CHAPITRE 32 - Isabella

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Voilà plus d'une semaine que nous sommes enfermées, Alexandra et moi, dans ces grandes pièces sans vie. Des jours entiers, sans qu'Hadrian ne vienne nous chercher pour ses petites sauteries.

Et malheureusement, pour moi, des jours entiers à entendre Alexandra se plaindre de ses douleurs corporelles.

Je l'entends régulièrement hurler de douleur lorsqu'elle va sur le trône, faute d'avoir eu des soins médicaux. J'ai pourtant essayé de le quémander à Victor, mais évidemment, Hadrian aime trop voir les autres souffrir pour bouger le petit doigt. Heureusement, je sais d'avance qu'Alexandra ne succombera pas à ces blessures. Il lui faut simplement un peu de temps pour s'en remettre. Une semaine, peut-être deux, ou trois, je ne sais pas. Je ne suis pas médecin. Tout ce que je constate, c'est que si je parviens à sortir d'ici un jour, je devrai prendre rendez-vous d'urgence chez un ORL.

Bien sûr, je pense que si j'avais été dans sa situation, j'aurais passé des heures et des heures à chouiner aussi.

Ou peut-être pas.

Quoi qu'il en soit, Alexandra n'est pas de très bonne compagnie en ce moment. Elle ressent le besoin incessant de me rappeler ce qu'elle a vécu dans la Dark Room, et dans les moindres détails. A-t-elle à ce point besoin de s'en rappeler ? Moi pas. Il n'existe rien de pire que de voir ses proches souffrir sans pouvoir les aider, en étant enchaîné et en devant assister à ce spectacle morbide.

J'ai presque honte de n'avoir rien pu faire pour elles. Mais ce dont j'ai le plus honte, c'est de ressentir ce désir malsain pour notre geôlier jusque dans mes tripes, ces papillons dans mon ventre et leurs ailes d'acier qui me déchiquettent de l'intérieur. C'est de ressentir ce désir incommensurable d'être à sa place, de sentir ce que ça fait d'être soumise à cet homme.

Oui, je suis peut-être devenu folle.

Oui, j'ai peut-être, finalement, le syndrome de Stockholm.

Mais je m'en contrefiche.

De toute manière, nous mourrons toutes les deux ici, tout comme Hailey et Beverly ont rendu leur dernier souffle. Sans compter Eleanor, qui a été la première à trépasser.

Je n'imagine pas une seconde qu'il puisse nous laisser sortir d'ici vivante. Et après tout, est-ce que je le souhaite vraiment ?

Victor s'occupe toujours très bien de nous, nous apportant les plus délicieux mets, de nouvelles affaires, et surtout, et c'est ce qui me choque le plus, des produits de beauté. Et malgré tout cela, malgré le fait que nous puissions redevenir un minimum coquette, Hadrian n'est jamais revenu nous chercher. Je n'ai pas revu son corps puissant, et son visage d'acier. Je n'ai pas senti son odeur boisée, et son haleine mentholée. Rien.

Tous les matins, je me maquille. Et le simple fait de me couvrir de blush, de fond, de teint, de mascara, de fard à paupières, de rouge à lèvres... Va bien au-delà de la simple coquetterie pour moi. C'est un appel. C'est la douce mélodie de mon désir qui crie à l'aide. C'est à la fois ces envies qui me rongent, et la détresse de ne pas pouvoir les soulager. C'est aussi une supplication, un espoir de chaque matin, que notre bourreau vienne nous libérer.

En fait, ce maquillage, c'est tout à la fois.

Et rien en même temps.

L'homme qui nous retient prisonnières joue avec notre espoir. Même si nous n'avons pas encore revu son visage gorgé de sadisme. Heureusement pour Alexandra finalement, car je pense que si cet homme avait encore pénétré son tunnel de force avec son énorme matraque, elle n'aurait pas pu y survivre.

Et quand j'y pense, j'ai, à maintes reprises, fantasmé sur le corps de Dimitri, alias Hadrian, depuis notre rencontre ce soir-là. Oui, ce soir-là qui a changé ma vie, dans ce bar.

BOURREAU DES COEURS - TOME 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant