Chapitre 20 : Avant de devenir chasseuse

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Un sort post-mortem. 

J'ai été idiote, j'aurais dû le prévoir, c'était évident qu'il avait un plan. Mais les sorts post-mortem ne sont utilisés par personne, vraiment personne. 

La magie fonctionne par principe d'échange équivalent. Plus un sort magique est puissant, plus son utilisateur doit sacrifier une partie de sa force magique. Mais les réserves magiques se reconstituent seules avec le temps, avec du repos. 

Moi, ayant des réserves magiques faibles depuis ma naissance, je serais à jamais incapable de lancer des sorts surpuissants. L'épée que Diego m'a donné me permet de constamment me battre en volant une partie de la magie de ceux touchés par ma lame. 

Mais, pour ceux qui refusent cette possibilité, ou ceux qui veulent simplement être plus fort, il existe un autre moyen, les sacrifices physiques. Certains sorts, les sorts maudits permettent de sacrifier une partie de son corps pour lancer un sort puissant, un doigt, un bras, et visiblement, lui, sa propre vie.

Je ne me suis pas échappé de son monde, le monde est en train de s'écrouler, comme un miroir se brisant pour ne laisser qu'un espace ou je suis resté coincé. 

Je ne peux qu'observer le monde disparaître et puis, plus rien. Son monde s'est remplacé par un espace noir ou rien n'existe, et où je suis coincé. 


L'obscurité m'enveloppe, et je me retrouve dans un vide sans fin. Les échos lointains du monde que j'ai quitté s'estompent lentement. Je réalise que ce sort post-mortem a eu des conséquences inattendues. Mon existence semble suspendue dans cet espace éthéré, entre la réalité et le néant.

Je m'interroge sur la nature de cette magie noire et sur la raison pour laquelle il a choisi de se sacrifier de cette manière. La puissance magique dégagée par un tel acte doit être colossale, mais à quel prix ? Quelles forces obscures ont été déclenchées par cet ultime acte de désespoir ?

Dans ce néant, je ne peux que réfléchir à mes propres choix, à ma vie marquée par la magie et les conflits. Diego et son épée m'ont offert une opportunité unique, mais cela m'a également exposée à des dangers inimaginables. J'aurais dû être plus prudente, anticiper les manœuvres de ceux qui manient des magies interdites.

Alors que je flotte dans cet espace sans repères, je me demande s'il existe un moyen de retrouver une forme de réalité, de revenir à ce que j'ai laissé derrière moi. La magie a toujours été un double tranchant, offrant des possibilités infinies mais également semant le chaos et la destruction.

Mon esprit vagabonde dans l'obscurité, en quête de réponses, de solutions. Peut-être existe-t-il un moyen de défaire ce sortilège, de trouver une issue à cet entre-deux mystique où je me trouve. 

Normalement, j'aurais paniqué, j'aurais pleuré, j'aurais craqué, mais je sais bien que Diego va venir me chercher, j'ai confiance en lui.

Alors j'attends simplement. 

L'attente dans cet espace indéfini semble éternelle. Le temps perd son sens, et chaque moment s'étire comme une éternité. Cependant, je garde confiance en Diego. 

Dans l'obscurité, mes pensées s'entremêlent, et je repasse en revue les événements qui t'ont conduite à ce point. Je voulais juste lui acheter un cadeau...

Une lueur d'espoir apparaît finalement, l'espace noir se brise et je reviens la réalité. 

Diego se dresse devant moi, son torse dénudé exhibant des traces de bataille. Mon regard explore sa peau chauffée par l'effort, recouvert de sang rouge bordeaux recouvrant l'entièreté  de son corps jusqu'à son jean bleu couvert de liquide rouge, tandis que son regard, d'un rouge brûlant, semble renfermer une colère si intense qu'elle pourrait embraser le monde entier. De longues canines s'échappent de sa bouche, signe qu'il vient de se transformer en loup-garou. 

Je murmure nerveusement et me relève doucement avant de remarquer la pile de cadavres derrière, nous nous tenons tous les deux dans une immense marre de sang entouré de cadavres démembrés. 

Il pose un genou à terre, et prend mon menton entre les doigts de sa main droite. Son regard s'apaise doucement. Je crois que je commence à comprendre. 

- Je suis resté coincé combien de temps ? 

- Un peu moins d'une vingtaine de jours, il répond, j'ai fait du mieux que j'ai pu, j'ai cru...

- Ça va, je lui réponds, pour moi, ça n'a duré que quelques secondes. 

- Je suis désolé, il me répond avant de me serrer dans ses bras, tellement fort que j'ai peur d'étouffer. 

- Ça va, je te promets que ça va...

*******

Maman m'avait préparé un thé, enfin, elle avait d'abord passé une heure à hurler et à pleurer parce que, selon elle, j'avais été imprudente et téméraire. 

Ces mots étaient les suivants : " Comment tu as pu me faire ça, tu aurais pu mourir parce que tu t'es montré téméraire et stupide ?"

Elle pleurait, et ma mère n'était pas le genre de femmes à pleurer, et même si ses mots étaient violents et qu'elle ne m'avait jamais parlé ainsi, je ne pouvais comprendre la douleur d'une mère pensante avoir perdu définitivement sa fille.  

Avec une nervosité palpable, mes yeux s'attardaient sur les teintes complexes de vert qui infusaient délicatement le thé préparé avec une tendresse maternelle, tandis que mon regard suivait avec une fascination presque hypnotique la danse gracieuse de la fumée blanche s'échappant de la tasse.

Je me perds dans les reflets d'un thé vert, je deviens complètement folle, je suis resté coincé trop longtemps. 

- Maman, j'ai perdu près d'un mois de ma vie, et l'examen est dans moins de deux jours. Je ne suis pas aussi forte que je l'aurais espéré...que Diego l'aurait espéré...

- Diego, elle murmure, quand tu as disparu, j'ai eu peur, et je me suis défoulé sur lui. 

Je relève les yeux, perplexe, sans comprendre le "je me suis défoulé sur lui".

- Je l'ai giflée, vraiment très fort. 

Je lâche un petit cri. 

- Il m'en a pas parlé, de cette gifle, enfin, on n'a pas vraiment parlé depuis que je suis revenu. Mais Maman, ne fais pas ça, Diego...n'est pas du genre à prendre ce genre de choses bien. 

Elle hocha simplement la tête, elle-même qui l'avait qualifié de criminel et qui, lorsque je lui avais annoncé notre relation, n'avait cessé de me remémorer qu'il était le fils du plus grand criminel français. Tout ce que je voulais maintenant, c'était parlé avec Diego. 



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