Chapitre 20: Mettre le cap

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Je cours vers le navire sur lequel je vois Gideon et Palin retirer la passerelle. Elena me regarde derrière le plat-bord, un sourire suffisant dansant sur ses lèvres. Elle ne va évidemment avertir personne de m'attendre. La passerelle est maintenant à la moitié de sa longueur, ne me laissant qu'un seul choix.

- Attendez !

Je saute sur l'une des poutres du quai puis m'élance vers la passerelle d'un bond qui fend l'air glacé de l'aube. Je pousse un soupir de soulagement alors que j'arrive, les deux pieds sur la passerelle qui commence à basculer sous mon poids. Je me dépêche à rejoindre le pont en gardant mon équilibre. Je saute sur le sol du navire, ignorant les bouches ouvertes des deux frères.

- Toute une entrée petite ! s'écrie Back en riant.

Je lui souris avant de voir que plusieurs ont vu mon entrée spectaculaire et me jaugent du regard. Tori et Elena semblent en colère que je ne sois pas tombée à l'eau lors de ma manœuvre.

Mes yeux convergent vers le pirate qui se tient près de la barre, les bras appuyés sur le bois du balcon du côté du pont. Il ne semble pas avoir raté mon entrée, tout comme la première que j'ai faite sur ce navire. Toutefois, il se garde de me défier cette fois, décidant de me saluer d'un léger mouvement de la tête avant de reculer vers la barre.

Kaze vient-il de me saluer ? Je souris tandis que je marche vers Back.

Les hommes se mettent à leurs tâches, ajustant les gréements de sorte à faire avancer le navire. Le village s'éloigne tandis que le navire chevauche les vagues.

- C'est bien d'être de retour en mer, me dit Back en prenant une profonde inspiration de l'air salé qui nous immerge.

J'acquiesce de la tête. Sur terre, les pirates sont des ivrognes, de dangereux visiteurs et des étrangers, tandis que sur la mer, ce sont des marins, de vieux samaritains et, plus important que tout, ils sont chez eux.

- Le capitaine veut te voir, m'annonce Back.

Bien, tout ce qui m'importe désormais c'est de savoir notre prochaine destination. Je devrai me rendre au royaume des voleurs, mais je doute que Ratcliff ne s'y rende très souvent. Néanmoins, l'un des pirates dans la boutique a mentionné que Barry, l'homme qui a récupéré la pierre des émotions, se rend au royaume des voleurs. Il est peut-être dans l'intérêt du capitaine de voler la pierre.

- Je dois m'y rendre à l'instant ?

- Oui.

Il m'envoie un léger sourire réconfortant, mais je n'ai pas besoin de réconfort, j'ai besoin de réponses et si je dois affronter le plus grand capitaine qui vogue sur les mers pour les obtenir, je le ferai sans hésiter.

Je me dirige donc vers la porte du capitaine qui est toujours gardée par un hideux pirate à la lèvre enflée. Ses traits semblent se déformer à ma vue, s'assemblant d'une manière anormale pour former ce que je suppose être un sourire narquois. Il m'ouvre la porte et j'entre dans le couloir menant au bureau du capitaine.

- Venez, m'ordonne Ratcliff lorsque je m'avance dans le bureau.

Il se tient devant sa carte, les mains appuyées sur la table de chaque côté du papier. Je me place de l'autre côté de la table en attendant ses instructions.

- Vous vous êtes déjà rendue au royaume de Sidas?

- Oui, deux fois.

Si nous nous rendons à Sidas, ce sera près du royaume des voleurs. Je pourrai quitter le navire pour me diriger vers le royaume des voleurs. La rencontre au quartier des sables est tout ce qui m'importe désormais. Sauf pour la pierre, si je réussis à faire ma part du marché avec Calyan, je pourrai utiliser la pierre du temps pour découvrir ce qui s'est passé lors de sa disparition. La magie m'effraie, mais elle peut m'aider.

- Nous allons nous y rendre et j'ai besoin d'y être dans quinze jours.

Quinze jours ! J'essaie de voir s'il se moque de moi, mais je repousse l'idée voyant le sérieux dont il fait preuve. Le royaume de Sidas est séparé par une mer entière et comporte bien des obstacles qui allongent le trajet et le compliquent.

- Quinze jours c'est presque impossible, mon capitaine.

Il frappe la table d'un coup violent qui me fait sursauter. Je garde ma main proche de ma cuisse sur laquelle mon poignard est rangé.

- Si je n'y suis pas d'ici quinze jours, vous subirez le supplice de la planche est-ce bien clair ?

Le supplice de la planche, le moyen de prédilection des pirates pour tuer une personne.

- Si j'étais vous, je ferais en sorte d'avoir atteint la terre d'ici là.

Je hoche la tête en tournant mon regard vers la carte. Quinze jours. Un voyage comme celui-là prend au moins 20 jours dans les conditions les plus favorables. Nous devrons utiliser le courant qui fait un léger détour vers le Nord. Dépendamment des vents, ça nous avancera d'un jour ou deux ou nous retardera d'une semaine, mais je n'ai pas le choix de prendre le risque. Nous pourrions traverser directement la région rocheuse près du continent de Sidas ce qui éviterait un détour, mais nous compliquera la tâche. Les gabiers devront m'aider à gérer les voiles pour profiter de chaque opportunité pour gagner de la vitesse.

- Voyez cette contrainte comme une épreuve et ne me décevez pas. Les conséquences vous seront mortelles. Le dernier cartographe n'y est pas survécu.

Mon sang se fige alors qu'il me fait signe de disposer. Je n'ai aucun mal à croire l'authenticité des paroles de Ratcliff. Je vais mourir si je ne réussis pas, mais je n'ai pas le luxe de la défaite. J'ai une mission plus importante qui m'attend.

- Attendez. Je veux que vous passiez un message à Rayid de ma part.

Je m'arrête sur le seuil de la porte.

- Dites-lui que Betty Brown n'a pas signé.

- Oui mon capitaine.


L'or de la piraterieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant