L'or de la piraterie

Chapitre 31: Fugitive à la dérive

- Tu es sûre de vouloir faire ça ? me demande Back en me tendant une fiole vide.

Le soleil se couche à l'horizon et le capitaine doit avoir fini de manger depuis un bon moment à l'heure qu'il est. Il ne tardera pas à se sentir somnolent. J'ai demandé à Back de me rendre un service il y a quelques jours. Je lui ai demandé de mettre le contenu de cette fiole dans le plat du capitaine puisque seul Ben et lui ont accès aux plats de ce dernier par mesure de sécurité. Je lui ai expliqué que c'était une substance qui mettrait Ratcliff dans un sommeil profond, mais temporaire. Il a accepté. Ça aurait pu être du poison et il aurait mis sa vie en danger sur le poids de mes propos. Il aurait été accusé de meurtre. Pourtant, il n'a pas hésité à m'aider.

Heureusement, dans le cas de la substance somnolente, Ratcliff ne remarquera pas qu'il s'est fait influencer par une substance pour dormir.

- J'ai besoin de quelque chose dans son bureau et je ne peux partir d'ici sans cet objet, dis-je.

- Très bien. Fais attention à toi petite, dit-il en soupirant.

Ses sourcils aux fins poils blancs se froncent d'inquiétude.

- Il ne se réveillera pas avant que le navire soit bien amarré au quai. Aucune chance qu'il ne me remarque, je réponds.

Sidas est visible à l'horizon depuis quelques heures et notre arrivée est imminente. L'équipage se prépare à amarrer et nous entendons les sons de cloches des églises de la côte.

- Je n'ai aucun doute de cette partie de ton plan.

Ah. Je vais partir et il le sait. Je n'aurai sans doute pas le temps de lui dire au revoir. Il sera là, mais avec les autres. Je devrai partir dans la foule, m'enfuir comme la fugitive que je suis.

- Je vais m'en sortir peu importe où mes pas me guident. Je l'ai toujours fait et regarde-moi, je suis toujours en vie, dis-je en me pointant, essayant de le rassurer.

- Toujours la femme confiante qu'on sous-estime. Tu feras une grande combattante. Au plaisir de te revoir, mais n'attends pas trop, je deviens vieux, dit-il en riant légèrement, ses yeux se remplissant de larmes.

Je me lance dans ses bras et il referme les bras autour de moi.

- Merci.

C'est tout ce que j'arrive à formuler avec cette boule dans ma gorge. Il me libère et je recule.

- J'espère seulement qu'on ne se reverra pas sur un champ de bataille.

- Je te laisserai un temps d'avance, c'est une promesse, dis-je en souriant.

- Marché conclu, dit-il.

Le soleil disparaît à l'horizon. C'est l'heure. Back le comprend aussi et se dirige vers le maigrichon qui garde la porte du bureau du capitaine. Il lui parle et l'amène plus loin, me laissant le champ libre. Je m'assure que personne ne passe proche quand je m'introduis dans le couloir obscur.

La salle est plus froide que la dernière fois. Je trouve le capitaine sur la grande chaise aux accoudoirs en or, le visage penché sur le côté, les yeux fermés. Plusieurs verres de rhum vides ne semblent pas l'avoir aidé à rester alerte. Je m'approche de lui et aperçois la pierre autour de son cou. En son centre, un livre ouvert aux reliures argentées est gravé. Je soulève la chaîne doucement en évitant les cheveux frisés du capitaine. Il ne bronche pas.

Ma substance a fait son effet. J'ai appris à concocter différentes potions avec mon père lors de mon enfance. Avec ses marchandises, c'était facile de connaître les ingrédients utilisés.

Je m'empare de la pierre sans problème et la place autour de mon cou où elle rejoint sa sœur. Le désir de poser une question est si fort que je n'arrive pas à détacher mes yeux de la lumière orangée qui sort de la pierre avant quelques secondes.