Chapitre 33 : Frères

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DIEGO


Miguel, mon petit-frère, était là, dans le salon, un joint entre les lèvres, son regard perdu dans les méandres de la télévision. Son visage était figé, comme si son esprit était ailleurs, loin de la réalité qui l'entourait. Je l'observais en silence, me demandant ce qui pouvait bien lui passer par la tête à cet instant précis.

Enfin, je savais bien, j'ai tué Papa, qu'il prenait pour son héros, et révélé les pratiques qu'ils m'avaient fait subir pendant si longtemps pour tenter de ressusciter Maman. Maintenant, voile était tombée, et l'image du "héros" qu'il avait en tête s'était complètement effondré.

La douleur et la confusion se lisaient sur son visage, comme s'il était incapable de comprendre la réalité de ce qui s'était passé.

En réalité, Papa avait bien gardé ses petits secrets, et même moi, j'avais tout oublié, alors, il n'y avait personne à blâmer, juste lui, et maintenant, il était mort.

Je m'approchais de lui, il leva les yeux, sans un mot et me tendit un joint naturellement, sans aucun mot.

Je n'étais pas doué pour parler, et lui non plus, visiblement, tout ce qui restait, c'était un putain de silence gênant.

Mes yeux se posèrent instinctivement sur les motifs décorant mes mains. Je n'y étais pas allé de main morte, d'abord mon bras gauche dans son entièreté et puis, mon dos, couvert d'encre noir.

Quand on commence, dur de s'arrêter.

L'odeur de beuh a rempli l'appartement. Mes muscles se détendent alors que j'inspire nerveusement la fumée. J'ai perdu l'habitude depuis que je suis devenu chasseur.

Je restais toujours immobile quand je sentis sa tête se poser sur mon épaule. Un frisson étrange me parcourut. Je n'avais jamais vraiment été un bon « grand frère », je m'étais éloigné sans vraiment savoir pourquoi, et lui, avait suivi les pas de mon père.

Javier est parti en premier, il est devenu policier, tout en établissant une meute de milliers de loups dans Paris. Moi, j'ai rapidement approché pour devenir chasseur au vu de mes pouvoirs et de ma quasi-immortalité. Et Miguel est resté près de Papa, peut-être pour devenir le prochain « parrain », je ne sais pas vraiment.

Mais maintenant, il se tenait là, sa tête posée contre mon épaule.

- J'ai longtemps pensé que je n'étais pas humain, j'étais incapable de pleurer, je ne sentais pas grand-chose, à part la colère occasionnellement...

Il tourne les yeux vers moi.

- Et maintenant, j'arrive à pleurer quand le cœur m'en dit, mais j'ai l'impression d'être devenu plus faible, plus émotif, moins calme qu'avant...et ça, depuis que j'ai buté Papa, enfin non, depuis que j'ai retrouvé mes souvenirs.

Il souffle lourdement avant de s'enfoncer dans son siège.

- On ne se connaît pas vraiment, il murmure, on est frères et pourtant, on est des inconnus, l'un pour l'autre. Tu as toujours été froids, distant, inaccessible, froid, insupportable, je t'ai toujours détesté.

Mon cœur me brûle, avant, je n'aurai rien ressenti en entendant ça, mais, à présent, ces mots faisaient mal...

- Parce que tu contrôlais mieux tes émotions, que tu pouvais tuer sans trembler une seule seconde, sans pleurer ou avoir envie de vomir. Pourquoi fallait-il que tu sois toujours plus fort que moi !?

- Je comprends, je murmure, tu me hais ?

Il fait non de la tête.

- J'étais juste jaloux, un ado jaloux, un gamin jaloux de son grand-frère qui le surpassait dans tous les domaines qui recherchait l'affection d'un père qui attendait le retour d'un fils qui ne souhaitait pas revenir, j'étais toujours derrière...à ses yeux... alors que j'étais resté.

Dévore-MoiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant