un à porté de soit.
Mon cœur s'opprima en pensant à ma mère.
- Parfois, on a besoin de crier à l'aide pour que ce quelqu'un se manifeste. Même si, souvent on pense que demander de l'aide signifie avouer ses faiblesses. Pourtant, pour moi c'est de loin l'acte le plus courageux qu'on puisse accomplir. Parfois je regrette de ne pas avoir eu le courage de le faire.
Son regard se brouilla, et je captai comme un éclat dans ses yeux.
- Demander de l'aide, c'est un acte qui demande un réel courage, ça peut faire peur parfois. Alors je comprends. Je comprends qu'après avoir vécu sous un toit où la "vulnérabilité" n'était pas la bienvenue, vous ayez préféré choisir la facilité. C'est-à-dire garder toute votre peine pour vous, l'enfouir au plus profond de votre être, et vous en servir contre les autres au moindre mécontentement.
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le Magisteril et les anneaux de feu
FantasíaEden Watson est une adolescente de 16 ans, rongée par la soif de venger la mort de l'être qui lui était le plus cher, décédé il y a tout juste 2 ans. Après des rencontres inattendues, sa vie va être bouleversée. Coup de chance, coup de put*, coup d...