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Sam

    Mauvaise idée. Vraiment une très mauvaise idée.
     Je ne sais même pas pourquoi j'ai accepté et plus je me demande ça, moins je trouve de réponse. Comme si j'avais que ça à foutre d'aller rendre un ordinateur à un mec que je ne connais ni d'Eve, ni d'Adam. Bon techniquement, j'ai rien de mieux à faire mais même ne rien branler me conviens plus que ça. Je me lamente en silence en restant le plus impassible possible.

     Je jette un coup d'œil à Julien qui conduit à côté de moi, les yeux rivés sur la route et la musique qui résonne en fond dans l'habitacle. Lui et moi, on ne se connaît pas plus que ça. Je sais qu'il est dans le club de théâtre et que sa meuf habite à deux heures de chez lui. C'est les seules informations que j'ai sur lui – si on exclut le fait qu'il connaît visiblement Gautier et Lia.

    Quand il arrête la voiture et se tourne vers moi, je crois d'abord qu'il s'apprête à me découper en morceaux pour laisser mon corps au bord de la route. Parce qu'il ne s'arrête pas dans une parfaite rue pavillonnaire avec milles maisons, non. Il s'arrête en plein milieu d'une route en pente qui laisse s'étendre à perte de vue... rien. À part quelques arbres, je ne vois que le fait qu'on est pris de longues routes sinueuses et montantes pour arriver là.

     Il me fait un signe de tête pour m'obliger à tourner la tête vers ma vitre. Et c'est là que je vois le grand manoir noir qui s'élève derrière un grand portail aux barreaux pointus. Je cligne des yeux et crois même apercevoir un corbeau passer au-dessus du toit sombre.

    - Hum, t'es sûr que c'est bien là qu'il habite ? m'assurais-je en me tournant vers Julien
    - Qui d'autre pourrait habiter là ?
    - Je sais pas moi. Dracula ?

     Il rit franchement et je me contente de le fusiller du regard. Aucun humain psychologiquement stable habite dans ce genre d'endroit.

     - C'est vrai que de l'extérieur c'est pas très accueillant mais pour y avoir passer quelques soirées, je t'assure que l'intérieur est incroyable.
     - Super, ça me fait une belle jambe.

     Il lève les yeux au ciel et je finis par ouvrir la portière. Je remet mon sac à dos sur mes épaules alors que l'ordinateur de Gautier se trouve à l'intérieur. Julien me fait un signe de main avec de repartir comme prévu et...
Attendez une minute. Comment je rentre chez moi ?
     Je me décompose alors que le silence qui m'entoure me fait frissonner. Putain, comment je n'y ai pas pensé avant ?! Je me frappe le front avec ma main plusieurs fois en grognant. Après avoir tourner en rond quelques minutes en prenant conscience de la situation, je finis par me résoudre.
     J'espère que Gautier sera là et que pour me remercier de ma bonne action de l'année, il se dévouera pour me ramener chez moi. Parce qu'il est hors de question que j'appelle mon frère. Jamais. Je préférerais rentrer à pieds que de lui demander de venir me chercher. Et si Gautier n'est pas là, c'est ce qu'il risque d'arriver.

     Je me tourne vers les deux grandes portes en fer forgé du portail qui doivent faire le double de ma taille. Je cherche un interphone ou une caméra pour signaler ma présence et m'approche d'un piler en pierre surmonté d'une petite statue.
     J'appuie sur la sonnette et attends en me dandinant. Je soupire lourdement au moment où le portail fait un drôle de bruit. Mon sursaut est suivi du grincement lugubre que fait le portail lorsqu'il s'ouvre lentement. Je jette un petit coup d'œil autour de moi – à l'afflux d'un vampire caché dans un buisson.
     Je passe le portail et remonte la grande allée dégagée par deux rangés symétriques d'immense arbres. Les graviers sous mes baskets sont le seul bruit aux alentours – en excluant les corbeaux. Je marche un petit moment avant de m'arrêter devant la grandeur de la bâtisse. Moi qui trouvais ma famille riche.

CompliceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant