8 - Fraternité d'armes

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Tout va très vite. Dans un bruissement métallique, une escouade de moines soldats, l'arme au clair, surgit d'une ruelle sur le côté. Je frissonne en soutenant leurs regards tournés vers moi mais je me mets en position de combat. Sortant d'une fenêtre, d'un trou dans le sol ou de la même ruelle, des masses bondissent dans un flou dû à la vitesse, des lions-garous.

Kim me tire en arrière et me plaque contre le mur de la maison, où je sens sous mes doigts la sève pulser. Le rythme s'accélère avec l'intensité des cris de douleur des combattants. Des griffes et des épées fendent la chair, des gerbes de sang giclent pendant que des dents brisent des os avec un claquement sonore. Des rugissements de victoire éclatent.

Kim qui se tient devant moi, se déplace à présent sur le côté. Une dizaine de corps baignent dans une mare de sang. L'Église est à nouveau battue. Je me place à hauteur de mon garde du corps et, imitant sa posture, je croise mes bras sur la poitrine. Le toucher du synthétissu me semble répugnant après celui de l'écorce. Et une idée se fait jour dans mon esprit, dérangeante : ici, l'Église est mon ennemie. Un froid sinistre s'empare de moi. Pour le chasser, je m'approche de Grand Lion qui se tient assis sur un toit bas voisin. Un plissement de ses grands yeux attentifs me salue. Je sens Kim relâcher ses bras à côté de moi. Il est ainsi plus près d'intervenir si besoin.

Je ne quitte pas le maître de la ville des yeux. Comme mon garde du corps que je sens se relâcher, je comprends qu'il ne nous attaquera plus. Si l'Église est mon ennemie, il est mon allié. Et il est probable qu'il ait fait le même raisonnement. J'aimerais avoir son avis sur ces attaques, sur la présence des moines dans les limes, sur la destruction des tableaux. J'ouvre la bouche quand un mouvement rompt le silence qui s'était abattu sur la ville.

Accompagné d'un nuage d'irthe se soulevant dans un crissement de ses chaussures, un homme arrive en boitillant quelque peu. Je reconnais mon opposant de La Lorgnette même si je ne vois pas comment j'aurai pu le blesser à la jambe. Il a dû revenir à lui avant la fin des combats et y participer. Je souris à l'idée de cette vitalité, sourire qui s'élargit à la vue de l'homme qui le suit. Le messager au paquet.

Le fils du chef me rend mon sourire, créant une fraternité de frères d'armes ou de frère tout court. Ses yeux pétillent quand il laisse le messager s'avancer pour me tendre l'objet de ma mission. Le temps que je le prenne et relève les yeux, la meute est partie. Je ressens comme un vide tout en suivant des yeux l'homme efflanqué qui s'éloigne après un signe de tête.

— Eh bien, dit Kim, c'est une drôle de façon d'accomplir sa mission. Après cette démonstration de force, je pense qu'il est clair pour tout le monde que le Grand Lion veut que nous sortions de la ville sains et saufs. Nous devrions être tranquilles maintenant.

Comme prédit, nous sortons de la ville sans incidents.

La Meute des Barbelés [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant