Chapitre 44 : Morgane - Nous sommes encerclés

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Avec une détermination joyeuse, je tire l'abbé par le bras pour qu'il se joigne à moi. Un mouvement brun m'indique que Rhinée nous suit dans sa confiance aveugle. Kim saisit son neveu par les épaules pour l'amener vers nous. Nous pesons du même côté désormais. La liberté se rapproche. L'odeur de l'irthe s'intensifie tellement que je me mets à éternuer. Je cherche des yeux l'intrusion d'une plante, mais je n'en vois aucune. Les effluves doivent venir de la tour en dessous. Rugar s'est levé à moitié, la tête penchée sur le côté, signe d'une communication à travers son implant. Ses deux acolytes se sont placés en position de combat. Un instant, la scène est figée.

Un tremblement provoque la chute des bouteilles et verres disposés sur une table, pour offrir un rafraîchissement que personne n'a proposé.

— Nous sommes encerclés, s'exclame Rugar

La pièce s'assombrit alors que des lianes parcourent les hublots. Je plaque les mains contre la partie vitrée la plus proche, pour indiquer notre position à la Madrée. Notre poids participe au déséquilibre de la structure initiée par les racines et le sol s'incline, nous collant contre le mur. Tables et chaises basculent. Kim retient son neveu qui glisse.

— Sortons vite, Éminence, tout va s'écrouler, crie l'un des gardes en lui montrant l'entrée de l'escalier, mais ils trébuchent tous les deux et se retrouvent à quatre pattes.

— Arrêtez-les, rugit Rugar, ne les laissez pas partir vivant !

Une balle siffle, tirée par l'autre soldat, agenouillé. Rugar soulève la trappe pendant que son acolyte s'accroupit entre lui et nous pour le protéger de son corps. Loin de penser à l'attaquer, nous tentons de garder l'équilibre. Kim sort un couteau pour délier son neveu, mais un mouvement brusque fait jaillir du sang et Rénio se réveille dans un cri de douleur. L'air se charge de poussière et tout devient flou. L'ancienne navette se met à glisser à présent, par à-coups. Le bord du gouffre, puis la cime des arbres se rapprochent de plus en plus vite, pour soudain s'immobiliser. Le choc nous envoie au sol.

— La fontaine, marmonne le moine, quelle ironie que celle-ci arrête notre fuite.

Je réfléchis à ces paroles quand une flèche siffle, il ne doit plus y avoir de munitions dans le pistolet. Notre habitacle commence à tourner sur son axe, rouler devrais-je peut-être dire. D'autres traits fusent dans tous les sens, le mouvement et sa position instable gênent l'archer que j'aperçois en me dévissant le cou. Tôt ou tard, un projectile finira bien par nous atteindre. Une forme brune se jette sur le tireur. Je mets un temps à réaliser qu'il s'agit de l'abbé, je n'aurai jamais pensé qu'il puisse être aussi rapide. Il attrape l'arc et tous deux tombent. Kim termine de libérer un garou en train de se transformer. Je m'apprête à porter main forte à l'un ou l'autre, quand une masse s'abat sur mon dos.

— Reste tranquille, me cajole Rhinée, avec moi, tu ne risques rien.

C'étaient les mots qu'elle avait utilisés, quand je l'avais retrouvée après la foire. Un instant, je lui obéis. L'abbé et la pieuse dévote m'ont protégée toute ma vie. Je me sens aimée, paisible. Un cri de Mentorot me réveille. Je ne suis plus une enfant, c'est moi la combattante ici, c'est moi qui ai été entraînée par Kim ! J'inhale avec force et l'irthe m'envahit. Une énergie nouvelle pulse en moi. Je pousse sur mes bras et je me déhanche pour faire basculer Rhinée sur le côté, avec toute la douceur que je peux lui accorder dans ma précipitation. En appuyant le pied sur la paroi, je m'apprête à sauter dans la mêlée. Le mouvement de notre habitacle reprend et s'accélère. Je suis projetée dans les airs sans pouvoir m'accrocher. Je heurte quelqu'un, Rénio, je crois. Ma tête rencontre quelque chose de dur. Puis, plus rien. 

La Meute des Barbelés [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant