L'or de la piraterie

Chapitre 16: Prisonnier

- Ruby.

Le ton insistant qu'il a utilisé n'y est pour rien. Seul le fait qu'il m'a appelé par mon prénom me pousse à me retourner.

Il me tire le bras vers lui et je dois retenir un cri avant de soupirer quand il me pousse en arrière de lui.

- On doit s'assurer que personne ne nous suit, dit-il avant de lancer un regard dans le salon.

Les frères pirates discutent, des verres à la main. Gideon et Palin si mes souvenirs sont bons. Les corps endormis et ivres de pirates infestent toujours le sol.

- Suis-moi.

Il remonte les marches et je le suis, curieuse de comprendre ce qui justifie tant de discrétion.

Il s'arrête devant la porte de sa chambre et l'ouvre en me faisant signe d'y entrer d'un mouvement de la tête.

- Si tu crois pouvoir me forcer à entrer dans ta chambre, tu te trompes.

Je m'attends à un sourire joueur ou une réplique cinglante, mais il ne fait rien de tel. Il est de mauvaise humeur à ce que je vois. Peut-être à cause de la dispute avec Elena?

- On va passer par la fenêtre, arrête de te faire des scénarios.

- Je ne...

Son regard assassin m'incite à entrer sans répliquer.

La chambre est semblable à la mienne, mis à part l'odeur de sang qui emplit la pièce. Je regarde la pièce, presque effrayée d'y voir un cadavre.

- Pourquoi y a-t-il une odeur de sang?

Il ouvre la fenêtre de l'auberge qui donne sur un toit en pente qui descend dans une ruelle entre l'auberge et la maisonnée voisine.

Il m'ignore et se lance dans l'ouverture.

Je commence à perdre patience. Je pensais qu'il était insupportable en temps normal, mais le voilà encore pire maintenant qu'il est de mauvaise humeur.

Comme je rejoins la fenêtre, j'aperçois un bandage débordant de sang qui s'égoutte sur le sol. Une chemise bleue semble avoir été lancée précipitamment sur le sol. Kaze ne s'est pas blessé lors du combat d'hier selon mes souvenirs.

Je descends à mon tour, glissant sur les tuiles en terre cuite et atterrissant habilement ses mes jambes. Kaze me lance un coup d'œil rapide avant de se mettre à marcher vers les rues bondées.

Je le rattrape en prenant mon temps pour faire une rapide inspection de son corps, ne trouvant aucune blessure sur la peau visible et il ne semble pas en difficulté pour marcher.

- Je ne pensais pas que tu t'étais blessé hier.

Une infime partie de moi se sent responsable de sa blessure, malgré le marché entre nous.

- Je ne me suis pas blessé hier.

- Mais j'ai vu un bandage dans la chambre.

- Que c'est gentil de t'inquiéter pour moi, mais garde ton numéro de charme en réserve pour l'endroit où nous nous rendons.

Il passe une main dans ses cheveux, ignorant les regards rêveurs des jeunes filles qui nous croisent. Un jeune gentleman habillé d'un habit convenable, un bouquet d'orchidées aux mains, promettant amour et fidélité n'a aucune chance devant un homme aux allures sauvages n'ayant que la haine, les secrets et l'illusion d'un rêve à offrir. Les filles ont vraiment mauvais goût.

Je pense à nouveau à sa blessure que je n'ai toujours pas localisée. Peut-être Elena voulait-elle savoir également pour la blessure, mais n'a eue, comme moi, que de l'agressivité en retour. J'imagine que j'ai ma réponse sur la question d'Elena, Kaze ne me dit pas ses secrets.

Mais ce n'est pas comme si je m'y attendais.

- Vas-tu enfin me dire où nous allons?

On tourne vers le quartier riche du village. C'est l'endroit où les commerçants les plus fortunés ont leurs maisons. Je ne suis jamais venue dans ce coin du village.

- Nous allons chez un commerçant du nom de Vasilus Darnell.

Je le regarde, attendant plus de détails. Silence.

Ça suffit. Je prends son poignet en essayant de garder mon calme alors que ma peau se réchauffe sur la sienne. Il s'arrête, ses yeux déviant vers ma prise.

- Dis-moi qu'est-ce que qui ne va pas.

Je ne sais pas pourquoi je pose la question. On est au milieu du village, entourés de gens et d'oreilles inconnues qui pourraient lui attirer des ennuis. Pourtant, alors que je m'attends à sa colère, ses yeux s'adoucissent.

- J'ai besoin que cette soirée soit une réussite, alors n'insiste pas, s'il te plaît.

Je vois de la douleur dans son regard. Cette même douleur qui remplissait ses yeux lorsqu'il m'a menacé dans le dortoir lors de ma première journée à bord du Kraken. C'est sans doute par pure curiosité que je reste figée pendant quelques secondes, le poignet de Kaze dans le creux de ma main, son pouls rapide palpitant si fort que je pourrais croire qu'il fait des bonds.

On se sépare au même moment et continuons notre marche.

Nous aboutissons à une grande maison, ou plutôt à un château miniature. Le manoir en marbre doré est entouré d'un jardin. Une clôture dont les portes s'ouvrent grands à l'entrée sépare la maison du village. Quelques couples fortunés semblent se diriger le long du chemin menant au manoir. Plusieurs calèches se trouvent déjà en haut, indiquant la présence de plusieurs invités.

- Nous allons à une soirée?

- Pas exactement, tu vas à une soirée. Aucune chance de passer pour un invité, ils connaissent mon visage, mais pas le tien.

- Et comment comptes-tu entrer?

Alors que nous montons le chemin, il pointe l'entrée principale d'un mouvement de tête.

- C'est la seule entrée. Les fenêtres sont bloquées et doublement verrouillées de l'intérieur en permanence et la porte menant au jardin est gardée par une dizaine de gardes.

- Tu as déjà essayé d'infiltrer ce manoir?

Il serre la mâchoire en fixant une partie du manoir qui n'est pas éclairée.

- Oui, ça fait maintenant un an et rien de leur surveillance n'a changé.

Je me demande ce qui peut bien l'intéresser à l'intérieur. Si n'importe quel autre pirate se tenait à mes côtés, je dirais la richesse ou la vengeance, mais ce ne peut être le cas avec Kaze.

- Ils connaissent ton visage parce que tu t'es fait prendre?

On arrive près du dernier tournant du chemin menant au manoir. Kaze s'arrête en observant un couple qui passe à nos côtés. Il attend qu'il soit assez loin pour se tourner vers moi.

- Oui, mais ça n'arrivera pas aujourd'hui. Il n'y a aucun couple derrière nous et les calèches sont parties, nous devons faire vite. Tu dois divertir les gardes en te faisant passer pour Diana Longpré, une bourgeoise qui est invitée ce soir, mais qui ne viendra pas. Je passerai par la droite des marches et me faufilerai au dernier moment.

Je le fixe en silence. Comment sait-il qui est Diana et qu'elle ne viendra pas ce soir? J'éloigne toutes les mauvaises possibilités de mon esprit. Il ne lui aurait jamais fait de mal.

Puis je pense à son plan. Je pourrais très bien divertir les gardes et le laisser s'infiltrer par la droite, mais si un seul des deux gardes se tournent par hasard ou si Kaze fait un bruit, c'est fichu. Je lui dois ma promesse, mais c'est à mon tour de lui montrer mes talents. Il m'a montré sa force au combat hier, mais infiltrer un endroit c'est ma spécialité.

- Tu m'as montré tes habiletés au combat hier, laisse-moi te montrer les miens en tant que voleuse.