Chapitre 28 - Morgane l'archère

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Je descends l'escalier en colimaçon sans presque toucher les marches. Je ne m'arrête pas au niveau de ma chambre, je continue à dévaler jusqu'en bas. J'ai peine à me raisonner pour prendre le temps de vérifier la présence du garde avant d'entrer dans la cave. Je vais m'élancer quand une main se pose sur mon épaule.

— Pardon, dit Kim. C'est la seule idée que j'aie trouvée.

Sa voix vibre de sincérité.

— Je comprends, mais la vérité est importante. C'est le mensonge qui mine ce monde.

Il me regarde perplexe, il est vrai que mes paroles sont un peu pompeuses. Surprise moi-même, je lui souris. Il le prend comme un signal et me serre dans les bras.

— Tu es en cheveux, dis donc ! chuchote-t-il.

Je pouffe.

— Allez viens, j'ai déjà prévenu Chaffa, tu vas pouvoir commencer ta séance de tir à l'arc.

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Je me retrouve dos à la tour, un carquois d'entraînement sur le dos et une cible que m'installe Kim à 30 pas. J'inspire l'air à plein poumon, l'irthe m'apaise.

— Ici, je suis à l'abri, dit la vieille Ambre. Je ne te gênerai pas.

Sous le prétexte que je vais surveiller l'entrée du donjon en même temps que tirer, et pour ne pas déranger ma concentration, Kim s'est mis d'accord avec Chaffa, le capitaine des gardes, pour que je sois seule dans la haute cour, à l'abri du vent. Ambre argumente car elle aimerait rester au soleil.

— Tu sais, je fais ce qu'on me dit, énoncé-je avec prudence en me penchant vers l'arc.

Je l'observe un moment, osant à peine le toucher. J'ai l'impression de retrouver un vieux compagnon. Mes bouts de doigts glissent avec délice sur la corde.

— Allez Ambre, c'est le moment, dit Kim.

Il est arrivé sans un bruit, je sursaute et je relève la tête pour les regarder s'éloigner tous les deux, en parlant du vent qui se lève

J'empoigne l'arc et tire une première flèche dans la foulée, le mouvement me venant tel un réflexe alors que je n'ai pas tiré depuis des années. Kim vient ensuite me rejoindre, au petit trot, en restant hors de la trajectoire de mes flèches. Il pousse un petit chariot d'où dépassent des empennages.

— Avec une telle réserve, tu devrais tenir pas mal de temps sans devoir ramasser ! Rénio va se réveiller. À toi de jouer !

Pendant qu'il gagne le donjon, je commence en chantant le premier air qui me vient à l'esprit, une comptine que me chantait Marlow pour m'endormir. Mon maître d'armes se retourne pour me faire signe de hausser la voix. Cela déforme la chanson et je continue ma tâche en riant. J'encoche, je décoche, j'encoche, je décoche... le léger sifflement dans l'air me ravit.

Alors que je me concentre dessus, une sensation de chaleur monte dans ma poitrine et suit le souffle de vent, suit la flèche qui n'est pas tout à fait sur la bonne trajectoire constaté-je avec dépit. Je lance un nouveau cri d'attaque pour couvrir un premier hurlement de Rénio et encoche un nouveau projectile. J'atteins un rythme confortable quand je dois hausser encore le son. Du coin de l'œil, je vois Chaffa arriver en haut du muret entre la haute-cour et la basse-cour. Je suis censée tirer en me déplaçant, me souviens-je. Je fais un petit signe de tête à la capitaine des gardes et chante encore plus fort, interrompue par des grognements sous l'effort de bander mon arc. Il me semble de plus en plus dur. Un rapide coup d'œil m'informe que mon public a disparu. Enfin seule, même si je sais que des gardes sont derrière le mur. Des chants oubliés me viennent aux lèvres, que je hurle en rechargeant mon carquois. Je marche, de plus en plus vite et m'évertue à tirer en même temps. Le souffle me manque et je n'arrive plus à chanter.

La Meute des Barbelés [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant