Chapitre 33 : L'épopée - Randa

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Dans la forêt, les oiseaux pépient dans la lumière rouge du soleil d'Irthianée quand une sirène les interrompt. C'est le réveil dans le camp. Chez les surv, tous se lèvent avec des grognements. Les muscles sont raides des travaux physiques. Au fonds du baraquement, là où dorment les filles, Randa se redresse, en se tenant le cou. Elle laisse tomber ses bras et sourit à sa voisine Lana qui plisse les yeux dans sa direction en refaisant son chignon. Elle prend une inspiration, quitte sa couche, marche trois pas et s'écroule à genoux, les mains à la gorge.

— Randa se transforme, Randa est une traîtresse, chantonne Lana de sa voix grave.

Elle s'éclipse en criant et sautillant. Elle percute Marley qui arrive en courant. Celui-ci doit se retenir à un lit sous la violence du choc. Surprise, Lana ouvre la bouche mais n'a pas le temps de parler, Marley se rue auprès de son amie, s'agenouillant.

— Randa, dit-il avec douceur.

Comme elle ne répond pas, il lui caresse la joue puis la palpe pour chercher une blessure. Randa se recroqueville en position fœtale, ce qui la protège quand tombe le premier coup. Lana vient de la frapper d'une pelle avec un sourire effrayant.

— Sale traîtresse ! crie l'attaquante

D'un bond, Marley se place entre les deux femmes, la main sur le manche de l'outil, le retenant avant qu'il ne s'abatte de nouveau. Son visage crispé par la colère et l'inquiétude se détend lorsqu'il prend une longue inspiration.

— Mais tu ne vois pas que c'est Randa, elle est des nôtres, lui dit-il avec une lenteur appuyée.

D'autres survs, arrivent, avec pioche, barre à mines et autres pelles.

— Écoutez-moi, écoutez-moi ! crie mon frère.

Les bras et les outils se baissent, il a toute leur attention.

— Elle n'est pas une traîtresse, vous la connaissez tous, c'est notre amie. Nous allons tous muter, c'est l'action de l'irthe, parce que nous ne sommes pas sur la Roche, hurle-t-il d'une voix haut-perchée.

Devant lui, le visage de Lana se fend d'une moue et ses mains se relèvent, les yeux brillants. Marik a un sourire patient quand il lui explique l'évidence :

— Marley, nous sommes des purs, comment pourrions-nous nous transformer ? Tu es vraiment amoureux d'elle pour nous raconter de telles carabistouilles !

Tous s'esclaffent.

— Écoutez, écoutez, reprend mon frère. Pourquoi pensez-vous que nos familles s'appellent Rhino, Ratty, Egly, Elephy? Ce sont nos animaux garous !

Un silence incrédule est rompu de nouveau par Marik :

— Ahah, et Delphy, c'est pour Dauphin ? J'aimerais bien te voir nager dans l'irthe, Joli Cœur !

Nouvel éclat de rire. Tous se détendent, écoutant les deux protagonistes avec le sourire. Même les épaules de Marley se redressent, ainsi que son corps qui perd sa posture de défense. Lana appuie le menton sur l'olive du manche.

— Si j'étais un rhinocéros, je foncerais dans le portail d'entrée, dit-elle rêveusement.

— Et moi, en rat, dit Marik, je te mangerai les pieds !

En ricanant, Lana lève sa pelle et commence à le pourchasser. De nouveaux rires éclatent et chacun se dirige vers son lit pour se préparer. Le charme se rompt quand Randa se tend comme un arc en hurlant. Tous s'arrêtent dans leur élan, les mains se raffermissent sur les outils qu'elles tiennent toujours.

C'est au tour de Miro de prendre la parole, compatissant.

— Marley, on est désolé pour toi, mais écarte-toi. Je te conseille même de t'éloigner. Ce ne va pas être beau à voir. Tu comprendras que c'est la meilleure solution quand tu auras fait du tri dans tes sentiments.

Son visage exprime toute sa gentillesse. Il est complètement persuadé de ce qu'il dit. Le poing de Marley lui éclate le nez dans une gerbe de sang. Tous se jettent sur lui.

Sa rage est telle qu'il parvient à attraper Marik, le plus petit, par un pied et à le faire tournoyer autour de lui. Cependant, il ne peut résister longtemps contre autant d'adversaires. Léna saisit Marik par les bras, bloquant le mouvement. Le cercle se resserre.

Sans qu'un nouveau coup ait été porté, Léna tombe en arrière se tenant la gorge, puis Marik, puis les derniers comme un seul homme. Tous s'effondrent. Seul debout, Marley pivote sur lui-même et contemple, avec surprise, ces assaillants qui se tordent autour de lui. Miro, qui s'était adossé au mur, la main sur le nez, se relève, stupéfait. Il n'intervient pas quand Marley en profite pour prendre Randa par les épaules et s'éloigner avec elle. À la porte, mon frère lui lance :

— S'ils se transforment tous en même temps et que tu restes sous ta forme humaine, cela peut mal tourner pour toi.

Miro ne se le fait pas dire deux fois et sort, attrapant les pieds de Randa pour aider à la transporter.

La Meute des Barbelés [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant