L'or de la piraterie

Chapitre 26: Les yeux clos

Betty Brown.

- Garde ton équilibre, m'ordonne-t-elle d'une voix ferme.

Je me replace rapidement en analysant le navire sur lequel je me trouve. Les planches d'une propreté impeccable, les pirates aux visages familiers mouvant avec nervosité et la déesse parsemée d'or qui orne la proue. Aucun doute, je suis sur le navire de Betty Brown.

Je me souviens de ce moment. L'un des nombreux entraînements que j'ai eus avec elle. Puis je m'inquiète sur le combat que je menais contre la femme aux cheveux noirs. Si ce retour dans le temps est comme celui de l'auberge, mon vrai corps est toujours en combat et je risque de mourir.

- Maintenant, attaque-moi.

L'ordre me sort de mes pensées. Je fixe l'épée en petit format qui se trouve dans la paume de ma main. Je suis dans le corps de celle que j'étais il y a dix ans. La nervosité s'empare de moi alors que j'essaie de l'attaquer pour garder les apparences. Alors que je m'avance pour faire une feinte, ma jambe me trahit et je frappe avec un temps de retard. J'ai peut-être toujours mes pensées et mes connaissances, mais mon corps n'a pas la même coordination.

- J'ai besoin d'un équipage qui sait se battre. Tu ne cesses de me décevoir.

Elle recule en baissant son épée, signe que l'entraînement est terminé.

- Je sais me battre, dis-je avec plus d'assurance que la Ruby de neuf ans.

Elle crispe la mâchoire en m'observant.

- Tout ce que je vois, c'est une fillette avec de la peau sur des os. Bon, dégage de ma vue avant que je ne décide de te laisser au prochain port.

C'était sa menace favorite, et elle finissait toujours par se concrétiser pour certains, comme pour moi.

- Capitaine, vous avez reçu une lettre, dit le messager du navire qui arrive d'un pas rapide.

Le regard mauvais qu'il me lance me rappelle la haine que j'avais envers lui. Je dois trouver un moyen de revenir au présent. Peut-être si je fais exactement ce que j'ai fais ce jour-là.

- De qui vient-elle ? demande Betty d'une voix ennuyée.

Je me souviens vaguement de m'être éclipsé de la conversation, épuisée suite à l'entraînement, et surtout en colère contre moi-même de n'avoir pas satisfait les attentes de Betty Brown. J'étais encore loin d'être endurcie et protégé contre les opinions de ceux qui m'entouraient.

Je fais donc un pas pour m'éloigner.

- De Victor, mon capitaine.

Je me fige. Victor. Celui qui possédait la pierre du temps selon les propos de Lars dans la boutique.

Betty arrache la lettre avec une animosité nouvelle, puis s'éloigne en hâte pour disparaître derrière la porte menant à son bureau.

La pierre veut-elle me donner des indices ?

Je cours vers le bureau de Betty, mais je me plie en deux alors qu'une douleur insupportable me transperce les côtes. Je m'écroule, mais mes jambes ne touchent jamais le sol.