L'or de la piraterie

Chapitre 46: Rouge rubis

J'ai choisi une robe d'un rouge rubis si pur que je le confondrais avec celui de mon propre sang. J'ai soigneusement choisi cette robe dont le tissu laisse la majeure partie de mes épaules dénudées et dont les jupons remontent vers l'avant de mon corps juste assez pour me permettre de marcher voire courir sans m'y encombrer. Les manches bouffantes en mousseline caressent ma peau et laissent passer l'air frais de la soirée pour éviter que je ne me retrouve en pleine bouffée de chaleur une fois entourés de gens fortunés aux robes dont les jupons font cinq fois la largeur de la mienne. Je l'ai dénichée chez une commerçante, et j'ai dû la lui voler. Un regard sur le côté et c'est tout ce qui m'a fallu pour filer avec la robe.

J'y ai fait un petit ajustement par une dame du marché ce qui a requis un paiement, mais c'était abordable. Le noble ignoble qui osait insulter sa femme en public ne remarquera sans doute pas la disparition de quelques pièces d'or. Une poche intérieure a été ajoutée  sur la robe pour mon poignard et une différente pour la pierre du temps que je dois dissimuler.

J'ai passé la nuit à relire le papier que Calyan m'a donné, ayant enfin le temps d'essayer d'utiliser la pierre du temps. Il y a écrit les mêmes informations qu'il m'a dites tout haut. Elle nécessite une émotion pure, une émotion si forte que la volonté de revenir dans le temps doit être absolue. Mais même si je pense à mon père, à mon désir profond de le retrouver, de le savoir en sécurité, je ne réussi même pas à faire illuminer la pierre ne serait-ce qu'un peu. Je relis une dernière fois le message de Calyan.

Pour utiliser la pierre du temps, vous devez lui prouver que votre émotion qui vous motive est pure en vous laissant submerger par celle-ci.

Elle est imprévisible, vous pouvez imaginer le lieu, l'année et les éléments du moment auquel vous voulez revenir, mais elle ne le fera que lorsque cela vous aidera.

L'histoire ne peut être changée. Elle ne vous permet que de visualiser ce qui est du passé.

C.

J'essayerai à nouveau suite au bal si mon père ne s'y trouve pas. Pour l'instant, il est l'heure d'y aller et j'ai plus urgent à faire. Je sors de ma chambre et je rejoins les escaliers de l'auberge.

- Le cocher nous attend déjà depuis plus d'une dizaine de minute, dit la voix impatiente de Matix qui retentit alors que je pose mon pied sur la première marche qui mène vers l'entrée de l'auberge.

- Du calme le jeune, j'ai connu bien des femmes qui prenaient plus d'une heure juste pour enfiler leur robe.

Cette remarque vient de Gideon que j'entends ricaner à sa propre réplique.

- Une heure ? Mais que peuvent-elles faire pendant si longtemps, ce n'est qu'une robe.

- La robe doit être enfilée avec soin et patience. C'est un art en soi et plusieurs doivent s'assurer d'être la perfection incarnée sans un repli, juste assez serrée pour que les courbes soient visibles et tentent l'œil malicieux des hommes, tout en évitant l'indécence, dit Palin.

- D'où te vient autant d'information sur les robes, mon frère ? demande Gideon.

Je prends mon temps pour atteindre le premier pallier de marche. Je sais que quand j'atteindrai le coin, ils me verront et je me mentirais à moi-même si je disais que cela ne me rend pas nerveuse. La nervosité ne m'est pas familière et je remarque que mes jambes tremblent alors que je descends lentement, évitant de les avertir de ma présence.