L'or de la piraterie

Chapitre 48: Allons voler un pirate

- Les pierres. Toutes ensemble, elles forment un cœur.

L'histoire du premier pirate que j'ai lu à la bibliothèque de Harbor me revient. J'aurais dû m'en rappeler. Le frère du premier pirate est mort, tué par ce dernier et son cœur s'est changé en pierre pour ensuite se diviser en six pierres magiques.

- J'ai lu l'histoire sur le premier pirate et son frère dans un livre à Harbor. Alors c'est vrai, toutes ensemble elles sont le cœur d'un humain, dis-je.

Kaze hoche la tête, mais semble sur le point de rajouter quelque chose, mais se ravise.

Un homme qui parle fort près de Lars me déconcentre. Il semble raconter une histoire à un couple. À voir ses gestes extravagants, ce n'est pas un homme taciturne. Il ne pourrait pas baisser le ton un peu ? S'il continue, Lars lui-même va aller le menacer.

Lars se tourne alors pour prendre son verre de liquide marron virant vers le noir tout en lançant un regard désapprobateur vers l'homme loquace et c'est à ce moment que j'aperçois, pendant une fraction de seconde, un objet qui fait lever légèrement sa chemise noire sous sa veste de cuir.

- Sa hanche droite, je chuchote.

Kaze regarde dans la direction et acquiesce.

- Parfait, espérons seulement que c'est bien la pierre des émotions.

La pierre des émotions peut être dérobée, mais la pierre des rêves, étant une pierre à usage unique, ne peut être prise qu'après que son porteur ne l'ait utilisée et nous n'avons aucune idée si Lars s'en est servie.

Si nous échouons... Non c'est trop risqué. Il doit forcément y avoir un moyen de pouvoir vérifier. Le personnage loquace s'exclame vivement sur une histoire d'un marchand qui lui a vendu deux fois le prix d'un objet. Il est si frustrant, comment je peux réfléchir avec cet homme dans les parages ?

Puis, une idée s'incruste dans ma tête et je la saisie.

- Nous n'avons pas le droit à l'erreur, attends, dis-je à Kaze.

- Une autre de tes idées improvisées ? Comme celle qui t'as poussé à donner une bourse d'or à des enfants ou celle qui t'as convaincue à jouer un rôle avec moi pour rentrer dans un manoir ?

Si je n'étais pas si concentrée à planifier mes prochains mouvement pour voler la pierre, j'aurais sans doute mieux remarqué le léger sourire que son visage laisse paraître, comme s'il se remémorait les moments dont il parle.

- Je sais que tu les aimes mes idées, ne dis pas autrement. Je sais discerner les menteurs aussi bien que les voleurs, je rétorque en lui lançant un regard de biais.

Je cherche le liquide marron provenant du verre de Lars sur la table qui nous fait face et m'en verse un verre une fois que je l'ai déniché parmi la multitude de bouteilles qui s'y trouvent.

- Je suis curieux de voir ce que tu vas faire avec ce verre, dit Kaze en levant un sourcil.

- Observe et apprends, dis-je.

Puis je m'élance vers ma victime, qui est presque dos à dos avec Lars. Il en est rendu à parler du nouveau servant qu'il a engagé dans les derniers jours quand je bois une gorgée du liquide qui empeste l'alcool et que je lui crache sur la nuque. J'ai été assez silencieuse pour que Lars n'entende pas et que personne ne me remarque. Je file en contournant Lars et les invités sur mon chemin en m'assurant d'éviter d'attirer son attention. Comme prévu, l'homme se tourne, le visage déformé par la colère et l'indignation. Il fixe Lars qui, en étant droit derrière lui, est le suspect le plus évident. Il le regarde des pieds jusqu'à la tête, semblant encore hésitant.

- Excusez-moi monsieur..., dit l'homme en s'adressant à Lars.

Lars se tourne vers l'homme, son verre à la main, ce dernier objet attirant rapidement l'attention de ce dernier. L'homme explose alors de rage en lâchant des jurons tout en accusant Lars d'insolence. L'homme qui discutait avec Lars semble tout aussi choqué par la situation ce qui me laisse me faufiler derrière eux en feignant l'intérêt également. Les hommes de Lars entourent le bonhomme qui bouillonne de rage. La faible lumière jaune qui émane de sa poche me confirme qu'il s'agit de la pierre des émotions. Je m'approche lentement de son manteau en regardant au-dessus de l'épaule de Lars l'homme lancer ses insultes sans réfléchir. À quiconque derrière moi, je ne fais que regarder la scène. Mais à quiconque attentif à mes moindres gestes, il verrait mes doigts descendre vers la veste de cuir, se faufiler à l'intérieur, frôlant à peine l'étoffe de cuir jusqu'à la poche qui y est cachée et m'y plonger pour en ressortir avec la pierre jaune. Je recule et je constate, satisfaite, que personne n'a remarqué mon vol. Personne sauf Kaze j'en suis sure.

Je contourne la foule alors que j'entends Lars, dont la voix montre clairement son irritation, expliquer son innocence.

Je dois avouer que j'ai misé sur la chance. Je n'avais aucune certitude que la pierre allait s'illuminer ni si Lars allait ressentir qu'elle s'éloignait. Je retourne vers le bar de boissons, le regard baissé.

- Tes talents sont terrifiants, dit Kaze.

- Et encore, c'était plutôt facile, dis-je en haussant les épaules.

Une partie de moi saute de joie à l'idée que Kaze ait été impressionné. Il y a quelques temps encore, son opinion n'aurait pas pu été plus insignifiant. Une lueur de plaisir danse dans ses iris marrons. Il sait l'effet que ses paroles ont sur moi, ce qui le rend encore plus agaçant.

Il y a à peine quelques jours, il m'a dit que je n'étais rien de plus qu'un moyen d'arriver à ses fins, un outil pour retrouver sa sœur. Que tous nos moments ne signifiaient rien. Mais je sais que tout cela est faux désormais. Je le sais parce que la détresse qu'il a ressenti lorsqu'il sentait qu'il perdait le contrôle, je l'ai ressentie par moments au cours de ces dernières années aussitôt que je m'attachais à quelqu'un. Mieux vaut rester seuls et ne pas s'attacher.

Peut-être ai-je eu tort.

- Maintenant, il faut trouver la pierre des rêves, dis-je à voix basse.

- Mon père l'a aperçue un jour, et quand il en a parlé au roi, il l'a décrite comme étant la plus minuscule des pierres avec une couleur violette. Le roi, toutefois, avait reçu des informations complètement différentes des autres capitaines sous ses ordres et il était fou de rage. Mon père s'est fait virer de son titre de capitaine pour presque un mois sous accusation de mensonge, dit Kaze.

Des couleurs différentes, des formes différentes.

- Elle change son aspect physique en fonction des gens qui la regardent, dis-je.

Kaze hoche la tête en fixant Lars qui maintenant chuchote à l'oreille de l'homme bavard. Le visage de ce dernier se déforme en ce qui ressemble à de la terreur. Si Lars ne peut pas lui faire du mal voire le tuer lors de ce bal, rien de l'empêche de lui assurer qu'il le fera par la suite.

L'homme se tait un instant avant de se lancer dans un monologue d'excuses. Lars roule les yeux et se tourne à nouveau vers l'homme avec qui il parlait précédemment. Mon regard reste attiré vers ce dernier. Rien dans son habit ni son physique n'est anormal pourtant. Il est de biais, mais je ne reconnais pas son visage. J'ai néanmoins l'étrange impression que je l'ai déjà vu. Il est probablement un membre d'un des équipages dont j'ai fait partie.

- Le rouge de ta robe est tout à fait exquis, dit une voix dans notre dos.

Je me tourne vivement en baissant la main sur le poignard de Kaze caché dans les étoffes de ma robe.