CHAPITRE 11 - Hadrian

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— Vous êtes sûr ?! Hausse-t-il le ton au bout du fil, à tel point que je me vois obligé d'éloigner le portable de mon oreille.

— Parfaitement.

— Monsieur Campbell, si vous me le permettez, je ne pense pas que ce soit une bonne idée... Nous avons déj...

— Faites ce que je vous dis sans discuter. À moins que vous ne vouliez que je vous coupe les vivres, Monsieur Taylor, le menacé-je d'une voix cinglante.

— Pardon, Monsieur Campbell... Abdique le vieux grincheux.

— Je ne veux plus vous entendre rechigner, j'ai autre chose à foutre que de vous entendre contester mon autorité, lui envoyé-je sèchement.

— Bien, Monsieur. Veuillez m'excuser.

J'aime quand tout le monde se démène pour exécuter mes ordres, sous peine de perdre la vie. C'est d'un agréable.

— Alors, doublez les stocks. C'est un ordre !

— Très bien, Monsieur, m...

Je lui raccroche au nez, ne lui laissant aucunement le temps de discuter à nouveau à mes ordres. Je balance mon portable sur le bureau, et il manque de tomber à mon opposé. Je ramène mes mains à mes tempes et les masse énergiquement. Je clos les paupières pour plonger dans un autre monde et sortir de mon état de colère qui prend beaucoup trop d'ampleur, depuis quelque temps.

— Putain... Le business, j'vous jure... Me plains-je à moi-même en me pinçant les lèvres.

J'expire tout l'air qu'il m'est possible d'expier de mes poumons et me penche en arrière. Mon dos s'ancre instinctivement dans mon fauteuil de bureau, qui depuis toutes ces années durant lesquelles j'ai été à la tête de tous les trafics, a pris la forme de mon dos et me sied parfaitement.

C'est un boulot qui rapporte, mais il reste éreintant.

Parfois, je n'arrive pas à avoir une minute à moi.

Putain de vie...

TOC TOC TOC

— Entrez ! M'exclamé-je, sachant bien qu'une seule personne peut avoir le loisir d'entrer dans cette pièce - et dans toutes les autres.

— Bonsoir, Monsieur Campbell, m'envoie le jeune Victor, avec un sourire avenant.

— Bonsoir, Victor. Que me vaut cet honneur ?

— Monsieur, il est bientôt vingt-deux heures. Il est temps, si vous le souhaitez.

— Merci.

J'émets un hochement de tête qui, bien que discret, se laisse aisément remarquer par le jeune homme, habitué à travailler pour moi depuis toutes ces années. Je l'ai recueilli alors qu'il n'était qu'un adolescent en perdition, et il me remerciera toujours pour cela, ce qui fait que je l'ai dans ma poche. Il vivait dans la rue et se prostituait pour payer ses rails de coke. Pitoyable.

Quel sauveur je fais !

— J'attends vos ordres, Monsieur, m'annonce-t-il ce dernier avant de sortir et de refermer la porte derrière lui, me laissant à nouveau seul dans mon immense bureau, centre de tous mes trafics divers et variés.

Je me lève enfin de mon siège et me dirige vers la grande bibliothèque remplie d'œuvres toutes plus onéreuses les unes que les autres. Certaines, dont le dos est rempli de dorures, offrent à cette pièce une fausse allure de bibliothèque de l'époque victorienne. Je l'ai aménagée moi-même, il y a de cela des années, et je m'y sens toujours aussi bien. J'appuie sur un bouton, juste à côté du Voyage au centre de la terre, puis une dizaine de livres pivote, pour laisser place à un service à alcool.

BOURREAU DES COEURS - TOME 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant