CHAPITRE 2 - Isabella

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— Isabella, pourriez-vous vous occuper de Madame Sibigaud ? Je vous la transmets sur la ligne ! M'informe mon supérieur hiérarchique, avec un ton plus que condescendant.

— Bien sûr.

Je mets mes dossiers de côté et décroche le téléphone, réglant ainsi les problèmes de commande de la cliente en question. C'est au moins le cinquantième consommateur qui appelle depuis ce matin, et il n'est que neuf heures.

Qu'est-ce que c'est long...

Je règle le problème de ma nouvelle cliente assez rapidement, puis raccroche en soufflant. Je ramène alors les mais à mes tempes et les masse énergiquement, les yeux clos.

Quelle nuit...

Shawn ne travaille pas aujourd'hui. Il a donc passé la nuit à jouer sur sa console, en ligne avec de parfaits inconnus. Comme je l'avais prédit. Cela aura eu raison de ma nuit, puisque j'ai passé des heures interminables à l'entendre traiter les autres de « campeurs », de « fils de pute » ou d' « enculés de leur race ».

C'est définitivement un grand enfant.

Le quotidien devient réellement insupportable.

Je passe la fin de matinée à courir dans tous les sens pour transmettre les dossiers, les devis et répondre aux appels téléphoniques des milliers de personnes qui se rattachent à notre entreprise, et ce, sans même me plaindre. À midi, je prends ma pause seule dans mon bureau, car depuis peu, je n'ai plus envie de me mêler au monde. Je me suis préparée du riz en salade, avec concombres et mayonnaise. Puis, l'après-midi, je cours à nouveau sur mes dix centimètres de talon, ce qui au moins, me permet de perdre les calories ingurgitées durant le déjeuner.

C'est seulement à dix-huit heures que je sors de l'immense bâtiment en béton, armée contre le froid, et que je reprends la route pour rentrer.

— Seigneur...

Je suis épuisée, éreintée. Mon cœur ne tient plus le choc. Si je ne me détends pas ce soir, je vais finir en burn out. Cela fait un moment que je n'ai pas profité de la vie, que je ne suis pas sortie avec des amies en boite de nuit, ou au bar. C'est ce qu'une jeune femme est normalement censée faire, non ?

Je me dirige vers le bar le plus proche pour me détendre, avant de rentrer et de sombrer dans mon quotidien trop monotone pour être mentionné à nouveau. Quelques minutes plus tard, les pieds en feu, je passe la porte Mile High Spirits.

***

 C'est un bar pas mal fréquenté, car situé en plein centre des affaires. Bon nombre de jeunes chefs d'entreprise ou d'employés viennent donc boire un verre en fin de journée avec des collègues. Quant à moi, je suis seule. Comme toujours. Tandis que je m'avance pour trouver une chaise de comptoir libre, je remue les émotions négatives dans ma tête : pourquoi suis-je si aigrie, ces temps-ci ? Est-ce le fait d'avoir à subi mon travail, ou subir mon couple ? Ou les deux ? Il fut un temps où n'importe quelle contrariété me passait au-dessus, mais ce n'est plus le cas, maintenant. Je me laisse engouffrer sans même m'en rendre compte, comme la petite grenouille dans l'eau chaude.

Je m'assieds enfin sur une des chaises hautes du comptoir, et pousse un long soupir de satisfaction. Mes épaules se relâchent et mes pieds ne souffrent plus d'être écrasés contre les pavés. J'attrape mon sac à main et fouille dedans pour dénicher ma carte bleue.

Quel bordel, dans ce sac...

— Bon sang... Elle est passée où... Marmonné-je dans ma barbe, ne la trouvant pas.

Je fouille dans tous les recoins du sac, toutes les poches, tombant sur maints objets n'ayant rien à faire ici - rouges à lèvres, mouchoirs usagés, tampons, et même un mini vibromasseur que j'avais acheté durant une période de stress au boulot, pour me détendre pendant les pauses pipi...

BOURREAU DES COEURS - TOME 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant