L'or de la piraterie

Chapitre 23: Rester

Je ferme les yeux. J'essaie de me rappeler le crépuscule orangé qui flottait sur l'océan, le navire qui se dirigeait vers le quai, le bruit des vagues qui touchaient mes pieds et le sable doux et chaud sous mon corps. Chaque odeur, chaque son et chaque sensation dont je me rappelle, je me l'imprègne.

Rien.

J'ouvre les yeux sur la pierre dans mes mains. Je suis cachée sous les couvertures de mon lit, de sorte que personne ne peut l'apercevoir.

La pierre ne réagit pas à mes pensées. J'ai essayé de lui chuchoter, de rêver au souvenir, de frotter la pierre en même temps, en vain.

Si je pouvais la faire fonctionner, je n'aurais pas à trahir Kaze avec Calyan, ni à me rendre au royaume des voleurs, voyage qui s'avère dangereux. Ce n'est pas le royaume le plus sûr. Malgré que je suis consciente que mes compétences de combat me garderont en vie, la pierre serait l'option la plus efficace et la plus rapide.

J'essaie à nouveau. Je m'imagine le souvenir avec Saphir dans le kiosque qui mange les carottes que mon père lui tend. Je me souviens du sourire qui se dessinait sur son visage ce soir-là.

Rien.

Je grogne en rangeant la pierre derrière ma chemise et me lève d'un bond. De toute façon, il doit bientôt être sept heures.

Kaze est toujours endormi, ses yeux paisibles et son bras innocemment placé derrière sa tête. Il est torse nu, mais la chaîne n'y est pas. Je me demande où il la cache lorsqu'il dort.

- On prend plaisir à me reluquer ?

Je sursaute avant de rouler les yeux en soupirant.

- Je suis une voleuse, pas une de ces filles collantes autour de toi dans la taverne.

Ma réplique est bien trop précise, je regrette immédiatement mes mots. Comme je le craignais, il sourit en ouvrant les yeux vers moi.

- Alors tu m'as observé aussi dans la taverne. Intéressant.

Son humeur moqueuse apaise la frustration que la pierre a su lever en moi.

- Garde tes pensées obscènes pour toi, tu m'as promis un entraînement alors lève-toi.

Je m'empare alors de mon épée qui est accrochée près du lit en ignorant volontairement sa réaction face à ma réplique.

L'air frais de la matinée me donne des frissons alors que je pose les pieds sur le pont. Le soleil se lève à l'horizon et les vagues sont presque inexistantes. Le climat parfait pour un entraînement. On devrait atteindre le courant du Nord en fin d'après-midi, ce qui va compliquer la stabilité du navire dans les prochains jours.

- On se lève tôt.

Back m'envoie la main de la barre et je lui renvoie le geste. Mis à part Back et quelques gabiers, personne ne nous dérangera pour notre entraînement.

J'attends quelques minutes près du plat-bord à regarder les vagues douces défiler. Je sursaute alors qu'un dauphin saute hors de l'eau pour ensuite y replonger dans une grâce spectaculaire.

- Ces créatures me suivent partout ! s'écrie Back d'un ton affolé, semblant avoir remarqué la créature.

- Tu as peur des dauphins ? je demande.

Il secoue la tête, toujours positionné derrière la barre, mais ses traits semblent dire le contraire. Je retiens mon rire pour ne pas l'insulter.

J'aimerais pouvoir être libre comme ces créatures, voyager pour l'aventure et les découvertes. Je voudrais m'enivrer de toutes les odeurs, de chaque victoire et me lancer, aveugle, vers l'inconnu sans remords ni regrets. Mais je dois retrouver mon père d'abord.