L'or de la piraterie

Chapitre 12: Un cœur généreux

- Dernière chance Williams.

Matix l'avait appelé ainsi sur la passerelle l'autre jour.

- C'est drôle, j'allais vous dire la même chose.

C'est à ce moment que les hommes s'élancent, leurs épées pointant vers Kaze. Il s'avance vers eux, sans presse et évite de justesse l'attaque du barbu qui était le premier arrivé. Je dis de justesse, mais chaque mouvement qu'il exécute est détendu et semble avoir été calculé avec précision. Il bloque l'attaque du second attaquant en même temps de se pencher, évitant un troisième homme. Il attaque ensuite à son tour en touchant la côte d'un homme, la joue d'un autre, la jambe, le bras, l'épaule. Ses attaques, toujours aussi puissantes, se coordonnent avec le mouvement de ses adversaires. Ils ne tuent aucun d'entre eux, ils les désarment ou les blessent assez profondément pour les obliger à abdiquer.

À chaque seconde, je veux m'avancer pour l'aider, mais la scène est si impressionnante que je reste immobile, mes jambes refusant de bouger. Je comprends alors pourquoi tout le monde vante ses louanges. L'ardeur qu'il utilise, c'est la même que j'utilise. Celle du désespoir, d'une personne qui n'a plus rien à perdre. Je me rappelle alors les paroles de Back. « Il a vécu bien des choses, des choses bien plus horribles que tout ce que tu peux imaginer. Il connaît l'honneur et la bonté, mais il s'en est éloigné il y a bien longtemps. »

Kaze désarme le dernier homme qui recule d'un pas rapide, cédant la victoire. C'est alors que Kaze relève la tête, les cheveux emmêlés et la sueur perlant son front. Son regard brûle d'une intensité que je ne lui ai jamais vu.

Il ne m'attend pas avant de sortir. Je m'empresse de le rattraper en sortant à mon tour.

- Alors tu ne mentais pas. Tu es plutôt pas mal, dis-je, essayant d'alléger l'atmosphère chargée de tension.

Je crois réussir quand, lorsque je le rejoins en bas des marches menant à la taverne, ses yeux reprennent leur lueur humaine que je lui connais.

- C'est un compliment? demande-t-il en haussant un sourcil.

- Probablement le seul que tu auras, dis-je en reprenant mon ton haineux

Malgré l'irritation que je lui montre, je suis soulagée de voir que le combat ne l'a pas trop ébranlé.

Mais pourquoi ça devrait me préoccuper?

- Tu peux retourner voir ton Lars, je vais aller à l'auberge de l'équipage. Merci de m'avoir sauvé la vie. Je tiendrai parole, je t'aiderai demain soir.

Alors que je commence à marcher sur la route, il se joint à mes côtés en sortant une pièce d'or dans sa main. Il la passe entre ses mains si vite que je n'aperçois que la trainée dorée qu'elle laisse derrière elle.

- Lars attendra. Après notre petite escarmouche avec les ivrognes, il ne s'attendra pas à me voir de sitôt.

- Alors tu me suis?

Il tourne le regard vers moi, puis ses yeux descendent vers mes lèvres.

- Pourquoi? Tu as peur de moi?

Sa voix devient plus grave tandis qu'il relève les yeux vers les miens. Le sang bouille dans mes veines. Évidemment, il est hors de question de lui montrer l'effet qu'il a sur moi.

- Il te faudra faire beaucoup plus d'efforts pour m'effrayer et me forcer à quitter le navire de mon plein gré.

Il serre la mâchoire et je lui lance mon sourire le plus provocant que j'ai en réserve. On détourne les yeux les deux en continuant notre marche dans le village. La noirceur nous entoure alors que seule la faible lumière orangée des lanternes accrochées aux porches d'entrée des maisons nous illumine. La route est vide mis à part les rares passants qui se promènent. Nous passons alors devant une ruelle où je discerne deux enfants affaissés au sol. Je ralentis en voyant leurs vêtements déchirés et leurs blessures aux bras. Ils ne portent aucun soulier et ne semble avoir aucun objet avec eux. La tête du jeune garçon est plongée dans le creux de l'épaule de la jeune fille. Leurs cheveux blonds si semblables me laissent supposer qu'ils sont frères et sœurs.