Chapitre 31 : Le sentiment d'être humain

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LUCY


Diego se mettait rarement en colère, même sa colère restait contrôlée. Il n'était pas du genre à exploser de rage. 

Alors voir cette lueur dans ces yeux était presque douloureux, j'avais mal, mal qu'il souffre de cette manière, mal que ce monde ait été aussi cruel avec lui. Si j'avais une chance, je jure que jamais, je ne laisserais pas souffrir. 

Ils ont passé un long moment à discuter, et moi, je suis sorti. Peut-être étaient-ce des affaires de mafia, des meurtres, des compétitions avec d'autres branches de la pègre, des trucs qui ne m'intéressaient pas particulièrement. Je ne voulais pas forcément. 

J'en suis certain, il existe un monde où Diego pourra être heureux. 

Et avec moi, je l'espère. 

Je m'arrête sur le balcon pour observer, en contrebas, les mafieux qui vaquent à leurs occupations. Je me demande s'ils sont heureux, si c'est le genre de vie dont ils ont rêvé. Je me demande si le père de Diego regrette. Au fond, à quel point devait-il l'aimer pour faire souffrir son enfant autant, quel genre d'amour devait-il ressentir ? 

Moi, je veux juste aimer et être aimé, je ne veux pas faire souffrir, mais si Diego mourait, si je ne l'avais plus, peut-être que tous mes efforts perdraient leurs sens. 

Je passe nerveusement ma main dans mes nattes et lève les yeux pour observer le soleil qui brille et brûle ma peau. 

Une seule seconde s'écoule, une infime fraction de temps où mes paupières se rejoignent pour former un bref instant d'obscurité. Puis, dans un fracas assourdissant, une explosion gigantesque éclate, déchirant l'air et projetant des débris dans toutes les directions. La villa, autrefois majestueuse et imposante, est maintenant réduite en cendres, consumée par les flammes voraces qui embrasent le ciel nocturne.


Le firmament lui-même semble s'embraser, illuminé par l'éclat infernal de l'incendie dévastateur. Les murs de béton qui formaient autrefois un bastion impénétrable se fissurent et s'effondrent sous la pression de la déflagration, révélant les entrailles calcinées de la demeure autrefois splendide.Une épaisse colonne de fumée s'élève lentement vers le ciel, enveloppant le paysage dans un voile opaque de destruction. À travers ce tourbillon de chaos, des cris de panique et de désespoir s'élèvent, témoins impuissants de la tragédie qui vient de frapper de plein fouet.

Je lève les yeux et découvre un être volant dans le ciel. Il me faut quelques secondes pour reconnaître Diego. 

L'air se fige autour de moi alors que je reste pétrifié devant cette vision terrifiante. Diego, autrefois mon ami. Ses yeux injectés de sang me fixent avec une intensité glaciale, dépourvus de toute trace de l'âme que je connaissais autrefois. 

Je sens un frisson glacé me parcourir l'échine alors que la réalité de la situation me frappe comme un coup de fouet. C'est lui, Diego, mais en même temps ce n'est plus lui. Ses yeux sont rouges, son corps est couvert de poils, des ailes de vampires, des bras de loups-garous, il ressemble à une étrange chimère, une fusion d'un loup-garou et d'un vampire. 

L'heure du jugement est venue, il est trop tard pour demander pardon. 

Je sens mon cœur battre la chamade dans ma poitrine. 

Le soleil se baisse, l'aurore est magnifique, le ciel prend des teintes orange, les coups pleuvent, le monde se déchire, les rues prennent feu, la rage se déploie, incontrôlable. Je ne peux pas rester immobile, alors je m'approche de lui, ma main se pose sur sa joue, et sa colère se dissipe presque immédiatement. Le cadavre de son père repose derrière lui, le ventre ouvert, le cœur arrachés, les membres en lambeaux. 


Ainsi, là où se dressait a l'homme qui aurait pu être empreint de douceur et de compassion, l'homme à qui la joie avait été volé ne subsiste désormais qu'une créature écorchée vive par les tourments du passé. À lui qui n'aurait jamais dû oublier les horreurs qui lui ont été infligées, à lui qui ne voulait qu'être aimé, à lui qui ne pouvait pardonner, il se tient désormais fébrilement, tel une bête blessée et traquée, prisonnier d'une tristesse oppressante qui empoisonne son être.

Incapable de vivre, incapable de mourir, incapable de sourire, incapable de pleurer, incapable d'exister. 

Incapable d'exister, car son être tout entier est consumé par les chaînes de la souffrance et de la désolation, condamné à errer éternellement dans les limbes de son propre néant intérieur.

- Je t'aime, je souffle. 

Ma main caresse sa joue, effleure ses crocs de loup-garous, sa peau glaciale de vampire. 

- Je t'aime plus que tout. 

Voilà les larmes envahissent ses yeux pour la première fois ses yeux, voilà qu'il comprend ce sentiment qui lui a échappé si longtemps. Peut-être que les choses ont été écrits comme ça, peut-être que celui qui a décidé de ça n'est qu'un fou qui aime la Tragédie. Il avait besoin de tuer son père pour pleurer pour la première fois, comme un enfant qui comprenait pour la première fois à quel point ce monde pouvait être terrifiant. 

Et maintenant, il pleurait, il hurlait, un torrent d'émotions qui avaient été enfoncés si loin dans son corps qu'il avait un jour douté de leurs existences. Il n'aurait jamais du douté qu'il était humain parce qu'il était incapable d'être humain. Il avait toujours été pour moi, le plus magnifique des êtres humains. 



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