Complice

31

Sam

Je suis énervé. Et triste. Et j'ai l'impression d'avoir tout foiré. Enfin, non, c'est pas une impression.
J'ai tout foiré.

Comme me l'a déjà dit Simon, ça ne sert à rien que je ressasse ce qu'il vient de se passer. Je dois d'abord me calmer, réfléchir et après j'irais m'excuser et discuter avec mon frère. En attendant, je ne suis pas en état pour avoir une conversation mature avec lui. Je pense que James aussi n'est pas encore prêt à ça. Je ne sais pas ce qu'il va dire à notre père et Thomas quand il va rentrer – s'il rentre.

J'ouvre la porte de l'appartement et Simon referme derrière moi. Je m'avance vers le salon et observe le couloir qui donne sur les chambres et la salle de bain. À travers la baie vitrée qui donne sur le balcon, je peux voir la météo catastrophique qui se déchaîne sur la ville.

Je lève mes bras vers le haut en m'étirant alors que mes habits me collent à la peau. Le regard insistant de Simon sur moi attire mon attention et je me tourne vers lui. Il reste silencieux, ses yeux gris ancrés dans les miens, alors qu'il est appuyé contre le mur.

- Un souci ? ajoutais-je en relevant un sourcil
- Oui. Tu sens la clope.

J'attrape le col de mon sweat et le sens en fronçant mes sourcils.

- Ah bon ? m'étonnais-je
- Mh.
- Je vais me doucher, je te pique des affaires.

Il n'ajoute rien et je fouille quelques secondes dans son armoire avant de m'enfermer dans la salle de bain. C'est quelque chose que je n'ai jamais compris avec Simon. Il fume de manière assez régulière, l'odeur ne le dérange évidement pas. Sauf quand c'est moi qui sent la cigarette. Je n'ai jamais posé la question, je me demande même si ça le dérange avec tout le monde ou juste avec moi. Ce qui est sûr c'est qu'il déteste sentir la cigarette sur moi.

Après ma rapide douche – qui détend mes muscles et calme mes pensées – je me sèche les cheveux après m'être habillé. En fin de compte, lorsque je sors de la salle d'eau, je ne sens plus du tout la cigarette. Je sens comme Simon.

Je rejoins le brun dans le salon et un sentiment plaisant m'envahit quand je l'aperçois installé dans un fauteuil avec sa guitare sur les genoux. Normalement, elle repose dans un coin de sa chambre, enveloppée dans une légère couche de poussière qui témoigne de son abandon.
C'est un instrument acoustique de taille moyenne. Le bois, autrefois brillant, a pris une teinte plus douce et plus chaude avec le temps, chaque éraflure et chaque entaille racontant une musique. Aussi cliché que ça puisse être, je crois que c'est un talent qui m'a fait définitivement craquer pour Simon quand on était plus jeune.

Il relève la tête sur moi alors qu'il accorde sa guitare avec soin, les gestes toujours précis malgré la rouille apparente sur les cordes. Je m'installe dans le canapé en face de lui en ramenant mes jambes contre mon torse. Je pose mon menton sur mes genoux en l'observant.

- Ça fait longtemps que tu n'as pas joué, remarquais-je
- Je sais... je me sens pas vraiment inspiré ces derniers temps.

Finalement, les premières notes d'une mélodie douce et apaisante emplissent l'espace. Je sens mon cœur se serrer, non pas de tristesse cette fois, mais d'une tendresse profonde que j'avais oublié. La musique de Simon est empreinte d'une mélancolie qui reflète parfaitement ce qu'on ressent tous les deux. Mais il y a aussi une beauté sereine dans chaque accord, une promesse de jours meilleurs, de paix retrouvée.

Je ferme les yeux, laissant la musique me submerger. Je sens la tension de ces dernières heures s'évanouir, remplacée par une chaleur réconfortante. Chaque note jouée par Simon semble me murmurer des mots d'encouragement, des promesses de soutien et de présence.